- Jeudi, Netflix met en ligne la tant attendue 3e partie de sa série « Lupin », avec Omar Sy, Ludivine Sagnier, Soufiane Guerrab ou encore Shirine Boutella.
- Comptabilisant des dizaines de millions de visionnages à travers le monde, la série a aussi eu des retombées spectaculaires dans le domaine de l’édition. Elle a notamment boosté les ventes de l’œuvre de Maurice Leblanc.
- Passée la ferveur suscitée par la série en 2021, la folie autour d’Arsène Lupin est-elle retombée depuis ? La saison 3 peut-elle raviver de nouveau la flamme de son auteur en librairie ? de l’
C’est le plus grand des voleurs… Et le plus grand des vendeurs ? Deux ans après le lancement de Lupin et son succès mondial (plus de 70 millions de visionnages à travers la planète), la série inspirée des aventures d’Arsène Lupin fait son retour sur Netflix. Une saison 3 disponible dès ce jeudi sur la plateforme, où l’on retrouve une nouvelle fois Omar Sy dans le rôle d’Assane Diop, fervent admirateur du « gentleman cambrioleur ».
Comme les saisons précédentes, ces nouveaux épisodes continuent de mettre en valeur l’œuvre de Maurice Leblanc. Glissés dans les mains d’Assane, les livres de l’auteur apparaissent par petites touches à l’écran. A sa sortie en 2021, l’engouement avait été tel que la série avait boosté les ventes du romancier normand, le hissant dans les tops de sites en ligne. Mais deux ans après, où en est-on de la « Lupinmania » ? La magie de la série opère-t-elle toujours sur Arsène Lupin en librairie ?
« Découvrez le livre qui a changé la vie d’Assane »
« Les ventes se sont un peu essoufflées mais on en vend quand même plus qu’il y a trois ans », constate Sonia, libraire chez Ici Librairie dans le centre de Paris. En 2021, elle se souvient avoir été en rupture dès la première semaine de la sortie de la série et avoir multiplié les ventes durant les trois mois suivants. « Les adultes venaient en disant qu’ils ne se souvenaient plus que ça avait l’air aussi bien. Il y avait également des parents qui voulaient le faire découvrir à leurs enfants », explique-t-elle. Parmi les meilleures ventes, figurait un roman Hachette en partenariat avec Netflix. Quelques jours seulement après la sortie de Lupin, l’éditeur publiait une nouvelle édition d’Arsène Lupin, Gentleman Cambrioleur, avec une couverture ressemblant au livre d’Omar Sy dans la série. Un ouvrage agrémenté d’un bandeau avec cette inscription : « Découvrez le livre qui a changé la vie d’Assane ». Un coup marketing d’une efficacité redoutable. « L’effet de couv a marché direct, c’était très malin », confirme la libraire.
Cette édition s’est vendue à près de 140.000 exemplaires en 2021, dévoile Hachette Romans à 20 Minutes. Dans la même collection, L’Aiguille creuse, parue en amont de la partie 2 de la série, s’est quant à elle écoulée à plus de 35.000 exemplaires entre juin et décembre de cette même année. « Au total, le marché « Maurice Leblanc » a explosé depuis la diffusion de la série », se réjouit Charlotte Borelle, directrice marketing et communication chez Hachette Romans. Un succès pour cet éditeur, mais pas seulement. En 2021, les ventes du romancier au global (toutes les maisons d’édition ayant publié un titre de Maurice Leblanc) atteignent plus de 550.000 exemplaires, contre 25.000 en 2019 et 2020, explique Charlotte Borelle, citant des données GFK. Soit une augmentation de +2.100 % en l’espace de quelques mois…
Du côté de Gallimard Jeunesse, Arsène Lupin fait aussi recette. Profitant de l’arrivée de la série sur Netflix, l’éditeur fait entrer le romancier dans son catalogue et publie quatre de ses romans entre 2021 et 2022 (vendus depuis à près de 100.000 exemplaires, d’après des chiffres éditeur). La stratégie adoptée ? Séduire le jeune lectorat. Pour cela, Gallimard Jeunesse propose à environ 1.500 enseignants au collège une édition limitée du Gentleman Cambrioleur accompagnée d’un livret éducatif. Une opération à succès. « Les professeurs plus âgés étaient ravis de retrouver Maurice Leblanc, les plus jeunes ravis de le découvrir et de l’enseigner à leurs élèves », explique Adélaïde Klein, responsable du poche et de la prescription scolaire.
« Le personnage est revenu sur le devant de la scène pop »
Si en 2021 l’effet Omar Sy et Netflix est notable, l’année suivante le soufflé retombe un peu. Chez Gallimard Jeunesse, Arsène Lupin, Gentleman Cambrioleur, se vend à 39.000 exemplaires en pleine « Lupinmania », puis 8.000 en 2022 et 7.000 en 2023 (chiffres éditeur). « Le phénomène s’est un peu calmé », reconnaît également Hachette Romans. « Mais les ventes restent très importantes par rapport aux années avant la série », ajoute l’éditeur, avançant 157.000 exemplaires (GFK) sur le marché global des ventes de Maurice Leblanc en 2022. Un joli coup de projecteur pour ce personnage du tout début du XXe siècle.
Pour Louis Gendebien, président de l’Association des Amis d’Arsène Lupin, la série a ses mérites. « Ils ont eu l’intelligence de dire dès le début qu’il ne s’agissait pas d’Arsène mais d’un personnage inspiré par ses valeurs. Les amateurs historiques ne se sont pas sentis choqués. C’est très malin et ça amène quelque chose de nouveau autour du roman d’aventures et policier », estime-t-il. Louis Gendebien souligne particulièrement « l’intelligence du scénario » de la fiction Netflix. « Le contenu est très Lupin, ça ressemble très fort dans l’esprit. Le fait de l’avoir transposé à travers ce personnage rend tout ça à la fois plus contemporain et plus vivant », juge-t-il.
Chez Gallimard Jeunesse, Adélaïde Klein est du même avis. La série a « complètement dépoussiéré » l’œuvre de Maurice Leblanc, qui par ailleurs « n’était pas datée ». « Il y a vraiment une malice dans l’écriture qui la rend tout à fait adaptée à un jeune public, c’est parfaitement accessible pour des enfants à partir de 10 ans », estime-t-elle. « Le personnage était beaucoup jusque-là dans l’ombre de Sherlock Holmes », note-t-on chez Ici Librairie à Paris. Ça a potentiellement relancé la lecture d’Arsène Lupin mais c’est avant tout le personnage qui est revenu sur le devant de la scène pop. » Très populaire au Japon, on retrouve l’univers d’Arsène Lupin dans plusieurs mangas, mais aussi en bande dessinée en France, notamment chez Bamboo qui a sorti plusieurs de ses aventures cette année.
« Le marché existe à plein d’endroits et sous plein de formes », confirme Jacques Braunstein, rédacteur en chef de Livres Hebdo. « Ce que je trouve intéressant dans la série Netflix, c’est qu’elle redynamise une œuvre. Pas en l’adaptant mais en racontant une autre histoire. Elle ne la remplace pas mais la prolonge et donne envie de la découvrir. » Un effet qui perdure jusqu’à la saison 3 ?
« Le regain de Lupin s’est vraiment pérennisé »
Deux ans après son joli coup, Hachette Romans y croit toujours. « Depuis la série, Maurice Leblanc s’est tout à fait « ré-imposé » comme auteur classique de référence en librairie », estime Charlotte Borelle. « L’engouement pour une saison 3 ne peut pas être comparé à la déferlante entraînée par la saison 1 de la série, nuance-t-elle. Mais le regain de Lupin s’est vraiment pérennisé et on pense que cette nouvelle saison permettra de remettre en avant nos titres. » Toujours en partenariat avec Netflix, l’éditeur a publié en septembre dernier Lupin, Echec à la reine, un spin-off dérivé de la série, écrit par Bertrand Puard en concertation avec George Kay, le créateur de Lupin. L’histoire ? « Le roman raconte une période jamais vu dans Lupin, 15 ans avant les événements de la série alors que Benjamin et Assane sont de jeunes adultes », décrit le communiqué du livre.
Chez Ici Librairie, on attend aussi ce nouvel effet booster. « Je pense que ça va reprendre avec la série. C’est devenu un label maintenant et ça fonctionne bien », analyse la libraire Sonia. D’autant qu’Arsène Lupin a fait des petits. Mi-octobre, la librairie organise un escape game pour les enfants, pour la sortie de Les Arsène – La clef aux trois joyaux, un romain de Bertrand Puard (encore lui !) où le cambrioleur à la retraite forme sa jeune relève.
Sans oublier la richesse de l’œuvre originelle de Maurice Leblanc. En janvier 2024, Gallimard Jeunesse publiera notamment Les confidences d’Arsène Lupin. « Il y a plus d’une vingtaine d’aventures et quelque part il pourrait y avoir une vingtaine de saisons de la série », entrevoit Jacques Braunstein de Livres Hebdo. En espérant qu’Omar Sy n’ait rien de prévu les 20 prochaines années.
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