Un livre, une nuit blanche : "Carnet d’un voyageur immobile dans un petit jardin", de Fred Bernard

Avez-vous déjà écouté un jardin ? C’est fou ce qu’il a à raconter. Sur les bestioles qui l’habitent et le visitent, sur le temps qu’il fait, sur les jours et les nuits qui s’étirent, les saisons qui n’en sont plus ma pauv’dame, sur les couleurs et les sons, bref, un jardin connaît mille aventures, bien plus que nous les bipèdes, qui avons délaissé la chasse et la cueillette pour nous coller devant Netflix.

Dans Carnet d’un voyageur immobile*, merveille illustrée sur le vif, à l’aquarelle, Fred Bernard, croque une année de la vie du petit jardin clos de murs qu’il a entièrement créé à Savigny-les-Beaune, en Bourgogne. 

Mélange des genres

L’ouvrage est inclassable, comme son auteur. Autobiographie végétale, recueil entomologique, journal intime champêtre, carnet de croquis, de notes, carnet de voyage ? Tout cela à la fois, car le mélange des genres, c’est un peu la signature de Fred Bernard.

Depuis trente ans, cet auteur-illustrateur de livres jeunesse et bande dessinée, explore et s’amuse au gré de ses envies, comme un gamin curieux qui aurait une égale capacité à s’émerveiller du frémissement d’une feuille après la pluie et à inventer une vie à la couleuvre croisée un après-midi d’été. 

  • Vivre à la campagne : et si on prenait la clé des champs ?
  • Changer de vie : et si on osait tout plaquer ?

Octobre, mois des corneilles

Le Carnet d’un voyageur immobile, découpé en douze mois calendaires, nous embarque dans tous les sens. On apprend qu’octobre est le mois des corneilles. En voilà deux qui, en attendant le passage de la voiture qui éclatera les noix tombées sur la route, dialoguent comme deux commères.

Quelques pages plus loin, dessin en noir et blanc, et note de l’auteur : « Ça y est, il pleut, vraiment, on est passé à l’heure d’hiver et je n’aime pas, super soirée avec Feu Chatterton. »

En novembre, sur une double-page, un faucon pèlerin plane au-dessus d’une forêt couleur feux de l’automne près des falaises de Bouillant. « Je me ferais bien les pigeons de la page 97 » dit le rapace.

Célébration de l’impermanence

De l’humour, des poèmes, des double pages comme des herbiers, des traces animales, un serpent, un figuier, des rouge gorges, le coq du voisin. On apprend que « nos oiseaux de basse-cour viennent tous d’Inde, de Chine ou d’Indochine, et qu’ils ont dû être domestiqués il y a 6000 ans. »

La vie débute le jour où l’on commence un jardin.

Dans la nature, ce que l’on prend pour l’immobilité n’existe pas, et c’est cela que l’auteur explore et célèbre, l’impermanence. C’est beau et facétieux, documenté et poétique, on picore, on revient en arrière, on tombe sur un proverbe chinois : « La vie débute le jour où l’on commence un jardin. » Toute cette profusion et ce fourmillement, ça fait du bien en ce moment. On se dit que ce bouquin-là, on n’attendra pas Noël pour l’offrir à pas mal de monde.

*Fred Bernard, Carnet d’un voyageur immobile dans un petit jardin, Albin Michel, 25 euros.

  • La montée salvatrice du polar féministe, racontée par Hannelore Cayre, Marion Brunet et Louise Mey
  • Un livre, une nuit blanche : Betty, de Tiffany McDaniel, Prix du roman Fnac 2020

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