C’est la saison d’Halloween, mes potes sont en train de mettre une touche finale à leur déguisement, les invitations à des soirées costumées se multiplient. Oui, mais voilà j’ai autant envie de me déguiser que de finir découpée dans un terrain vague.
Je ne sais pas comment je me suis retrouvée dans cette situation. En pleine réunion de rédaction à vociférer sur le fait que je ne me déguisais jamais comme si c’était un engagement politique à tenir. Le couperet est alors tombé : « Pourquoi tu n’écrirais pas un article sur ce sujet ? ». Voilà, à force d’ouvrir ma grande bouche, que je me retrouve à devoir parler d’une action que je déteste : me déguiser. La malchance veut que mes amis adorent les soirées à thèmes. À chaque soirée, ils se disent : « Cette fois-ci, le thème va lui plaire », et espèrent que j’ai joué le jeu. Et à chaque soirée, je les vois mi-déçus mi-amusés lorsque je leur réponds : « Je me suis déguisée en Mélody Thomas ». Problème d’ego ? Manque d’humour ? Les deux ? Allez savoir…
Faire semblant
« Mon premier souvenir mode date du jour où ma mère m’a surpris en train de défiler dans notre foyer catholique de classe moyenne dans une banlieue irlandaise de Boston. J’étais là, âgé de quatre ans, vêtu de la plus belle robe de ma sœur. Les vêtements des femmes ont toujours fortement stimulé mon imagination». Ainsi, commence Fashion Climbing le mémoire de Bill Cunningham, street-photographe iconique décédé en juin 2016. Je mentirais si je disais ne pas avoir, moi aussi, de tels souvenirs. Durant l’enfance, faire semblant a été une de mes activités favorites. Ma mère garde des souvenirs de moi, traînant ma chambre entière dans des sacs qui faisaient dix fois mon poids et ma taille, et dans lesquels se retrouvaient pêle-mêle Barbies, livres favoris et… déguisements. (ce qui explique sans doute mon incapacité à faire des valises utiles).
J’ai donc été tour à tour un fantôme, une mariée caractérielle dans une robe trop grande pour moi, Miss Météo à l’aide d’un carton transformé en télévision et d’un Atlas offert par mon parrain le tout vêtue d’une veste de scientifique – ne me demandez pas pourquoi – ou encore Maîtresse d’école. Il existe d’ailleurs une série de photos qui prouve que mon personnage préféré de Disney était Esmeralda. Ma mère m’avait cousu un jupon flamboyant violet, sur lequel je glissais un châle en laine blanc et de nombreux colliers, sans lésiner sur le maquillage. Ambiance kermesse.
Adolescence, construction de soi : le vêtement comme identité
« L’habillement est une conception du monde qu’on porte sur soi. Qui songerait à porter quelque chose qui lui est contraire et qui le contredit constamment ? » , s’interroge le poète français Henri Michaux dans son essai Un barbare en Asie. Je devais avoir 6 ou 7 ans lorsqu’au prix d’une lutte acharnée avec ma mère, j’ai obtenu le droit de choisir mes vêtements moi-même. Terminée l’idée de « vêtements du dimanche » si chère aux traditions françaises. Il n’y a plus de saisons ma pauvre dame, pas plus que d’occasions particulières ! Aujourd’hui on a « cassé les codes » (haha).
L’adolescence, c’est la peur du ridicule, l’envie d’être acceptée par le groupe et de se montrer sous son meilleur jour. Dans cette époque bénie, mes amis n’auraient jamais eu l’idée de se déguiser en quoi que ce soit, persuadés, contrairement à ce que dit le dicton, que le ridicule peut tuer. Mais, ça a aussi été pour moi l’occasion de découvrir ce que j’aimais porter : les jeans taille haute, les pantalons palazzo, les jupe-culotte et les écharpes XXL. Un style que j’ai arboré jusqu’à la fin du lycée et qui explique qu’il n’existe aucune photo de moi avec une ateba et un pantalon Kanabeach. Merci la vie.
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Déguisée ou pas déguisée ?
Aujourd’hui, je suis journaliste mode et si j’ai l’impression de m’habiller « normalement », mes amis ne manquent pas de me rappeler que ce n’est pas tout à fait vrai. J’entends souvent : « Il n’y a que toi pour porter des choses comme ça ! » ou « je n’oserais jamais essayer telle couleur ». La mode pour moi, c’est habiller mon humeur du jour – je ne comprends pas comment les gens arrivent à décider la veille ce qu’ils veulent porter le lendemain hormis pour prendre l’avion ou le train. C’est jouer avec les couleurs, les matières. C’est faire des essais, pas toujours sensas’, mais qui en disent long sur qui je suis à l’intérieur.
Réveillon du Nouvel An 2018, mes amis ont attendu d’être suffisamment saouls pour me demander : « Mais tu t’es déguisée ou … ? ». Je portais une robe à sequins orange et noirs sur un pull à col roulé blanc en coton. Un côté 70’s assumé, mais sans entrer dans le déguisement. Finalement, c’est peut-être la raison pour laquelle je ne me déguise pas (bon, je suis sans doute relou aussi, mais j’assume) : je n’ai pas envie que soit confondue la manière dont je m’habille avec un déguisement. Car je me suis trouvée, et il semblerait, que je n’ai plus envie de faire semblant.
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