« Apeirogon » dynamite un conflit en 1001 fragments

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  • Aujourd’hui, « Apeirogon » de Colum McCann, paru le 20 août 2020 aux Éditions Belfond, et prix Bookstagram 2021 du roman étranger.

Marceline Bodier, contributrice du groupe de lecture
20 Minutes Livres, vous recommande Apeirogon de
Colum McCann, paru en août 2020 aux éditions Belfond, et lauréat du 
prix Bookstagram 2021 du roman étranger.

Sa citation préférée :

Ça ne s’arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas.
 

Pourquoi ce livre ?

  • Parce que je m’en veux d’avoir manqué ce livre à la rentrée de septembre 2020, car il est vraiment excellent. Innovant dans la forme, bouleversant sur le fond, c’est vraiment un roman que j’ai adoré.
  • Parce que c’est écrit d’après une histoire vraie : celle de deux hommes, un Israélien et un Palestinien, qui ont chacun perdu une fille, et qui parcourent le monde ensemble en portant le message de l’Association des combattants de la paix. Impensable ? L’auteur, qui les a rencontrés et est allé en Israël et en Palestine, va pourtant penser leur histoire en 1001 chapitres, qui forment un « roman hybride au centre duquel se trouve l’invention. Un récit qui, comme tous les récits, entrelace des éléments relevant de la spéculation, de la mémoire, des faits, et de l’imagination. »
  • Parce que la structure du livre est magistrale. Les 1001 nuits sont un des fils conducteurs : il y a donc 1001 chapitres, numérotés de 1 à 500, puis 1001, et enfin de 500 à 1. Les deux chapitres 500 en sont l’apogée, écrits à la première personne, s’ouvrant sur « Mon nom est Rami Elhanan. Je suis le père de Smadar. », et « Mon nom est Bassam Aramin, je suis le père d’Abir ». Entre les deux, un court chapitre 1001 qui, lui, commence, comme un conte cruel, « Il était une fois… ». Le résultat pourrait être insoutenable, mais, comme Les 1001 nuits, c’est « une ruse de la vie face à la mort ».
  • Parce que ces 1001 chapitres sont 1001 fragments d’une bombe qui n’en finit pas d’exploser : tantôt on y lit une simple phrase ou on y voit une simple image, tantôt on y ressasse chaque détail de la vie des deux pères, tantôt on y plonge dans des fragments de connaissance universelle (John Cage et la musique du silence, Borges et la littérature de l’inépuisable, la correspondance de Freud et Einstein). Et toujours, on y creuse ad nauseam le contexte de la mort des fillettes : le sens étonnant des noms de rues où l’une a été frappée, le trajet de la balle qui a atteint l’autre…
  • Parce qu’avec ces fragments, le livre a quelque chose du désordre des Pensées de Pascal. Mais il évoque aussi le chant du Cantique des Cantiques, dont le prénom de Smadar (« La vigne », « l’éclosion de la fleur ») est tiré. De fait, la construction autour de leitmotivs, la proximité des fillettes par-delà la mort, la volonté de leurs pères de placer leur amitié au-dessus de tout, rapprochent le livre d’un grand chant d’amour : d’ailleurs, l’analogie avec le texte – sacré pour les trois religions monothéistes – est revendiquée dans le chapitre 1001.
  • Parce que ce jeu 1001 fois renouvelé fait du livre un apeirogon, forme littéraire inventée pour coller à son sujet. « Pris dans sa totalité, un apeirogon approche de la forme d’un cercle, mais un petit fragment, une fois grossi, ressemble à une ligne droite ». C’est une construction complexe, mais qui symbolise l’idée que « Tout est possible, même l’apparemment impossible ». Ainsi, la tragédie est analysée en cercle – en boucle –, mais avec la certitude que quel que soit le résultat qu’on veut atteindre, on finit toujours par l’atteindre. «… la paix est une réalité. Question de temps. »

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. « Mon nom est Bassam Aramin. Mon nom est Rami Elhanan. Je suis le père d’Abir. Je suis le père de Smadar. » Ces mots sont le leitmotiv du livre comme ils sont ceux de la vie de Bassam, Palestinien, et Rami, Israélien, dont les filles ont été tuées au hasard aveugle d’un conflit fratricide.

Les personnages. « Je refuse d’être une victime », dit l’un. « Je voulais simplement une vie normale et tranquille », dit l’autre. Lequel ? Peu importe. Ils sont « Un Israélien et un Palestinien voyageant ensemble. Plus que ça. Un Israélien hostile à l’Occupation. Un Palestinien étudiant l’Holocauste. »

Les lieux. Israël est sans nul doute une terre somptueuse. Pour rendre cette impression sans affaiblir la force de la tragédie, Apeirogon adopte à de nombreuses reprises le point de vue des oiseaux migrateurs qui la survolent : toujours plus de hauteur, toujours plus de légèreté. Toujours plus près du ciel…

L’époque. Bassam et Rami incarnent enfin ce que Freud appelait de ses vœux pour combattre la guerre : « des liens émotionnels entre les êtres humains », « un sentiment de communauté ». « Un jour Judeh vivra en paix, cela viendra », résume l’un des deux. Pas à notre époque ? Pas encore, mais le livre y œuvre.

L’auteur. Colum McCann est un auteur qui réside aux États-Unis et écrit sans frontières, depuis plus de vingt ans. Irlandais, il sait ce que c’est qu’un conflit fratricide, et il sait aussi qu’on peut en sortir. Récompensé en février 2021 par le
prix Bookstagram du roman étranger, Apeirogon a par ailleurs été salué comme son œuvre de la maturité, et comme une œuvre majeure.

Ce livre a été lu avec toutes les larmes de mon corps, mais aussi, avec éblouissement.

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