Pénurie de personnel en crèche, le recrutement ouvert à tous

Dans le secteur de la petite enfance, la Caisse nationale des allocations familiales a dénombré plus de 8000 postes durablement vacants ou non remplacés. Pour y faire face, le recrutement va être désormais ouvert aux non qualifiés. Inquiétude des parents et du secteur après les scandales People and baby.

  • Mesures petite enfance
  • Bébé empoisonné au Destop 
  • Bébé secoué
  • 5000 euros pour retirer son enfant de la crèche

Alors que le secteur de la petite enfance accuse une baisse d'attractivité, concrétisée par près de 9000 postes vacants selon une enquête de la Caisse nationale des allocations familiales, un arrêté, qui entre en vigueur le 31 août 2022, va permettre le recrutement de personnel non qualifié. Les crèches et autres établissements de la petite enfance pourront ainsi embaucher des salariés sans diplôme.

Quelles mesures pour le secteur de la petite enfance ?

Si l'arrêté précise qu'il s'agit d'une mesure d'exception, l'assouplissement des conditions d'embauche dans le secteur de la petite enfance va permettre au tout-venant d'y postuler, et de se faire embaucher. Plus besoin des diplômes et des formations nécessairement requis pour pouvoir s'occuper des plus petits : c'est à la crèche en manque de personnel d'organiser un parcours d'intégration de 120 heures à sa nouvelle recrue. Autre critère obligatoire pour pouvoir recruter des profils inexpérimentés, prouver une recherche de personnel infructueuse pendant  au moins trois semaines. Concrètement, il s'agit de dérogations accordées aux établissements qui, au cas par cas et en fonction des motivations, formations et parcours professionnels passés, pourront juger de la recevabilité d'un candidat hors cadre. Une mesure qui ne satisfait que très partiellement les professionnels du secteur, ayant identifié l'origine de la crise. Si la puériculture ne séduit plus, c'est qu'au regard des responsabilités et de l'engagement qu'elle demande, le travail n'est pas valorisé avec un salaire de 2000 euros brut par mois en moyenne. Pour Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèche, cette mesure est à demi satisfaisante. Si elle encadre mieux une possibilité qui existait déjà, elle annonce des besoins autrement plus importants : "Il nous faut aujourd'hui, rien que pour faire fonctionner les crèches existantes, 10.000 nouveaux professionnels. Demain, avec les départs à la retraite, au moins 20.000 de plus. Et si les engagements du président de la République et de la Première ministre de construire 200.000 places de crèches d'ici 2027 veulent être tenus, il faut en tout qu'on forme 100.000 nouveaux professionnels de la petite enfance." a-t-elle déclaré à Europe 1. 

Pour relancer le secteur, le ministre de l'Education avait annoncé en juillet dernier le déblocage de deux millions d'euros pour financer une campagne de valorisation et d'attractivité des métiers de la petite enfance. Il avait également évoqué plusieurs pistes pour garantir la qualité d'accueil des tout-petits, comme l'obligation de créer un conseil des parents dans toute crèche, la création d'un système de signalement et de suivi national des incidents, ou encore des contrôles et des évaluations des établissements et des personnels non seulement renforcés, mais prenant également en compte la satisfaction des parents. Des pistes évoquées aux côtés des membres du Comité Filière petite enfance, après le scandale People and Baby. Et si les parents déclarent avoir toujours confiance dans les modes de garde collectifs, notamment grâce aux compétences et à la vocation des employés, cette nouvelle mesure risque d'en inquiéter plus d'un.

Bébé empoisonné au Destop dans une crèche People & Baby : que s'est-il passé ?

Le 11 juillet 2022, le nouveau ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe a annoncé la saisie de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pour enquêter sur les circonstances qui ont mené une auxiliaire puéricultrice à empoisonner un bébé âgé de 11 mois, le 22 juin 2022, dans une crèche du groupe People and Baby à Lyon. En effet, l'employée de la crèche excédée par les pleurs du bébé, a reconnu l'avoir aspergé de soude caustique -un produit toxique utilisé pour déboucher les canalisations-, puis de lui en avoir fait boire. Le bébé est alors décédé sans avoir pu être réanimé et la puéricultrice a été mise en examen pour "homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans." avant d'être placée en garde à vue. Pour son avocat, l'état psychologique fragile ainsi que d'éventuelles erreurs d'appréciations quant à ses compétences sont à l'origine du drame, plutôt qu'une intention de donner la mort. Compte tenu de sa fragilité et "d'un contexte personnel particulier", elle n'aurait jamais du être seule avec bébé, avance-t-il. Le 2 juillet dernier, la préfecture du Rhône a pour sa part acté la fermeture administrative de l'établissement. 

Alors que la police et la justice se sont saisies du dossier, le ministre des Solidarités veut pour sa part empêcher qu'un tel drame ne se reproduise. Et cela passe par la mission confiée à l'Igas, chargé d'apporter "rapidement des éclaircissements quant aux facteurs qui, dans cette crèche, dans ce réseau, ou dans le cadre général des modes d'accueil, auraient pu concourir à l'installation de situations de danger ou de maltraitance" développe-t-on au ministère, qui en attend également des "solutions pour y remédier" afin de permettre au ministre de prendre d'éventuelles nouvelles mesures règlementaires "susceptibles d'être mises en œuvre dès l'automne". 

Un autre bébé secoué dans les crèches People and Baby ?

Selon France Info, une mère de famille aurait porté plainte le 6 juillet 2022 au commissariat de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines pour "violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours" ainsi que pour "faux : altération frauduleuse de la vérité dans un écrit". La jeune maman accuse en effet l'une des employées d'avoir secoué violemment, en juin dernier, son fils âgé de deux ans et quatre mois, sous ses yeux. "Ça faisait plus d'une semaine qu'il arrivait devant la crèche qu'il hurlait, qu'il ne voulait pas rentrer dans la crèche. Il me disait à chaque fois 'dame méchante, dame méchante", confie-t-elle à France Info.

Une enquête est en cours sur cette affaire, et elle ne semble pas si simple que ça, comme l'indique la procureure de la République de Versailles : "On est au tout début de l'enquête. Nous ne disposons que de la version unilatérale de la plaignante." Et pour cause, sur son site, le groupe People and Baby remet totalement en cause les dires de la plaignante, qui selon les dirigeants, n'aurait en fait pas apprécié une remarque sur le comportement de son enfant. La situation aurait alors dégénéré : la plaignante, appuyée de sa mère et d'un homme s'en seraient violemment pris au personnel encadrant. La police est intervenue, et la directrice de l'établissement a dépose une main courante le 15 juin, bien avant la plainte de Madame T. Par ailleurs, cette dernière aurait aussi proféré des injures racistes à l'encontre d'une autre maman et d'une employée, qui elle-même a aussi porté plainte. 

Près de 5000 euros pour retirer son enfant de la crèche

Après la mort d'un bébé empoisonné avec du Destop dans une crèche People & Baby à Lyon en juin dernier, des parents ont voulu retirer leur enfant des crèches appartenant à ce groupe. C'est le cas d'Alizée, maman d'un bébé de 12 mois, qui a confié à RMC qu'elle avait été très surprise voire choquée par la réponse de la structure où est accueilli son enfant. "On leur a fait un mail, on a envoyé notre demande de résiliation (…) On s'est dit que ça allait marcher, qu'on voulait finir à la fin du mois, qu'ils allaient forcément trouver quelqu'un en septembre… La réponse du groupe, c'est non. C'est 90 jours et avant le 1er juin, donc on va vous retirer votre caution. C'est une caution de 2.500 euros et deux fois un Smic, puisqu'un mois à la crèche, c'est un Smic. Donc quasiment 5000 euros", a expliqué la jeune maman qui a décidé de saisir un avocat même si les conditions de résiliation sont notées noir sur blanc dans le contrat d'inscription.

Les ennuis s'accumulent donc pour le groupe People & Baby dont une structure a été fermée à Bordeaux le 19 juillet pour trois mois par la préfecture de la Gironde, Dans son arrêté, rendu public par l'AFP, la préfecture souligne des "comportements inadaptés de trois professionnels encadrant des enfants à savoir des "cris et paroles inappropriés lors des sorties dans l'espace extérieur situé sur le parking de l'immeuble". Le rapport également un rapport d'un médecin de la Protection maternelle infantile du 11 juillet qui dénonce " ​​​​​​(un) mal-être des enfants, (un) climat de découragement et d'insécurité dans la crèche, (la) présence d'un enfant non connu des professionnels présents et (une) responsable opérationnelle injoignable".

 

 

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