Depuis mars, l’affection rime avec modération. Sauf que votre entourage ne semble pas toujours au fait des codes sanitaires, encore moins depuis l’annonce d’un couvre-feu en Île-de-France et dans huit métropoles en France. Guide pratique des bonnes manières pour que ces interactions sociales ne finissent pas en incident diplomatique.
C’en est fini des pancartes proposant des câlins gratuits. Face à la pandémie, les marques d’affection ont été renvoyées au placard et avec elles, une certaine forme de tendresse. Mais certains continuent de résister, voire oublient ces fameuses règles de distanciation physique. Pis encore, l’instauration d’un couvre-feu en Île-de-France et dans 8 autres métropoles à compter de samedi 17 octobre ne les a pas refroidi, bien au contraire. Mais comment décliner gentiment les bisous, les accolades franches ou même les soirées pyjama, sans passer pour un sans-cœur ? Dominique Picard, psycho-sociologue (1) et Marie de Tilly, coach en entreprise et spécialiste du savoir-vivre, vous donnent un cours de bonnes manières à l’ère du Covid-19.
En vidéo, dix règles pour vivre plus heureux
Refuser une invitation sans froisser
Depuis le déconfinement, beaucoup ont du mal à renouer avec la vie sociale, fuyant autant que possible bains de foule et réunions amicales en petit comité. Mais voilà, vos proches ne partagent pas forcément cet avis et vous assomment de messages pour organiser la prochaine partie de Mölkky. Comment leur dire non sans les vexer ? «On commence d’abord par les remercier en leur disant qu’on est très touché par leur invitation», conseille la coach en savoir-vivre Marie de Tilly. Ensuite, vient le refus. «La politesse veut que l’on ne fasse pas perdre la face à l’autre, qu’il ne se sente pas mal aimé ou inintéressant à travers cette annulation», rapporte la psycho-sociologue Dominique Picard.
Généralement, le motif le plus admissible est de dire que l’on ne peut pas se déplacer actuellement. Point à la ligne. Rien ne sert de mentir, selon la coach en savoir-vivre. «En donnant l’impression qu’on cache la vérité, l’interlocuteur va penser qu’on se méfie de lui», ajoute Dominique Picard. Si c’est un ami proche, vous pouvez tout à fait rentrer dans les détails mais en vous engageant avec des mots comme «je suis désolé(e)», «c’est de ma faute», «je suis mal organisé(e)». On peut même aller jusqu’à lui avouer ses craintes, en prenant garde de ne pas trop déverser le poids de ses angoisses. «On se met en scène en se donnant le mauvais rôle, sans pour autant se ridiculiser, souligne la psycho-sociologue. Ce qui permet à son interlocuteur de prendre une attitude gentiment moqueuse ou protectrice en retour.»
Questionner au lieu d’insister
À l’autre bout du fil, difficile parfois de ne pas insister. «C’est excessivement mal élevé», tranche Marie de Tilly. En revanche, si c’est votre cas et que vous souhaitez encourager un proche à quitter son jogging, Dominique Picard recommande une autre technique, davantage bienveillante cette fois-ci. «Il faut toujours présenter cette seconde proposition sous la forme d’une question, de manière à laisser à l’autre la possibilité de refuser», explique la psycho-sociologue. «Ce qui donne en pratique : « Il fait beau aujourd’hui, est-ce que cela te dirait d’aller se balader dans un bois, en prenant les précautions d’usage ? » La personne se sentira plus à l’aise de refuser plutôt que si vous lui aviez demandé de fixer un jour où elle serait disponible», assure Dominique Picard.
Prioriser ses relations sans vexer
Nul besoin d’avoir été transformé(e) en ermite pour décliner une invitation. Dans son discours du 14 octobre, Emmanuel Macron invite à respecter la «règle des 6», autrement dit de ne pas être plus de 6 personnes lors des rassemblements chez soi. Ce qui implique forcément de prioriser les relations. «Privilégier sa famille reste tout à fait acceptable aux yeux de ses amis, surtout si on leur explique qu’ils ont besoin de nous», observe la psycho-sociologue.
Néanmoins, quand ce tri s’effectue au sein du cercle d’amis, la situation est plus complexe et peut laisser à la personne mise à l’écart de votre agenda de ministre le sentiment d’être moins aimé que les autres. «Dans ce cas, on ne l’humiliera pas en lui disant que l’on voit quelqu’un d’autre à sa place pour préserver les liens», nuance Dominique Picard.
Inventer un nouveau contact physique
Il faut l’avouer, on se sent un peu gauche ces derniers temps quand on accueille ses amis à la porte d’entrée. L’embrassade, la bise qui claque aux oreilles, le secouage des cheveux ou encore la tape dans le dos démangent un peu, beaucoup. Au point de vouloir enfreindre les gestes barrières ou de le faire sans même s’en rendre compte. Si ce n’est pas votre cas, l’humour va venir à votre secours. «On met les mains en avant, avec un petit clin d’œil, en disant « on ne s’embrasse plus »», suggère la psycho-sociologue. On peut également jouer les petits soldats modèles en expliquant, sans agressivité, que l’on ne préfère pas se toucher et qu’on se réserve les gros câlins pour plus tard. «Pas besoin de prévenir en avance, rassure Dominique Picard. Au contraire, cette spontanéité va amener une vraie discussion autour des gestes de tendresse et permettre d’imaginer une nouvelle complicité.»
Dans le milieu professionnel ou avec un inconnu en revanche, le ton potache n’est pas vraiment d’usage. La coach en savoir-vivre Marie de Tilly plébiscite le salut à la japonaise pour ce genre d’occasion, «plus parlant et surtout plus élégant», selon elle. «C’est une très bonne chose d’abandonner la bise à tout va, se félicite-t-elle. Il s’agit d’un geste plutôt hypocrite en société et loin d’être hygiéniste. Il vaut mieux la réserver au cercle intime le plus proche.»
Conserver sa bulle d’intimité
Lors d’un apéro entre amis, la musique et l’alcool facilitent la promiscuité. Mais ça c’était avant le nouveau coronavirus. Jusqu’à rentrer chez soi – au plus tard à 21 heures dans les zones sous couvre-feu -, on ne tolère plus cet inconnu qui ne respecte plus les distances sociales et bonne nouvelle, on a trouvé une raison pour lui demander d’arrêter de ne nous parler trop près du visage. Reste encore à trouver la bonne formule pour ne pas lui laisser croire qu’on doute de son hygiène. «Un geste de recul sera tout de suite compréhensible», note la coach en savoir-vivre. On s’éloigne doucement tout en continuant de discuter et de sourire». Autrefois cette bulle d’intimité se tenait à bout de bras, lorsque l’on serrait la main, désormais, elle s’est rallongée d’un mètre. En cas d’insistance de ladite personne (un poil lourde), Dominique Picard propose de s’inspirer de la communication non-violente et de faire comprendre à l’intéressé(e) qu’on est mal à l’aise en partant de soi : «Excuse-moi mais pour me sentir bien, j’ai besoin de garder mes distances alors je me permets de m’éloigner.»
Recadrer en privé
On s’avère bien meilleur juge pour l’autre que pour soi-même. C’est pourquoi cela ne vous a pas empêché de remarquer que votre mère ne se lavait pas les mains après avoir franchi la porte d’entrée ou que votre meilleur ami a retiré son masque alors que vous êtes dans un salon exigu et mal aéré. Évidemment, vous mourez d’envie de le souligner. Réfrénez-vous si vous êtes en public, préconise Marie de Tilly. «Il n’y a rien de plus humiliant que de se faire reprendre devant une audience. Attendez d’être en privé pour en parler, en commençant toujours par du positif avant d’en venir à la chose qui vous dérange», rappelle la coach en savoir-vivre. CQFD.
(1) Dominique Picard est notamment auteure de Politesse, savoir-vivre et relations sociales, (Éd. Que sais-je ?), 9 euros.
* Initialement publié le 20 mai 2020, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
Source: Lire L’Article Complet