A l’occasion du dernier Festival de la Fiction, un débat sur la place des femmes dans la fiction a eu lieu en partenariat avec Télé Star et l’association PFDM. Plafond de verre, disparités salariales, quotas, harcèlement, rien n’a été occulté. La preuve !
A l’occasion du Festival de la Fiction de La Rochelle, qui s’est tenu exceptionnellement à Paris à cause de la crise sanitaire, une table ronde sur la place des femmes dans la fiction a eu lieu en partenariat avec Télé Star et l’association Pour les Femmes Dans les Medias. Etaient présents : les comédiennes Cristiana Reali et Alix Poisson, la productrice des « Petits Meurtres d’Agatha Christie » Sophie Révil, l’auteure-réalisatrice Murielle Magellan, la compositrice Audrey Ismaël, le comédien, auteur et réalisateur Lucien Jean-Baptiste et la productrice Laurence Bachman, coprésidente de PFDM, ainsi que l’INA. Sans langue de bois, les uns et les autres ont abordé tous les sujets, à commencer par la représentation des femmes à l’écran : "Même s’il y a de magnifiques personnages féminins, notamment à la télévision, ils se résument souvent à une fonction : femme de…, secrétaire de…, maîtresse de… remarque Alix Poisson. Alors qu’ils devraient faire preuve d’un peu plus de complexité, comme c’est davantage le cas avec les personnages masculins." Pour Lucien Jean-Baptiste, il faut casser les codes : "Je n’arrête pas de le dire ! Prenez vos stylos, racontez vos histoires et faisons évoluer les imaginaires !" Et Cristiana Reali de rajouter : "Pourtant, moi qui en ai fait beaucoup, je peux vous dire que ce sont les femmes qui sont mises en avant lors de la promotion, notamment sur les couvertures de magazines. De même, nous arrivons souvent plus tôt sur le plateau pour la coiffure et le maquillage. Malgré cela, nous sommes souvent moins bien payées que les hommes. Comme cela se fait-il ?".
Au-delà des disparités salariales, c’est tout un système "bâti par des hommes" et "excluant pour les femmes" que la productrice Sophie Révil a mis en lumière. "Au regard des statistiques, il existe des disparités choquantes car le modèle économique de notre métier ne prend pas du tout en compte la réalité de la vie des femmes. Il considère par exemple qu’il est normal de travailler jusqu’à 22H00 tous les soirs ou tous les week-ends. Comme les budgets sont toujours trop serrés, on pousse sans arrêt les murs. Mais qui a dit qu’il fallait fabriquer les films de cette façon-là ?" A cet égard, la maternité devient un facteur de discrimination supplémentaire. Un dilemme que connaissent bien les actrices. Alix Poisson se souvient : "Je venais d’être prise pour une série, lorsque j’ai appris que j’étais enceinte. De moi-même, j’ai appelé la réalisatrice presque pour m’excuser. A tel point qu’elle a cru que je ne voulais plus participer au projet, ce qui n’était pas du tout le cas ! Et je ne parle pas de tous ceux qui m’ont traitée de folle pour avoir dit que j’attendais un enfant ! Il faut s’attaquer à ce conditionnement".
Face aux statistiques qui mettent en évidence la raréfaction des femmes aux postes à responsabilité – selon l’INA, 12% de fictions ont été réalisées par des femmes entre 2008-2018 – viennent les questions de l’autocensure et de la difficulté à faire entendre sa voix dans un milieu essentiellement patriarcal. "Nous sommes confrontés au phénomène du plafond de verre, affirme Lucien Jean-Baptiste. Selon une enquête du CNC, il y a énormément de femmes dans l’audiovisuel, mais, plus on monte dans les responsabilités, plus elles disparaissent". Pour Murielle Magellan, scénariste et réalisatrice, il est d’autant plus complexe de s’imposer quand on ne soupçonne pas la nécessité de mener ce combat : "Avant d’y être confrontée, on ne sait pas que cette lutte existe. On ne sait pas pourquoi les choses ne se font pas. Dès lors, on se remet en question, il y a quelque chose de l’ordre de la confiance fragilisée. On a du mal à envisager que le fait d’être une femme est une des causes qui peut retarder l’accès à la réalisation – ce qui est mon cas – car c’est juste inimaginable".
D’autres domaines touchés
Dans le domaine de la musique, les chiffres sont encore plus édifiants, comme le rappelle Audrey Ismaël : " Seules 6% de femmes signent des bandes originales de films. Cette année, c’est la première fois que l’on confie à une femme, Anne Sophie Versnaeyen, celle d’un film à plus de 10 millions d’euros, à savoir OSS 117. L’an dernier, au prix de l’Union des Compositeurs de Musiques de Films, sur quatre-vingts nominations, on ne comptait aucune femme."
Médiatisée par les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, la question du harcèlement n’a pas échappé à cette table ronde : "Je suis frappée de constater que, dans nos métiers, on ne parle que des actrices, constate Sophie Révil. Elles sont le fer de lance de cette prise de parole et c’est très bien. Mais le harcèlement concerne tous les postes ! Comme beaucoup de jeunes productrices j’ai été harcelée, et, encore aujourd’hui, je n’aimerais pas envoyer mes filles sur un tournage lorsqu’on voit ce qui arrive aux petites stagiaires lors des fêtes de fin de tournage." "Si on observe quelque chose de pas normal sur un plateau, on doit absolument parler, enchaîne Alix Poisson. Quitte à y aller à plusieurs. Plus on fait appel au collectif et à la sororité, plus on sera efficace dans la dénonciation". Pour Lucien Jean-Baptiste "il faut arrêter de penser que ‘tout ce qui se passe sur un tournage, reste sur le tournage’ !".
Enfin, tandis que Delphine Ernotte, récemment renouvelée à la présidence de France Télévisions, vient d’annoncer la mise en place de quotas pour atteindre les 30% de femmes réalisatrices dans le service public, Laurence Bachman conclut : "Il y a trois ans, le mot quota était un gros mot. On le mettait systématiquement en opposition avec le processus de création. Aujourd’hui, on se dit que c’est un mal nécessaire. Nous sommes heureuses de travailler avec Delphine Ernotte sur ce sujet, tout comme sur celui du harcèlement, contre lequel PFDM a fait signer une charte, ainsi que contre tous les agissements sexistes, aux producteurs, diffuseurs et autres. Les quotas temporaires à responsabilité égale, on doit y passer".
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