Chelsea Manning, le destin tourmenté d’une lanceuse d’alerte déterminée

Incarcérée à deux reprises pour son rôle dans l’affaire Wikileaks, elle est l’héroïne du documentaire XY Chelsea, de Tim Travers Hawkins, en salles depuis le 30 octobre. Portrait d’une lanceuse d’alerte qui fait trembler les services secrets américains.

Elle a dénoncé le «véritable coût de la guerre» – puis en a payé le prix fort. Déjà incarcérée entre 2010 et 2017 pour avoir dévoilé des documents classés secret-défense, la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, 31 ans, a écopé, en mars, d’une seconde peine de prison ferme. Elle restera écrouée tant qu’elle ne reviendra pas sur sa décision ou jusqu’à ce que le grand jury soit dissous, a averti le juge Claude Hilton du tribunal d’Alexandria. L’origine de cette nouvelle condamnation ? L’ex-analyste militaire refuse de répondre aux questions du grand jury qui enquête sur Julian Assange. Un parcours houleux, retracé dans le documentaire XY Chelsea, de Tim Travers Hawkins, en salles depuis le 30 octobre.

Condamnée à trente-cinq ans de prison en août 2013, Chelsea Manning projetait déjà une vie derrière les barreaux. XY Chelsea débute pourtant sur une note positive. Après l’intervention inespérée de Barack Obama, la lanceuse d’alerte est libérée en janvier 2017. Le combat de Chelsea Manning n’en est pas pour autant terminé. À l’image du lanceur d’alerte Edward Snowden, exilé en Russie et d’une prudence flirtant avec la paranoïa, Chelsea Manning se sent surveillée. À peine arrivée à son hôtel new-yorkais, la trentenaire scrute les lieux, convaincue d’y trouver des micros.

En vidéo, « XY Chelsea », la bande-annonce

Une enfance torturée

Chelsea Manning a déjà connu bien des heures sombres. Née dans la peau d’un garçon, le 17 décembre 1987 à Crescent, en Oklahoma, Bradley Manning – la future Chelsea – est élevée par des parents tourmentés. Sa mère Susan Fox, originaire du Pays de Galles, et son père, le capitaine Brian Manning, ont sombré dans l’alcool – au point que Susan transmet à son bébé le syndrome d’alcoolisation fœtale. Enfant esseulée, Chelsea Manning peut néanmoins compter sur le soutien de Casey, sa grande sœur, de onze ans son aînée. C’est elle qui s’occupera de la petite fille dès sa naissance. Elle encore, qui témoignera de l’alcoolisme de ses parents devant un tribunal, comme le relatait la BBC en août 2013.

Chelsea n’a que 12 ans lorsque le couple formé par ses parents vole en éclat. Dévastée par leur divorce, elle échappe de justesse à la mort après une tentative de suicide. L’adolescente est aussi victime de harcèlement scolaire. À l’âge de 14 ans, elle déménage au Pays de Galles. Mais les brimades se poursuivront jusqu’à sa majorité. Chelsea Manning est, par ailleurs, hantée par les questions autour de son identité sexuelle. En octobre 2007, la jeune fille prend une grande décision : elle entre dans l’armée et déménage à Fort Lauderdale, aux États-Unis.

« Lady Gaga »

Jugée trop frêle pour exercer ce métier, elle est remerciée au bout de six semaines… avant que l’armée revienne sur sa décision. En 2009, Chelsea Manning est envoyée en Irak. C’est là, que le destin de l’analyste militaire bascule. Tourmentée par le flou autour de son identité sexuelle, elle envoie un mail à un conseiller en identité de genre pour lui demander de l’aide. En avril 2010, c’est à son supérieur hiérarchique qu’elle adresse un courriel intitulé «Mon problème». Elle y joint une photo d’elle… habillée en robe.

Chelsea Manning ne veut plus se taire – y compris sur les atrocités dont elle est témoin. En janvier 2010, elle entre en contact avec Julian Assange, le créateur de Wikileaks. Et lui transmet un CD rempli de documents top secrets, sur lequel sont écrits les mots «Lady Gaga». Quatre mois plus tard, Chelsea Manning est arrêtée. Dénoncée par un pirate informatique du nom d’Adrian Lamo, elle est accusée d’avoir rendu publics 750.000 documents classés secret-défense. Elle est condamnée, en août 2013, à passer plus de trois décennies derrière les barreaux. C’est là que débute son changement d’identité, la jeune femme bénéficiant d’un traitement hormonal.

Une icône LGBTQ

Chelsea Manning manifeste durant la gay pride. (Le 26 juin 2017.)

Sept ans plus tard, survient l’heure de la délivrance. «Premiers pas de liberté», écrit-elle sous son premier post Instagram – un cliché de ses Converse – le 17 mai 2017. Quatre mois plus tard, elle manifeste pour les droits des migrants à Washington. Par ailleurs, la trentenaire s’érige peu à peu en icône de la communauté LGBTQ. En août 2017, Chelsea Manning est méconnaissable dans les colonnes de Vogue, où elle apparaît en maillot de bain rouge. «Chelsea Manning a changé le cours de l’Histoire, maintenant elle prend du temps pour elle», titre le magazine.

À la même période, la jeune femme assiste aux Lambda Literary Awards, qui honorent chaque année les livres de membres de la communauté LGBT, «dans laquelle elle cherche à être acceptée pour ce qu’elle est», écrit Vogue. Son dernier post Instagram en date ? La couverture du magazine Dazed, publiée le 12 février, sur laquelle elle pose en interpellant la communauté LGBTQ. «Nos voix sont puissantes», légende-t-elle. Malgré sa seconde incarcération, la lanceuse d’alerte n’a toujours pas renoncé à se battre : «Elle s’est dévouée à l’idée de poser des problèmes aux puissants, conclut Tim Travers Hawkins dans les colonnes de Paris Match. C’est sa personnalité, c’est en elle. Et je pense qu’elle n’arrêtera pas.»

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