L’actrice française décroche avec ce film son premier grand rôle en anglais, et avance doucement mais sûrement vers une carrière internationale. Interview à Cannes.
Lui est un Américain bourru, casquette vissée sur la tête, qui se demande «ce qu’il irait faire dans un théâtre». Elle, une comédienne bobo, mère célibataire qui s’inquiète de savoir «s’il possède des armes». Ces deux-là n’ont rien à faire ensemble, mais Bill, interprété par Matt Damon, veut aider sa fille, une étudiante accusée de meurtre, à sortir de prison. Démuni dans Marseille, une ville qu’il connaît mal, il demande de l’aide à sa voisine de chambre d’hôtel, Virginie, jouée par Camille Cottin. S’ensuit un thriller romantique, qui s’interroge sur le fait de dépasser des différences culturelles a priori infranchissables. Ce duo mal assorti réveille la part d’humanité qu’il existe en chacun, offrant aussi un bel éclairage sur la relation de Bill avec sa fille, ainsi qu’avec celle de Virginie, Maya. À l’occasion du Festival de Cannes, où le film est présenté hors compétition, nous avons rencontré Camille Cottin.
Madame Figaro.-Vous tournez dans un film américain, en VO, avec ce géant qu’est Matt Damon… Cela fait beaucoup d’un coup, non ?
Camille Cottin.- J’avoue, j’ai eu du mal à m’endormir la veille de la première répétition ! Nous avons commencé par une semaine de lecture à table tous ensemble, ce qui était vraiment bien. Ensuite, j’ai essayé de surmonter cet enjeu, et d’imaginer que j’étais vraiment sur un pied d’égalité avec mon partenaire. Sinon, c’est un peu handicapant pour jouer. Matt Damon était aussi réellement dans cette optique de collaboration, à l’instar du réalisateur. Grâce à la confiance de Tom McCarthy, nous avons pu nous épanouir dans le travail, nous sentir libres et en confiance.
En vidéo, Camille Cottin décrit son personnage dans « Stillwater »
Les dialogues en anglais vous ont-ils demandé un travail de tous les instants ?
J’ai vécu à Londres quand j’étais adolescente, puis j’ai fait des études d’anglais en parallèle de mes études de théâtre. Mes parents voulaient que j’ai un plan B si jamais ma carrière de comédienne ne décollait pas. Pour le film, j’ai solidifié mes bases, cela m’a demandé un peu de travail, mais seulement au début. Quand Tom McCarthy venait me diriger en anglais, j’avais non seulement l’inquiétude de ne pas faire ce qu’il avait demandé, mais aussi de ne pas comprendre ce qu’il attendait de moi. J’ai mis un petit temps d’adaptation avant que le cerveau s’habitue et que cela devienne fluide et simple.
C’est un film avec beaucoup de suspens, d’adrénaline, est-ce que c’est quelque chose qui vous attire ?
Oui ! J’aime beaucoup le côté «bigger than life». Ce que j’apprécie dans ce film, c’est qu’il nous étonne toujours ; un peu comme le personnage de Bill Baker, qui réagit sans cesse de manière inattendue. Dans la bande-annonce, plusieurs interprétations sont possibles. Au départ, on peut avoir l’impression que c’est un thriller, et en fait pas du tout. En même temps, il y a quand même une histoire qui nous tient, une enquête qui lui donne un côté policier, «film noir», pour basculer dans une histoire d’amour, avec une dimension sociale. J’aime le fait que cela navigue entre plusieurs genres. Tom McCarthy, le réalisateur, filme ses personnages en étant très proche d’eux. L’équipe a passé du temps en Oklahoma, elle a discuté avec ses habitants, écouté leurs histoires, sondé leur façon de vivre, de penser, de voir les choses.
Comment votre personnage, à l’opposé de celui de Matt Damon, réussit à construire ce lien si spécial, qui crée un équilibre entre eux ?
Quand on a tourné ensemble les premières scènes, on se disait qu’il était difficile d’imaginer l’évolution de leur relation. Mon personnage, Virginie, n’a pas de préjugés, elle a des valeurs très fortes, elle est intègre, ouverte et droite. Au contraire, Bill (le personnage de Matt Damon, NDLR) est enfermé, abîmé. Finalement c’est l’ouverture d’esprit de Virginie qui arrive délicatement à l’aider à s’ouvrir. Je joue un très beau rôle, mais c’est aussi la relation qu’il tisse avec la petite fille qui permet de colmater les choses entre eux.
À la fin, quand Bill est reconnaissant d’avoir vécu cette histoire, est-ce que vous partagez ce sentiment ? Que les choses finalement n’ont pas besoin de durer toute la vie pour être appréciées ?
Je suis plutôt d’un profil fidèle à toute épreuve. J’aime les relations longues y compris dans ce qu’elles ont de fluctuant, en amitié par exemple. On s’éloigne, on se retrouve, ce sont finalement des histoires qui traversent une vie et je trouve cela beau et très fort. On apprend beaucoup : même si le chemin est semé de compromis, de déception, cela m’intéresse davantage. Il y a aussi des choses qui sont inextricables de leur contexte. Notre âge, par exemple : il faut accepter de ne pas jouer les mêmes rôles, en fonction du temps qui passe, et en parallèle, la personne que l’on est change aussi. Dans une pièce que j’ai vue à Londres, After Life, il y a une scène dans laquelle ils demandent aux personnages, avant de mourir, de choisir un souvenir à emporter dans l’éternité. J’ai adoré la pièce mais j’ai passé beaucoup de temps à me dire «Qu’est-ce que j’aurais gardé de ma vie ?».
Camille Cottin et Matt Damon présentent le film Stillwater, de Tom McCarthy, sur le tapis rouge du Festival de Cannes, le 8 juillet 2021.
Virginie et Bill n’ont rien à voir dans le film. Est-ce que Camille et Matt se ressemblent un peu ?
Je crois qu’on est tous les deux très sympas !
Pendant le tournage de Stillwater, est-ce que vous avez eu le sentiment d’apporter une certaine vision de la France ?
Mon personnage est un peu l’étendard d’un idéal d’humanité, mais heureusement, ce n’est pas typiquement français, il y a des gens comme ça partout. Je trouve que Tom n’a pas idéalisé la France et qu’il a très bien filmé Marseille et ses disparités, ses luttes internes. Je crois que notre réputation à l’étranger c’est d’être un peu libertins, de parler de sexe à table par exemple, comme la scène que l’on peut voir dans Stillwater. J’ai déjà entendu «L’adultère c’est très français !». On a en revanche cherché ensemble des traductions, la meilleure manière de retranscrire un propos. Les deux co-scénaristes, Noé Debré et Thomas Bidegain, sont français, et de nombreuses acteurs marseillais, au final, c’est une équipe très mixte.
En vidéo, la bande-annonce de « Stillwater »
Stillwater, en salles le 22 septembre.
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