“Tu sais qu’on ne fête pas vraiment Noël dans ma famille ?! » « Justement, c’est ça qui nous intéresse : ton regard sur ce que peut être un repas de fêtes quand on ne se sent pas obligé de le surjouer ni de cocher les cases de la tradition française. »
Voilà en substance la teneur de notre échange avec Céline Pham, au moment de lui proposer de dresser la table pour ce numéro festif. Dans la maison Pham, à Montigny-lès-Cormeilles, les parents, nés au Vietnam et qui se sont rencontrés en France, ne pratiquaient pas le repas de réveillon.
« On faisait un bon dîner, avec parfois des produits rapportés du Monoprix où travaillait ma mère, des huîtres, une boîte de caviar, même. Mais sans trop y attacher d’importance. Et on ne se faisait pas de cadeaux. »
Des rituels différents de ceux de Noël
Elle en a conservé une certaine méfiance envers la surenchère commerciale autour de Noël et ses étals aux prix qui flambent. La vie à la maison répondait à d’autres rituels, d’ascendance bouddhiste. Le sens du sacré passait plus par une manière d’honorer la mémoire des anciens.
Ainsi, au moment de l’anniversaire de la mort de ses grands-parents, la table est dressée, on la garnit de fruits en offrande, les plats servis sont les préférés des disparus. De sa double culture, Céline Pham a fait son affaire et sa cuisine.
« Ce mélange, je l’ai beaucoup revendiqué, je l’assume un peu moins désormais. Le postulat c’est le goût, point. La question de l’identité se pose moins. » Car aujourd’hui, elle éprouve moins qu’avant le besoin de trouver sa légitimité. Peu de certitudes brandies pour autant, peu d’hésitations aussi. Le menu conçu pour nous est à son image. Inspiré, classe et plein de goûts.
L’harmonie naît du contraste de saveurs, de textures, d’une sorte de tectonique en douceur. L’huître et la caillette, un mélange chatouillé par le nuoc-mam, le piment et la coriandre.
La rondeur d’une courge est agitée par la sauce soja et le citron caviar, les betteraves en robe des champs sont secouées par un assaisonnement mandarine satsu-ma-citron-vinaigre de cidre. L’acidité, toujours comme un contrepoint.
Puis, elle nous livre la recette du gâteau pandan que sa mère prépare traditionnellement à cette période. Sa texture est aérienne et dense à la fois, il se grignote à la fin du repas et les jours suivants. « J’accepte rarement de donner des recettes. Il faut suivre son instinct. C’est plutôt une série d’inspirations que je livre. » Elle est ainsi, Céline Pham, elle occupe la place en creux. Et elle est juste, comme sa cuisine. »
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Les entrées à partager – Huître, nuoc-mam, caillette, coriandre
8 huîtres numéro 2, 1 caillette (à défaut, une saucisse aux herbes), quelques tiges de coriandre longue ngo gai ou, à défaut, de coriandre.
Pour la sauce : 1 c. à s. de nuoc-mam pur, 1 petite échalote finement ciselée, 1 c. à c. de purée de piment sambal oelek, 1/2 c. à s. de sucre non raffiné, 3 c. à s. d’eau, 2 cm de gingembre râpé, 1 demi-citron jaune pressé.
Ouvrir les huîtres, détacher le muscle, ôter la première eau et réserver au frais. Faire cuire la caillette et l’émietter. Ciseler la coriandre et réaliser la sauce nuoc-mam en mélangeant tous les ingrédients.
Au moment de servir, ajouter une cuillérée de nuoc-mam sur l’huître, une cuillérée de caillette émiettée et la coriandre longue.
Les entrées à partager – Rouleaux courge bleue de Hongrie, soba, shiso, citron caviar et kimchi
4 feuilles de riz (soba), 1 citron caviar, 200 g de courge, 20 ml de mirin (un saké doux), 15 ml de sauce soja, 200 ml d’eau, 100 g de soba, 8 feuilles de shiso (ou à défaut de menthe), 100 g de kimchi.
Faire cuire les soba dans de l’eau bouillante salée, égoutter, passer sous l’eau froide et réserver de côté après les avoir mélangées avec un petit trait d’huile. Couper la courge en demi-lune avec une tranche d’environ 2 cm, faire cuire à couvert dans le mélange eau, sauce soja et mirin pendant environ 20 min. Vérifier que la courge est fondante.
Réaliser des rouleaux de printemps en disposant à plat une feuille de riz sur une planche à découper. Déposer d’abord les feuilles de shiso (deux par rouleau), puis les soba, la courge coupée en long et enfin le kimchi. Réaliser des rouleaux en refermant les bords.
Ajouter le citron caviar égrené sur le rouleau coupé en tranches.
L’entrée à l’assiette – Pétales de betteraves en robe des champs, satsuma, pecorino au safran, basilic thaï
2 betteraves jaunes, 2 betteraves Chioggia, 2 petites betteraves rouges, gros sel, 2 mandarines satsuma, le zeste d’un citron, 1 c. à s. de vinaigre de cidre, 1 c. à c. de moutarde, 1 c. à c. de miel, 3 c. à s. d’huile d’olive, pecorino au safran, basilic thaï, sel, poivre.
Cuire les betteraves en robe des champs, c’est-à-dire entières avec la peau dans une eau salée. Pendant environ une heure, vérifier à l’aide de la pointe d’un couteau qu’elles sont entre fermes et fondantes, la peau doit s’enlever facilement sous l’eau. Laisser refroidir.
Réaliser la vinaigrette en commençant par mélanger dans un bol le miel et la moutarde. Puis ajouter tous les ingrédients et rectifier l’assaisonnement avec du sel.
Réaliser des pétales de betteraves à l’aide d’une mandoline – avec une ouverture très fine –, faites tomber les pétales dans votre main afin qu’elles ne se séparent pas. Une autre découpe, sans mandoline, est bien sûr possible. Disposer dans l’assiette et arroser de vinaigrette.
Râper le pecorino au safran, les feuilles de basilic et poivrer.
Le plat – Gnocchis, crème réduite à la mimolette vieille, anguille fumée, oignons rouges, poivre de Kampot, ciboulette
1 kg de pommes de terre (Agria ou Bintje), 400 g de farine (type 00), 1 œuf, 1 c. à s. d’huile, 1 pincée de curcuma, sel, 1/2 l de crème liquide, 220 g de mimolette vieille râpée, 200 g de filet d’anguille fumée, 1 petit oignon rouge, 2 c. à s. de vinaigre de cidre, 1 botte de ciboulette.
Peler et faire cuire les pommes de terre dans une eau bouillante salée. Les passer au moulin et faire bien refroidir la pulpe au réfrigérateur. Ajouter la farine, l’œuf, l’huile, le curcuma et une bonne pincée de sel. Mélanger harmonieusement jusqu’à obtenir une pâte assez lisse, ajouter de la 214 farine si elle est trop collante.
Faire réduire dans une grande casserole (pour éviter les débordements) la crème liquide, une fois réduite de moitié, ajouter la mimolette râpée et bien mélanger. Laisser de côté (garder environ 20 g de mimolette râpée pour la finition des assiettes).
Préparer l’anguille en coupant de petits morceaux, couper l’oignon rouge et le passer brièvement dans une casserole avec 100 ml d’eau et le vinaigre de cidre, saler puis laisser mariner hors du feu en remuant de temps en temps.
Réaliser des petits coussins de pomme de terre en étalant la pâte comme des rouleaux sur un plan de travail fariné, couper des morceaux d’environ 2 cm, rouler dans la farine et les faire cuire dans une eau frémissante salée. Lorsqu’ils remontent à la surface, les égoutter et les disposer dans l’assiette au-dessus de la crème réduite.
Ajouter les pickles d’oignon rouge, l’anguille, un peu de poivre, de la ciboulette ciselée et un peu de mimolette râpée.
Les desserts – Bánh bò nuong (gâteau au pandan) et Crème argousier
100 g de farine de tapioca, 50 g de farine de riz, 50 g de fécule de pomme de terre, 11 g de levure chimique, 400 ml de lait de coco, 240 g de sucre, 5 œufs, 1 goutte d’extrait de pandan naturel.
Dans un bol, mélanger la farine de tapioca, la farine de riz, la fécule et la levure chimique.
Dans une casserole, faire chauffer et fondre le lait de coco et le sucre. Laisser refroidir puis verser sur le mélange de produits secs à travers un chinois étamine. Mélanger au fouet.
Passer 5 œufs entiers à travers un chinois étamine dans le mélange, et fouetter une dernière fois tous les ingrédients avec 1 goutte d’extrait de pandan.
Préchauffer le four à 180 °C, graisser un plat légèrement tiédi, repasser l’appareil dans le chinois étamine propre en le versant dans le moule et cuire 30 minutes. Céline a utilisé ici un moule en couronne puis découpé des parts, mais un moule rond simple fonctionne très bien.
Laisser refroidir avant de couper.
Crème argousier, meringue, agrumes, citron noir d’Iran, sorbet lait ribot et basilic thaï
1 orange, 1 pomélo blanc, 1 pomélo rose.
Pour la crème argousier : 1 œuf, 50 g de sucre, 5 cl de jus d’argousier, 1 c. à s. de jus de citron, 45 g de beurre.
Pour la meringue : 50 g de blanc d’œufs (un peu moins de 2 œufs), 50 g de sucre blanc, 50 g de sucre glace.
Pour le sorbet : 100 g de fromage blanc, 100 g de lait ribot, 75 ml d’eau, 50 g de sucre, 50 g de jus de citron, 1 botte de basilic thaï.
Réaliser les suprêmes des agrumes (détailler des quartiers à vif) et réserver au frais. Réaliser la crème d’argousier en mixant le sucre, l’œuf et les jus, puis en les cuisant sur feu doux jusqu’à une texture nappante. Hors du feu, ajouter le beurre en cube et bien mixer. Laisser refroidir.
Pour le sorbet, faire chauffer l’eau et le sucre, laisser refroidir puis mélanger tous les ingrédients, effeuiller le basilic et passer le tout au mixeur. Passer à travers un chinois et faire prendre au congélateur, en mélangeant de temps en temps, servir glacé.
Pour la meringue, monter au batteur les blancs en neige avec le sucre blanc. Ajouter le sucre glace à la fin, puis étaler la meringue sur des feuilles de papier sulfurisé. Laisser cuire 2 h au four à 100 °C.
Dans une coupe, disposer la crème d’argousier, la meringue puis le sorbet au basilic thaï, et recouvrir d’agrumes et de meringue. Râper un peu de citron séché.
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