Vincent Delerm: «Avec Jean Rochefort, c’était comme gérer quelqu’un de sa famille»

L’auteur-réalisateur-interprète de Kensington Square ou Panorama, son dernier album, est passé derrière la caméra pour Je ne sais pas si c’est tout le monde. Ce premier documentaire, diffusé mercredi à 22h30, sensible et poétique, coproduit par Julie Gayet, livre des témoignages d’anonymes ou de personnalités proches du chanteur, comme Alain Souchon, Vincent Dedienne ou Aloïse Sauvage… Jean Rochefort y fait sa toute dernière apparition à l’écran.

LE FIGARO. – Pourquoi l’image a-t-elle toujours eu un rôle important dans votre travail?

Vincent DELERM. – Je ne suis pas très bon pour les histoires, donc je travaille les ambiances, les climats, les lumières, les sensations. Dans mes spectacles, la vidéo est venue tôt. Elle m’aide pour compléter la chanson, faire sens, générer une émotion. Mes morceaux sont déjà des constructions par tranches que j’empile: une manière de chanter, une écriture, une mélodie, un arrangement, une vidéo. J’ai même essayé de mettre des odeurs lors d’une tournée mais ça ne marchait pas. Quand l’odeur se décompose, ça sent la poubelle!

Le documentaire permet-il de faire passer plus de choses encore, des choses plus intimes?

Ce sont des témoignages sans lien les uns avec les autres. Juste la logique d’entrer en contact avec des gens, sans être certain de les comprendre, mais en ayant le sentiment de lâcher prise, de se laisser porter. La voix de l’ouvrier dans l’usine, le plan sur le visage d’Alain Souchon, l’ultime scène de Jean Rochefort n’auraient pas trouvé leur place sur un disque. Le curseur avance en matière d’intimité. Elle joue sur la durée, la confiance du public. Les quatre ou cinq premières années, on ne sait pas si on vous aime sur un malentendu. Après, ce doute se dissipe, on sait que le rapport est plus profond, on a moins peur de se livrer.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en tant que réalisateur?

J’ai renoncé à des choses qui, finalement, ne m’attiraient pas. Comme la partie fictionnelle. Je me suis rendu compte que les témoignages étaient plus proches de ce que j’avais voulu écrire. Il ne restait presque plus rien du scénario initial!

Lorsqu’un comédien de la trempe de Jean Rochefort vous écrit qu’il souhaiterait participer à votre film et que ce tournage soit son dernier, que ressent-on?

J’étais touché mais il était très fatigué à ce moment. Mon rapport était plus de l’ordre de l’inquiétude. Je ne voulais pas qu’il regrette de l’avoir fait et perde trop d’énergie. C’était comme gérer quelqu’un de sa famille auquel on est très attaché. Mais le lendemain, après avoir reçu un message très chaleureux de sa part, j’étais vraiment heureux.

Comment faire le deuil d’un artistequi reste présent par son œuvre?

Une des vertus de s’intéresser à la question du temps est que l’on se prépare aux choses, à la disparition notamment. C’était le préambule de mon spectacle Memory. J’ai écouté des entretiens de Jean Rochefort récemment. J’aime ce lien avec les disparus. Ils sont parfois plus vivants pour moi que certaines personnes toujours présentes.

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