Martine Rose, la dernière marque de mode underground

La créatrice britannico-jamaïcaine Martine Rose a bâti toute sa carrière en rendant cool des éléments chelous mais elle a quand même dû être surprise par la façon dont son travail récent a capté l’air du temps. Les uniformes et l’imagerie du football ont toujours fait partie de ses collections, qui explorent les bizarreries des trois dernières décennies de la culture britannique, mais cette saison, elle les a mis au premier plan. Elle s’est inspirée d’une période de son enfance où l’arrivée de la culture des clubs des années 90 a entraîné une baisse de la criminalité chez les fanatiques de football. 

“Avant, si vous voyiez un type avec un maillot de football, vous changiez de trottoir, m’a-t-elle dit le week-end dernier au téléphone, assise dans son jardin à Londres. Je me souviens qu’en 1989, l’été de l’amour, lorsque la musique rave est arrivée au Royaume-Uni, presque du jour au lendemain, le hooliganisme lié au football a cessé. Au lieu de se battre sur les gradins, ils dansaient maintenant les uns avec les autres, formant la culture des clubs. Peu importe le club dans lequel on joue, tout le monde est au club le vendredi soir, on se drogue et on s’aime.” Elle se souvient, à l’âge de neuf ans, d’avoir vu tous ces types se rassembler sur un green dans le sud de Londres, “encore clairement sous l’emprise de la drogue, même si je ne le savais pas à l’époque”, dansant jusqu’au bout de la nuit, leurs maillots rentrés dans leurs poches arrière.

Quelques jours après notre conversation, elle présentait sa deuxième collaboration avec Nike (un maillot et une casquette de football ainsi qu’un film réalisé par Rosie Marks) réunissant les Lost Lionesses, un groupe de jeunes femmes britanniques qui s’étaient rendues au Mexique pour jouer au football il y a 50 ans et s’étaient retrouvées traitées comme des célébrités, peu après que leur pays d’origine eut levé l’interdiction du football féminin. Elles ne s’étaient pas revues depuis. “J’ai fondu en larmes, dit-elle. Ça peut paraître ridicule, mais honnêtement, j’ai eu des frissons. Pourquoi ne connaissons-nous pas cette histoire ? On a vraiment voulu les retrouver. J’ai tant versé de larmes pendant ce projet.”

La collaboration comprend un maillot de football et une casquette réversibles. Elle a un côté un peu décalé, dans le bon sens du terme, mais vient du cœur, comme c’est généralement le cas dans le monde de Martine Rose. “Tout a commencé avec Megan Rapinoe, qui a porté son maillot à l’envers en signe de protestation contre l’inégalité des salaires”, explique Martine Rose. L’équipe de conception de Martine Rose a découvert que le maillot à l’envers a une histoire en tant que forme de protestation dans le football, et l’un de ses concepteurs a partagé avec elle l’histoire des Lionnes, qui jouent dans le film aux côtés d’autres athlètes et artistes, y compris la première femme à être nommée arbitre dans un match de la ligue anglaise de football.

Cette passion de sa marque pour le football a coïncidé avec celle de tout un pays. L’équipe anglaise a effectué un improbable parcours, qui s’est achevé avec un match contre l’Italie en finale de l’Euro 2020. “Peut-être que je vais m’attribuer tout le mérite, a-t-elle déclaré avec humour. Évidemment, ça n’a rien à voir avec la qualité des footballeurs. Tout est lié à moi, n’est-ce pas ?”. Bien sûr, ce n’était qu’une coïncidence, mais cela colle à un schéma qui suit Martine Rose depuis qu’elle a lancé sa ligne en 2007. Elle a créé de grandes silhouettes, puis tout le monde s’y est mis. Elle a créé des mocassins et maintenant tout le monde veut en faire les nouvelles sneakers du moment. Elle a créé une collection de football et l’Angleterre est arrivée en finale ! 

Quand j’ai suggéré cela, elle a ri et répondu : “La silhouette surdimensionnée, quand je l’ai faite pour la première fois, les gens pensaient que j’étais folle. Il a fallu beaucoup de temps avant que quelqu’un se dise : ‘Oh, c’est peut-être cool.’ Cela ne s’est pas produit aussi rapidement que les gens l’imaginent. Et les mocassins… c’était un succès étrange aussi. Je ne l’imaginais pas du tout.”

Martine Rose n’est pas attirée par les parias comme Rick Owens ou les esprits libres comme Alessandro Michele de Gucci, mais par les gens et les choses en marge, ceux qui ne sont pas tout à fait à leur place mais ne savent pas pourquoi ni comment. “Depuis le début, j’ai toujours été intéressée qu’à ce qui se passe à la périphérie, m’a-t-elle confié en décembre dernier. Les choses à l’extérieur, les choses qui n’ont pas vraiment eu de lumière braquée sur elles.” 

En 2019, elle a pris la basket la plus terne de Nike, la Monarch, et l’a “déséquilibrée”, comme si elle venait d’arriver déformée après avoir voyagé dans une autre dimension du futur. L’un de ses produits les plus populaires est un T-shirt qui affirme que Martine Rose est “probablement la meilleure créatrice du monde” (un jeu de mots avec le slogan de Carlsberg, “Probably the best beer in the world”). La vantardise effrontée est sa signature. Quoi qu’il en soit, avec ces vêtements décalés et cet humour impudent et rafraîchissant, Martine Rose est au moins la designer la plus cool du monde. Elle compte parmi ses fans Drake, Rihanna et Hailey Bieber.

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Aujourd’hui, il est presque impossible de gérer une entreprise de mode prospère sans le soutien de musiciens ou d’acteurs célèbres, mais la relation de Martine Rose avec la célébrité n’a rien d’habituel. Le film Lost Lionesses est le deuxième projet de Martine Rose qui se déroule dans un monde virtuel de la designer. Sur le site du film, vous vous promenez dans une métropole typiquement britannique faite d’arrêts de métro et de devantures de magasins, qui vous conduit ensuite dans un amphithéâtre souterrain, où le film est projeté contre un mur brutaliste. Le premier projet, What We Do All Day, emmenait les spectateurs dans un lotissement britannique où, au cours de trois performances en direct organisées tout au long de la journée, la caméra zoomait sur des images en direct de personnes ordinaires qui vaquaient à leurs occupations à l’intérieur. Des gens comme Mark Bryan, fanatique de la jupe, DJ Big Youth et… Drake.

“Mon Dieu, quel amour ! Martine Rose raconte avec un peu d’admiration à propos de la pop star. Je l’aime tout simplement.” Ils se sont d’abord rencontrés grâce à son premier projet Nike, puis elle a trouvé son numéro et lui a envoyé un texto. Il est depuis longtemps un fan de la marque et sa venue soulignait leur sensibilité commune. Il était tout à coup dans le studio, directement sur votre ordinateur, en direct. “C’était vraiment Drake ?” m’a envoyé un ami par texto pendant que ça se passait. C’était tout à fait désinvolte, subtil. Tellement à l’improviste, tellement underground. Tellement Martine Rose.

Ce qui attire Drake vers Martine Rose, c’est sans doute plus que la fraîcheur de la marque un sentiment de tendresse. C’est l’âme de Martine Rose. Une identité construite au cours des quinze dernières années, à travers notamment une période de trois ans à travailler comme consultante en mode masculine pour Demna Gvasalia pendant ses premières années chez Balenciaga, à partir de 2015. Mais si Balenciaga est un empire d’un milliard de dollars, Martine Rose est une entreprise familiale. Ses premiers pas dans la mode se sont faits avec une marque lancée avec une amie de longue date, Tamara Rothstein, qui est aujourd’hui la styliste attitrée de Martine Rose. Chua Har Lee, la créatrice de chaussures derrière les mocassins extravagants de Martine Rose, et Meera Sleight, une développeuse et créatrice de textiles, complètent leur quatuor. Elles ne font pas officiellement partie de l’équipe, mais entretiennent une relation plus intime. “Elles contribuent, donnent des avis et discutent d’une grande partie des collections du fait de leur proximité permanente avec moi”, a déclaré Rose l’année dernière.

Les vêtements de Martine Rose sont le fruit d’une expérimentation rigoureuse en matière de design. C’est une classiciste dans le sens où ses changements de vision se font principalement par des modifications de la silhouette. Elle a contribué à perfectionner la grande silhouette de Balenciaga, la faisant passer de la longueur révérencieuse envers Margiela des années de Demna Gvasalia chez Vetements à quelque chose de plus robuste, plus effrayant, qui rappelle davantage les hommes forts de la classe ouvrière géorgienne dans laquelle Demna Gvasalia a grandi (Martine Rose, comme Demna Gvasalia, est géorgienne orthodoxe), ou les videurs des clubs et des entrepôts de rave que Martine Rose a idolâtrés en grandissant. “Il y a juste quelque chose que je trouve beau dans ces formes enveloppantes, dit-elle. Une sorte de confort douillet. Et c’est en vérité assez punk. On ne peut pas se contenter d’avoir de grandes silhouettes. Il doit y avoir à un moment donné une certaine définition. Sinon, ce n’est que du désordre.” Puis elle a fait le chemin inverse pour le printemps 2021, en rétrécissant tout, ce qui a impliqué de nouveaux défis encore plus difficiles. 


Pour la collection automne 2021 le coup de crayon est net, les silhouettes maigres mais on retrouve toutes les signatures de Martine Rose, son étrange sens du chic. Il y a des hommes à l’allure inhabituelle juchés sur d’étranges piédestaux. Il y a le pli des jeans à rabat en cuir et le vêtement de travail et le tailleur qui s’étirent toujours très dans des directions absurdes, à la fois conceptuellement (un costume à double boutonnage volontairement mal ajusté) et littéralement (des maillots de football à longueur de robe).

L’année dernière, je lui ai demandé comment les détaillants réagissaient à ses pièces particulièrement bizarres – comme une chemise boutonnée du printemps 2021, qui donne l’impression que la personne qui la porte avait une poitrine trop forte. “Ce ne sont pas des ventes massives, a-t-elle dit. Ils se situent à l’extrême limite de ce que la plupart des gens pourraient considérer comme esthétique ou pratique ou de toutes ces choses que la plupart des gens prennent en considération. Mais ils séduisent un petit pourcentage de la population et je veux toujours continuer à m’adresser à ces personnes.” La contre-culture est présente dans tout ce qu’elle fait. “Je veux parler à tout le monde, je veux toucher tout le monde à un certain niveau, mais c’est ce petit pourcentage qui m’inspire vraiment. Tant que je leur parle, que j’entre en résonance avec eux, tout va bien.”


Il est d’autant plus surprenant que ses produits les plus bizarres rencontrent un succès, comme ce fut le cas de ses mocassins, des chaussures allongées et ringardes. “À l’époque, on ne pouvait pas porter de vêtements de sport au club, explique Rose – pas de survêtements ni de baskets. « Il y a donc eu un moment où tous les garçons ont eu des mocassins Gucci ou Patrick Cox avec lesquels ils allaient en boîte.” Le style de l’époque était “très flamboyant”, défini par un état d’esprit qu’elle décrit comme “une certaine arrogance”. Regardez-moi avec mes grosses chaussures, j’ai beaucoup de fric et je me la pète. “C’était cette attitude légèrement odieuse qui me plaisait.” Elle a donc rendu les chaussures elles-mêmes odieuses : la silhouette extérieure s’étend sur trois centimètres de plus que l’endroit où l’emplacement des pieds se termine à l’intérieur de la chaussure. Des mocassins de clown, en somme, pour les enfants les plus cool de la planète.

Il est surprenant de constater que Rose est devenue l’une des chouchous des célébrités. Et si un soutien fort de la part des stars peut impliquer une sorte de sentiment de rejet, avec Martine Rose c’est l’effet inverse. Ses vêtements donnent à celui qui les porte un air plus cool et lui confère un statut de connaisseur de mode. N’importe quelle célébrité peut porter du Supreme ou du Off-White, mais Martine Rose est un peu plus bizarre et nécessite un peu plus de confiance. Elle est populaire parmi un certain type de célébrités : Kourtney Kardashian et Hailey Bieber, deux des personnes qui s’habillent de la façon plus funky dans le monde des influenceurs-célébrités, aiment son travail, tout comme de vrais preneurs de risques comme Lil Uzi Vert, Bad Bunny et A$AP Rocky. La styliste de Hailey Bieber, Maeve Reilly, m’a dit que la star avait découvert la marque elle-même, alors qu’elle faisait ses courses dans le rayon hommes de H Lorenzo, à Los Angeles. Les vêtements de Martine Rose trouvent preneurs chez ceux qui recherche quelque chose de spécial, d’unique. 

Le défi, pour l’instant, réside dans la question de l’échelle : dans les efforts de Martine Rose pour collaborer avec des entreprises comme Nike et des musiciens de renommée mondiale comme Drake, tout en maintenant son intérêt et son attrait pour ses chers weirdos. “C’est une conversation constante que nous avons dans le studio : Comment faire quelque chose de grand qui a toujours la chaleur et la texture qui nous tient à coeur ? a-t-elle déclaré l’année dernière. C’est une conversation que nous continuerons à avoir, que nous devons continuer à avoir, parce que tant que nous en parlons, cela signifie que nous y tenons toujours et que nous ne sommes pas arriver au point de se dire ‘Ok, on s’en fiche, vendons juste des t-shirts’.” Mais comme il s’agit de Martine Rose, bien sûr, ces t-shirts sont susceptibles d’être de qualité. Comme on peut le lire sur un autre de ses t-shirts, qui calque le logo Durex : “Attendez-vous à la perfection.”

Via GQ US 

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