« Le début de la justice. En attendant plus, mes sœurs. » Sur Twitter, l’actrice Mira Sorvino, qui accuse Harvey Weinstein de l’avoir harcelée sexuellement et d’avoir torpillé sa carrière quand elle a refusé ses avances, a ainsi réagi au verdict énoncé lundi 24 février dans le procès de l’ancien magnat d’Hollywood. Avec raison : la justice, qui vient de le juger coupable d’une agression sexuelle en 2006 et d’un viol en 2013, n’en a pas fini avec Harvey Weinstein.
Après cinq jours de délibérations, les douze jurés – sept hommes et cinq femmes – ont jugé l’ancien producteur star coupable de deux chefs d’accusation, lundi : l’agression sexuelle de l’ancienne assistante de production Mimi Haleyi, en 2006, et le viol de l’aspirante actrice Jessica Mann, en 2013. Ils ont, en revanche, disculpé le cofondateur du studio Miramax d’un chef de viol plus grave lié à Jessica Mann, et surtout de la circonstance aggravante de comportement « prédateur ». Le jury l’a par ailleurs jugé non coupable du viol de l’actrice Annabella Sciorra, durant l’hiver 1993. Ce viol présumé, bien que prescrit, pouvait à lui seul déclencher la circonstance aggravante.
Pour ces faits, Harvey Weinstein encourt une peine pouvant aller jusqu’à 29 ans d’emprisonnement. La sentence doit être prononcée le 11 mars et ses avocats ont d’ores et déjà annoncé leur intention de faire appel de cette condamnation. Conduit dans un hôpital new-yorkais après qu’il s’est plaint de palpitations, l’ex-homme fort d’Hollywood doit attendre de connaître sa peine depuis la prison de Rykers Island. Mais il pourrait très bientôt revoir une salle d’audience.
Une autre affaire à Los Angeles
Désormais, « la saga judiciaire va déménager à Los Angeles », a prédit le Los Angeles Times*, dès l’énoncé du verdict new-yorkais. Sur la côte ouest, Harvey Weinstein doit en effet répondre d’une autre inculpation pour deux agressions sexuelles dans la cité des anges, annoncée début janvier. En Californie, il est accusé d’être entré de force dans la chambre d’hôtel d’une femme pour la violer, le 18 février 2013, puis d’en avoir agressé une autre le lendemain dans une chambre d’hôtel de Beverly Hills. L’une d’elle, Lauren Young, a d’ailleurs témoigné à la barre lors du procès new-yorkais.
Si aucune date de comparution n’a encore été fixée dans ce dossier, des juristes estiment que la condamnation de Weinstein à New York ne sera pas sans conséquences dans le dossier californien. « Le parquet de Los Angeles sera beaucoup plus confiant qu’avant pour poursuivre Weinstein. Ils savent désormais qu’il existe des condamnations antérieures qu’ils pourront évoquer lors du procès, des accusatrices antérieures, et il ne vont pas lui faire de cadeau », a commenté l’avocat Lou Shapiro, étranger à l’affaire mais appelé à commenter le verdict par l’antenne locale de la chaîne CBS*.
Une fois que le juge James Burke aura rendu sa sentence dans le dossier new-yorkais, Harvey Weinstein pourrait demander une négociation de peine dans l’affaire californienne, ou affronter un second procès. Des experts judiciaires cités par la chaîne américaine assurent que les autorités californiennes et new-yorkaises vont devoir travailler ensemble et trouver un accord, car l’Etat [de Californie] ne peut pas poursuivre un prévenu qui n’est pas présent physiquement dans la salle d’audience. En plus de la peine dont il écopera le 11 mars sur la côte est, le producteur de cinéma risque jusqu’à 28 ans de prison s’il est condamné à l’autre bout du pays.
Une procédure en cours à Londres
« La vérité a triomphé aujourd’hui », a réagi l’actrice Lysette Anthony, citée par The Guardian*. Cette dernière accuse l’ex-producteur de l’avoir violée chez elle, à Londres, dans les années 1980. Interrogée par le site du quotidien britannique, l’avocate Jill Greenfield a précisé que la police britannique enquêtait toujours sur plusieurs accusations contre l’ancien pape du cinéma. Parmi ses accusatrices outre-Manche, Rowena Chiu, qui a travaillé pour Harvey Weinstein dans les années 1990. Interrogée sur le verdict du jour, elle a salué « un jour historique », mais a regretté que les circonstances aggravantes n’aient pas été retenues.
En octobre 2017, Scotland Yard a reçu les témoignages de sept accusatrices, qui ont accusé l’ancien producteur d’agressions sexuelles survenues entres les années 1980 et 2015.
Un avant et un après pour la justice américaine ?
Après l’énoncé du verdict new-yorkais, des militantes ont promis de continuer à réclamer des changements législatifs afin de permettre à davantage de victimes de violences sexuelles d’être entendues par la justice. Les membres du groupe Silence Breakers, qui réunit des accusatrices de Harvey Weinstein, ont promis de redoubler d’efforts pour convaincre les parlementaires de revoir les délais de prescription dans plusieurs Etats américains. En 2019, l’association Time’s Up a ainsi collaboré avec d’autres activistes pour convaincre les parlementaires new-yorkais de repousser de cinq à vingt ans le délai de prescription de plusieurs crimes sexuels.
« Nous devons activement chercher à renforcer la législation et à combler les lacunes de notre système pénal afin que davantage d’affaires de viol soient portées devant les tribunaux et que les violeurs soient tenus pour responsables », a réclamé l’actrice Rosanna Arquette lors d’une conférence téléphonique organisée avec Silence Breakers. L’actrice Ashley Judd a pour sa part rappelé sur Twitter qu‘ »il a fallu que 90 femmes [depuis le début de l’affaire Weinstein] se manifestent pour obtenir une condamnation sur deux chefs d’accusation ».
Dans un éditorial publié lundi sur le site de la chaîne CNN*, l’experte en communication politique Kara Alaimo a appelé à ce que l’affaire Weinstein permette de légiférer sur les accords de confidentialité (ou de non-divulgation) : ces accords « passés avec ses employés », mais aussi « avec des accusatrices, les exposant à payer des sommes exorbitantes si elles dénonçaient ses abus. » Une loi est d’ailleurs en ce moment même étudiée par le Sénat de l’Etat de New York, afin de faire remonter au bureau du procureur la signature de tels accords de confidentialité. Une plus grande transparence qui permettrait au parquet d’ouvrir une enquête contre les personnes ayant recours à de nombreuses reprises à ces dispositifs.
* Tous ces liens sont en anglais
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