Cette année, le Père Noël passe une semaine plus tôt. En plus, c’est un ancien Beatles ! Avec « McCartney III », qui sort ce vendredi 18 décembre, Paul McCartney prouve s’il était encore besoin qu’il est un mélodiste hors pair et un rockeur dans l’âme. Un album enregistré seul dans sa ferme du Sussex, lors du premier confinement.
À chaque traumatisme son album solitaire. En 1970, Paul McCartney enregistre McCartney I dans sa ferme écossaise alors que les Beatles viennent d’imploser. Il y joue de tous les instruments, assure les chœurs avec l’aide de son épouse Linda, et écrit quelques perles, Maybe I’m Amazed en tête.
Sa publication en avril, une semaine avant Let It Be, entérine officiellement ce que chacun des membres des Fab Four se refusait à dire publiquement : le plus grand groupe de tous les temps n’existe plus.
Dix ans plus tard, rebelote : cette fois, ce sont les Wings qui se séparent. Le 18 janvier 1980, McCartney est arrêté au Japon pour possession de 219 g de marijuana. Il risque sept ans de prison, est finalement expulsé et se retire chez lui où il enregistre McCartney II.
Là aussi il joue de tous les instruments sur un disque qui lorgne les nouvelles sonorités new wave, notamment sur le tube Coming Up.
Un troisième album en solitaire
Trente ans après, McCartney nous refait le coup de l’album en solo. Cette fois, pas de séparation, pas d’arrestation. Juste une pandémie mondiale et un confinement, au printemps, qui l’a obligé à stopper sa tournée et à rester dans sa ferme du Sussex, dans le sud de l’Angleterre.
À l’âge où certains font des mots croisés pour s’occuper, Sir Paul écrit des chansons. Et il le fait bougrement bien. Ce qui n’était au départ, selon les aveux même de l’ex-Beatles, qu’une distraction s’est muée en dix-huitième album.
McCartney I et II, s’ils sont devenus avec le temps des classiques, avaient été à leur sortie éreintés par la critique. Est-ce l’âge du capitaine (78 ans), le statut d’icône de l’ex-Beatles ou, tout bêtement, la qualité de ce III ? En tout cas, la critique britannique est dithyrambique.
McCartney sans fard
Pourtant, III n’est pas exempt de tout reproche. La production laisse parfois à désirer, la voix fait ressentir, peut-être pour la première fois, son âge. Mais c’est aussi ce qui fait le sel de ce disque : Paul McCartney s’y présente sans fard. Ça n’a pas de quoi effrayer un gars qui a écrit Yesterday et Hey Jude…
Il s’offre un retour aux sources sur plusieurs blues-rock enfiévrés, sort de sa manche quelques ballades nostalgiques à souhait, fait jaillir des mélodies pop irrésistibles et conclut sur une chanson folk, ce Winterbird qui rappelle furieusement Blackbird.
C’est ce qui surprend sur ce III : la diversité des ambiances, des influences, des couleurs. À chaque écoute, on en vient à se demander quel est notre morceau préféré. Le blues énervé de Lavatory Lil, le presque hard rock Slidin’ ou l’étrangeté r’n’b de Deep Down, au cadencement presque hip hop ? Non, c’est sûrement le beatlesque Find My Way.
À moins que le piano nostalgique de Women and Wives ou les arpèges de Pretty Boys et de The Kiss Of Venus finissent par remporter le morceau.
Un mélange d’entrain juvénile et de sagesse
Au milieu de toutes ces gourmandises, il y a le plat de résistance : les 8 minutes et quelques de Deep Deep Feeling où Macca embrasse tous les sentiments qui l’ont traversé durant sa vie dans un morceau labyrinthique jusqu’à sa conclusion.
Au-delà de ces mélodies ciselées, de ses élans mélancoliques, de ses douceurs acoustiques, de ses montées de sève électrique, III a le grand mérite d’apporter une réponse à une question qui se pose depuis les années 1960.
À quoi pourrait bien ressembler un rocker proche du quatrième âge ? À un mélange d’entrain juvénile et de sagesse, nous répond Paul McCartney. Et dire qu’il se demandait, du temps de Sergeant Pepper, si l’on aurait encore besoin de lui à 64 ans…
McCartney III, 11 titres, 43 min. Capitol Records.
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