- Dans le nouvel opus de « Mission Impossible », Ethan Hunt affronte une IA « sentiente » capable de s’infiltrer dans les systèmes informatiques les plus sécurisés, de manipuler les informations, d’influencer le futur et de renverser l’équilibre géopolitique mondial.
- Les grandes puissances internationales se lancent à la recherche des clés qui permettront de prendre le contrôle de cette IA. De son côté, Ethan Hunt, a bien compris que pour sauver le monde, il faut la détruire.
- Le film surfe sur l’imaginaire de la science-fiction bien loin de la réalité des intelligences artificielles actuelles.
Pas de panique, une intelligence artificielle autonome n’est pas près de prendre le contrôle des sociétés. Mission impossible : Dead Reckoning, partie I, sorti en salle mercredi 12 juillet, fait entrer un méchant d’un nouveau genre : une IA consciente nommée « L’Entité ». Il s’agit d’un virus qui s’introduit dans les systèmes informatiques les plus sécurisés, en particulier ceux des services de renseignement, et qui pourrait mettre en danger les équilibres géopolitiques déjà précaires en manipulant les informations.
Résultat : des centaines de salariés du renseignement américain retranscrivent à la machine à écrire les documents les plus sensibles pour ne laisser aucune trace en ligne. Une véritable course contre la montre se lance pour prendre le contrôle de cet ennemi virtuel -grâce à deux clés qui s’emboîtent- et éviter qu’il ne tombe entre de mauvaises mains.
« Les IA ont moins de sens commun que des rats »
Le dernier opus de Mission Impossible surfe sur l’imaginaire futuriste porté par certains technoprophètes de la Silicon Valley. Si la percée des IA génératives fin 2022 avec ChatGPT, Midjourney ou ElevenLabs ont remis l’hypothèse d’une singularité technologique sur le devant de la scène, la machine « sentiente » -qui a la capacité de percevoir son environnement de façon subjective- n’est pas d’actualité. D’ailleurs, le terme même d’intelligence artificielle est galvaudé.
« Il faut arrêter de penser que ces machines sont super intelligentes magiquement. Ce sont des projections sur la machine. On arrive à déifier ce qu’on ne comprend pas, c’est pour cela qu’il faut que l’école joue son rôle, s’agaçait Laurence Devillers, chercheuse au CNRS, professeure en IA à Sorbonne et membre du CNPEN (Comité national pilote d’éthique du numérique) en avril dernier au sujet de ChatGPT d’OpenAI. C’est une parole mécanique, statistique, sans aucune conscience ni intention ». Et ce n’est pas Yann LeCun, pape de l’intelligence artificielle, lauréat du prix Turing et vice-président en charge de l’IA chez Meta (Facebook) qui la contredirait sur ce point. Expliquer qu’il n’y a aucune intelligence dans l’IA est son cheval de bataille depuis des années.
« Les intelligences artificielles les plus abouties ont moins de sens commun que des rats », soulignait-il à Station F en 2018. Oui, l’IA a fait un bond depuis cinq ans, mais pas au point de prendre son autonomie et de se retourner contre les humains comme le décrit le blockbuster porté par Tom Cruise. Dotée d’une conscience et guidée par son instinct de survie, L’Entité déjoue toutes les tentatives d’Ethan Hunt de la détruire. Omnisciente, elle est même capable d’anticiper ses actions.
« Il y a des humains partout »
En réalité, « on n’a pas vraiment défini ce que pouvait être la conscience des machines… Il faudrait le faire, soulignait Antoine Bordes, directeur de l’Intelligence Artificielle à Meta, à l’occasion du premier World artificial intelligence Cannes festival en avril 2022. En attendant, on crée des cadres de régulation pour définir leur utilisation, les données sur lesquelles elles se basent et les applications avec lesquelles on a le droit de s’en servir. Et une IA qui serait tellement intelligente qu’elle en deviendrait capable de dépasser ses cadres de façon subtile et d’arriver à nous débrancher pour pouvoir rester branchée… c’est une théorie qui relève justement de la science-fiction ». Et de conclure : « Par rapport à cette intelligence animale dont on parle, certains pensent qu’une IA pourra vouloir se défendre d’être débranchée au nom d’un instinct de survie… Cela me semble très fantaisiste. »
Conclusion, les trois-quarts de l’intrigue de Mission impossible : Dead Reckoning tombent à plat. Mais derrière son scénario grandiloquent, l’opus illustre de façon pertinente l’idée que, derrière une machine malveillante, se cache surtout un humain malveillant. « Qui est responsable ? Certainement pas la machine. La machine n’est rien. Elle a été entraînée sur des données par les humains, elle a été annotée, évaluée, mise à disposition des autres. Il y a des humains partout », insistait Laurence Devillers au sujet des IA génératives. Ethan Hunt en a bien conscience. Il se donne pour mission d’empêcher quiconque de prendre le contrôle de l’Entité, persuadé qu’il n’existe aucun homme ou aucune femme capable d’assumer un tel pouvoir. Finalement, le principal ennemi de l’humanité n’est autre que l’humain lui-même.
Source: Lire L’Article Complet