Stariser la bouche alors que nous vivons masquées ? Le directeur de la création et de l’image du maquillage Dior le revendique, Pour soi et pour retrouver le sourire. Leçon de make-up, comme un pied de nez à la crise.
Enfant, on ne pouvait pas le punir. Le petit Peter vivait tellement dans sa bulle que rester au coin des heures ne le dérangeait pas… Au contraire : il rêvait des pyramides, se voyait archéologue. L’imagination est restée. Mais, en embrassant le monde de la mode, Peter Philips s’est bel et bien arrimé au présent, et voit même dans le futur, puisqu’il travaille déjà sur les fards que nous porterons dans un, deux, voire trois ans.
Les « professionnels de la profession » disent reconnaître son style, sa patte, au premier coup d’œil. Lui assure qu’il n’en a pas, qu’il aime autant créer des looks extrêmes à l’aérographe que des mises en beauté classiques ou ultranaturelles. Chez Dior, on lui doit d’ailleurs la création de la formidable collection Backstage. Elle est inspirée des produits pros avec 40 nuances de fond de teint et ses palettes associées, mais ultrafacile à utiliser dans la vraie vie.
En vidéo, le Rouge Dior par Peter Philips
Aujourd’hui, c’est pour célébrer la naissance du nouveau Rouge Dior que le talentueux Belge a pris les pinceaux. Dans ses mains ? Une armée de 75 teintes pour le monde entier, dans un écrin bleu nuit rechargeable, avec une formule soin plus écofriendly – qui contient de la pivoine rouge protectrice, de la fleur de grenadier lissante, du beurre de karité nourrissant –, et quatre finis différents : un satiné, un métallique, un mat et un velvet. Ce velours extra mat mais lumineux a été créé tout spécialement pour la clientèle asiatique, qui en est friande.
Bouche couture
Pour réinventer cette gamme star, Peter Philips a mené pendant trois ans une véritable enquête. Il s’est plongé dans les archives, a revu et touché toutes les robes Dior, les fleurs qui inspiraient le créateur, le premier rouge lancé en 1953 – déjà rechargeable–, et a interrogé les femmes du monde entier : les Américaines qui aiment les mats et les beiges, les Asiatiques qui délaissent de plus en plus le rose pour les briques, et les orangés et les Européennes qui ne dédaignent pas du tout la couleur, même si leur cœur balance encore entre le vrai rouge et le bois de rose. Toutes, en tout cas, réclament du soin, du soin, du soin. D’ailleurs, le nouveau baume à lèvres incolore signé Dior a été sold out quelques heures seulement après son lancement sur le site de la marque.
Paroles du directeur de la création et de l’image du maquillage Dior : « Le nude c’est le blush des lèvres, le naturel sublimé ».
L’étoile du nord
Le léger accent du maestro ? Il vient d’Anvers, où il a vu le jour et où son père, peintre, a nourri sa fibre artistique. Le jeune homme commence par étudier le graphisme à l’école Saint-Luc, de Bruxelles, puis la mode à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. Peter Philips y rencontre toute la jeune garde des créateurs belges des années 1990 : Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Olivier Theyskens, Véronique Branquinho et Raf Simons, son grand ami. Avec eux, il découvre l’univers des backstages et du maquillage. Le sort en est jeté. À 27 ans, il se met à jouer du pinceau et, très vite, se fait remarquer dans la fashion sphère. D’abord avec un Mickey Mouse dessiné sur le profil d’un garçon habillé en Raf Simons, puis avec des looks très créatifs à base de plumes, de perles, de bijoux de peaux… Il enchaîne les collaborations avec le gratin des photographes, comme Irving Penn, Patrick Demarchelier ou Inez & Vinoodh, et maquille la crème des tops et des actrices. En 2008, Peter Philips accepte l’un des jobs les plus convoités au monde dans le milieu : directeur artistique de la maison Chanel, où il signe quelques beaux succès, dont la collection Les Beiges. En 2014, le mercato de la beauté le conduit chez Dior. Il ne se contente pas d’y inventer des looks, mais participe activement à la conception et à l’élaboration des nouveaux produits avec les laboratoires.
L’art de la simplicité
Le plus international des make-up artists reste cependant très attaché à sa culture flamande. Il en a gardé le perfectionnisme, l’humour, l’extrême gentillesse, la modestie, la franchise. « En venant à Paris, j’ai quand même appris à être moins cash, s’amuse-t-il. J’ai découvert toutes les nuances de gris de la diplomatie. » Dans le travail, Peter Philips met son ego dans sa poche. « Je ne sais jamais à l’avance ce que je vais faire, car tout dépend du photographe et de sa lumière, assure le talentueux quinquagénaire… Nos échanges sont essentiels. Je suis à son service parce que c’est lui qui va mettre mes couleurs en valeur. Pour cette séance par exemple, je me suis adapté à la lumière de Karina Twiss. Je n’ai pas utilisé de rouge à lèvres trop mat, mais du satiné ou du métallisé. J’ai posé quelques paillettes transparentes sur les yeux, uniquement pour illuminer le regard. On ne les voit pas à l’œil nu mais, en photo, elles changent tout. »
Mise en beauté Dior réalisée par Peter Philips avec Dior Forever 2WO, Rouge Blush 999, Diorshow Iconic Overcurl 090 Black, 5 Couleurs Couture 649 Nude Dress, Dior Contour 999 et Rouge Dior 846 Concorde Mat. Puce d’oreilles Dior Joaillerie.
Tout l’inspire : les musées, les œuvres d’art, la rue, les mannequins, les vendeuses des grands magasins qu’il écoute régulièrement, la mode… Dès qu’il le peut, il quitte son appartement-musée du Marais, qu’il adore, pour aller voir sa famille, à Anvers. Sa mère de 73 ans est sa plus fervente testeuse et ardente critique. Même si les shootings lui ont manqué, ce doux rêveur a profité du confinement pour renouer avec ses premières amours, les collages et la peinture, s’est mis à la cuisine vapeur grâce à son Magimix… mais pas au sport. « J’ai un magnifique rameur que je regarde avec admiration », avoue Peter Philips. A-t-il envie de lancer un jour sa propre marque ? « Je suis bien trop exigeant pour ça, et quand on a la chance de travailler pour les plus grands groupes de luxe, je ne vois pas ce que je peux apporter de plus, à part beaucoup de soucis pour moi. »
75 nuances de glam
Toujours incarné par Natalie Portman, le rouge iconique de la maison Dior a malgré tout ses teintes fétiches, comme le 999 Velvet, un carmin intemporel, ou le 080 Red Smile, un rouge très lumineux. Avec le 100 Nude Look, inspiré du grège new-look de 1947, ou le 525 Chérie, un bois de rose un peu bruni qui sublime les lèvres pâles, Peter Philips a tout particulièrement retravaillé sa palette de nude. « La plupart des gens pensent que nude, c’est beige ou bien ton sur ton, souligne-t-il, mais non, le nude, c’est le blush des lèvres, le naturel sublimé. Il peut se faire très “habillé” et il en existe autant de nuances que de carnations. »
Oui, mais en ce moment, on est moins encline à manier le bâton. « Les femmes que je rencontre ont vraiment envie de maquillage, souligne Peter Philips. Le rouge à lèvres a un réel pouvoir magique. Il est un peu comme une armure qui donne confiance en soi. Comme des dessous en soie. On ne les voit pas, mais la femme sait qu’elle les porte, et ça change tout. Sous le masque, il faut simplement s’adapter. En attendant le lancement, en mai, d’une formule réellement transfert-proof, il ne faut pas viser la perfection mais créer une “teinture de lèvres”. On fait une tache de couleur au centre, on mord dans un Kleenex, et après on estompe vers les contours. Comme le smoky eye, ça peut rester flou et, si ça déborde un peu, ce n’est pas grave.
Mise en beauté Dior réalisée par Peter Philips avec Dior Forever 0N & 1W, Diorshow Iconic Overcurl 090 Black, 5 Couleurs Couture 539 Grand Bal, Dior Contour 525 Chérie et Rouge Dior 678 Culte Métallique.
Et quand le masque tombe, on joue le jeu à fond. D’ailleurs, le crayon à lèvres revient en force pour bien ourler le contour et empêcher la couleur de filer dans les ridules. On peut aussi la fixer en déposant avec un petit pinceau plat un peu de fond de teint à cheval sur le trait de crayon. On estompe bien, on poudre un peu avant d’appliquer la couleur. »
L’œil du pro
En temps normal, notre make-up artist star saute dans un avion tous les trois jours et il est difficile de l’attraper au vol. Privé de voyage, on en a profité pour lui soutirer quelques conseils essentiels pour nous. D’ailleurs, ce sont les mêmes que ceux qu’il répète à longueur de temps aux mannequins en backstage ou sur les shootings : « Soigne ta peau ! » Et si nous ne devons garder que trois produits de make-up ? L’artiste répond : un anticerne correcteur qui remplace le fond de teint, un mascara et un rouge à lèvres qui sert aussi de blush. Avec un petit rappel de fard sous le menton. Et surtout, surtout, ne pas trop en mettre. Pour les visioconférences, il recommande de se procurer un anneau lumineux, comme les ring light qu’utilisent les influenceuses pour magnifier leur image.
Enfin, on retient trois astuces de pros qui peuvent servir au quotidien. Pour ouvrir le regard, il suffit de recourber ses cils avec le bord d’une petite cuillère, juste avant la pose du mascara. Si on humidifie légèrement son ombre à paupières poudre, elle devient tout de suite plus intense. Et pour un trait de khôl ultrablack, on passe la mine du crayon sur la flamme d’une bougie. Magie noire garantie !
Dernières confidences sur les plus belles femmes du monde
Jennifer Lawrence : « Elle a un petit côté androgyne, avec une paupière mobile un peu tombante, comme Jeanne Moreau, Romy Schneider ou Charlotte Rampling, ce qui donne beaucoup de sensualité à son regard. Pour l’ouvrir, j’utilise des faux cils et beaucoup de mascara, uniquement en haut. Je ne maquille jamais le dessous de l’œil. Et pour coller à son caractère facétieux et spontané, je colore à peine sa bouche avec un baume ou un gloss, plus naturel qu’un vrai rouge. »
Natalie Portman : « Elle a une peau magnifique, des traits naturellement sculptés et des beaux sourcils sombres qui mettent son regard en valeur. Je lui apporte juste plus de luminosité avec un khôl beige à l’intérieur de l’œil (le blanc est trop voyant). J’allonge le regard avec du brun et j’ajoute une pointe de chair nacrée au coin de l’œil (Dior Backstage Eye Palette). Avec sa peau et sa bouche parfaite, le Rouge Dior mat 999 est sublime. »
Bella Hadid : « Elle a un regard félin incroyable, des sourcils parfaits. En plus, elle aime énormément le maquillage : donc, avec elle, je peux m’éclater », s’enthousiasme-t-il. Elle l’a sacré roi du make-up « no make-up », le trouve drôle et fascinant, adore ses smokys taupe et le Lip Maximizer, dont pourtant sa bouche pulpeuse n’a guère besoin. Elle carbure au Diet Coke et au double expresso ; lui au green juice et ne boit jamais de café. Il aime les chiens, elle préfère les chats. Mais entre la top-modèle aux 15 millions de followers et Peter Philips, le courant passe.
Source: Lire L’Article Complet