Retour sur l’absentéisme de Roman Polanski face aux polémiques

  • « J’accuse », le film de Roman Polanski qui revient sur l’affaire Dreyfus, a été nommé 12 fois aux César.
  • Ces nombreuses nominations ont fait polémique à cause des accusations de viol et d’agressions sexuelles dans lesquelles Polanski est impliqué.
  • Personne ne sait si le réalisateur et les têtes d’affiche du film seront présents vendredi à la cérémonie.

Alors que vendredi aura lieu la 45e cérémonie des César, tout le monde se demande si oui ou non Roman Polanski sera présent à la salle Pleyel. J’accuse, le film qu’il a réalisé et dans lequel jouent sa compagne Emmanuelle Seigner et Jean Dujardin, a été nommé
douze fois, ce qui avait suscité la controverse. Plusieurs associations féministes ont d’ores et déjà appelé à se
mobiliser pour protester contre ces nominations.

Ce mercredi matin, LCI annonçait que le réalisateur serait bien présent vendredi avant qu’Anne Hommel, la communicante du réalisateur, ne vienne nuancer l’information en insistant : « À l’heure où nous parlons, il n’a pas encore pris de décision définitive. »

Sera là, sera pas là.. la question demeure. Ces dernières années le cinéaste n’a pas toujours répondu présent aux événements où il était honoré. Retour sur les exemples les plus récents.

Président ou pas président ?

En 2017 déjà, l’association Polanski/César faisait polémique. Cette année-là, sa présence ne devait pas se justifier par la remise d’un prix mais parce qu’en janvier, l’Académie déclarait l’avoir nommé pour présider la cérémonie. Cette décision avait entraîné un appel au boycott, une pétition de plus de 60.000 signataires réclamant sa destitution et de nombreuses critiques indignées. En effet, accusé de viols sur mineure en 1977 aux États-Unis, le réalisateur est fiché par Interpol et n’a jamais purgé sa peine au pays de l’oncle Sam. La ministre des Droits des femmes à l’époque, Laurence Rossignol, avait même réagi publiquement : « C’est un choix qui témoigne d’une indifférence à l’égard des faits qui lui sont reprochés. Et cela s’inscrit à mon sens dans une espèce de banalité à l’égard du viol, ce que les féministes désignent comme « la culture du viol », le fait que les agressions sexuelles ne pèsent pas tant que ça sur la conscience d’un homme ».

D’autres voix s’étaient faites entendre pour cette fois-ci soutenir le cinéaste, affirmant qu’il « faut séparer l’homme de l’œuvre », ou, rappelant, comme l’a fait Aurélie Fippetti, autrefois ministre de la culture la « liberté absolue de l’Académie de choisir un très grand réalisateur ». Selon elle, « C’est quelque chose qui s’est passé il y a quarante ans. On ne peut pas à chaque fois relan­cer cette affaire. »

Face au tollé, Roman Polanski avait tout de même renoncé à présider la cérémonie.

Hommage à la cinémathèque

La même année, la Cinémathèque française décide de lui rendre hommage, à la fin du mois d’octobre 2017, en organisant une rétrospective de ses œuvres. Là aussi, en pleine affaire Weinstein et MeToo, l’événement fait polémique. Des milliers d’internautes et des associations féministes s’insurgent. Dans les colonnes du Figaro, l’association Politiqu’elles et le collectif Sexisme sur écrans crient à la « provocation ».

D’un autre côté, la ministre de la culture Françoise Nyssen, qui se voit incitée à condamner la rétrospective et la mise à l’honneur de Polanski, refuse de condamner l’événement : « Il s’agit d’une œuvre, il ne s’agit pas d’un homme, je n’ai pas à condamner une œuvre ».

La rétrospective est maintenue (malgré quelques perturbations comme l’introduction de deux Femen) et le président de la cinémathèque refuse de céder à ce qu’il qualifie de « censure pure et simple ». « Fidèle à ses valeurs et à sa tradition d’indépendance, la Cinémathèque n’entend se substituer à aucune justice », dira-t-il.

À l’inauguration, Roman Polanski est bien là. Sous les huées des collectifs féministes.

J’accuse primé à la Mostra de Venise

L’année dernière, en août 2019, le film J’accuse du réalisateur franco-polonais est présenté en avant-première mondiale à Venise, en compétition pour le Lion d’or.

Comme d’habitude, la sélection du film fait débat. La présidente du jury, Lucrecia Martel, avait même affirmé être « très gênée » et indiqué qu’elle ne se rendrait pas à la projection officielle. Avant de se rétracter et d’affirmer qu’elle n’était « en aucune façon opposée » à la présence de J’accuse en compétition.

Mais le soir du festival, Roman Polanski est aux abonnés absents. A Deauville, il est l’invité d’une cérémonie en l’honneur des présidents du Festival du cinéma américain et c’est sur scène qu’il apprend qu’il a gagné à Venise le « Lion d’argent », soit la deuxième récompense la plus importante de la Mostra. Ce soir-là, c’est sa femme, l’actrice Emmanuelle Seigner, qui s’est déplacée en Italie pour recevoir la prestigieuse récompense.

J’accuse au Festival de La Roche-sur-Yon

En octobre, le dernier film de Polanski a encore été programmé à un festival : celui de La Roche-sur-Yon. Mais cette fois-ci, et pour changer des simples condamnations rarement suivies d’effets, Paolo Moretti, le délégué général du Festival, a organisé un débat sur la question « Qu’est-ce que la différence entre l’homme et l’artiste ? » pour qu’il précède la projection du film. Cette idée, lui a été suggérée par Adèle Haenel. En effet, l’actrice avait profité de sa montée sur scène le 15 octobre pour avouer sa déception face à la programmation du long-métrage et inciter les organisateurs à « encadrer le film d’un débat ». Demande immédiatement suivie d’effets : le débat a été programmé à la dernière minute, mais il a bien eu lieu. Manière selon Paolo Moretti de « reconnaître la problématique de la question ». Roman Polanski était, une fois de plus, absent.

Dans un contexte plus que délicat, le réalisateur osera-t-il se rendre à la cérémonie des César ce vendredi ? Rien n’est moins sûr.

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