Arte diffuse ce soir le téléfilm « Paris-Brest », réalisé par Philippe Lioret (« Je vais bien, ne t’en fais pas »). Un drame sur la famille et les non-dits, porté par Anthony Bajon, Valérie Karsenti, et Catherine Arditi, qui mérite vraiment le détour.
De quoi ça parle ?
Étudiant, Colin rêve de fuir Brest et sa famille pour devenir écrivain à Paris. Mais sa grand-mère, Manou, la seule des siens dont il est proche, cherche à le retenir. Devenue riche sur le tard, la vieille dame ne cache pas son hostilité envers sa fille et son gendre, les parents de Colin, chez qui l’obsession de l’argent et de la réussite sociale l’emporte sur tout autre sentiment. Cinq ans plus tard, Colin vit à Paris, mais reste hanté par ce qu’il a fait pour y parvenir. À la veille de Noël, il revient au bercail, officiellement pour revoir sa sœur, qui vient d’avoir un enfant. Il espère aussi retrouver Élise, dont il était amoureux et qu’il a attendue en vain à Paris. Ses parents sont désormais installés dans le bel appartement de Manou qui, elle, végète dans une maison de retraite, à 25km de Brest. Au réveillon, Colin annonce qu’il s’apprête à publier un roman sur leur famille…
Paris-Brest, réalisé et écrit par Philippe Lioret, avec la collaboration de Zoé Galeron (scénario), d’après le roman éponyme de Tanguy Viel.
Avec Anthony Bajon, Catherine Arditi, Valérie Karsenti, Gilles Cohen, Kevin Azaïs, …
Le vendredi 27 mars à 20h55 sur Arte, et d’ores et déjà disponible sur arte.tv
À quoi ça ressemble ?
Ça vaut le coup d’oeil ?
Réalisateur phare du cinéma social hexagonal dans les années 2000, Philippe Lioret, à qui l’on doit des longs métrages tels Je vais bien, ne t’en fais pas, Welcome, et Toutes nos envies, s’était fait plus discret ces dernières années, malgré la sortie en 2016 du Fils de Jean. Il revient aujourd’hui avec Paris-Brest, son premier film pour la télévision, et prouve avec ce portrait de famille aussi amer que subtil qu’il n’a rien perdu de son savoir-faire lorsqu’il s’agit de parler des rapports humains et d’inspecter au plus près l’âme et la conscience de ses héros. Des personnages qui malgré leurs failles – ou peut-être au contraire à cause d’elles justement – deviennent vite attachants parce qu’ils nous ressemblent forcément un peu.
Librement adapté d’un livre de Tanguy Viel paru en 2009, Paris-Brest suit le retour au bercail douloureux de Colin, un jeune écrivain qui après avoir fui la province pour Paris durant cinq ans, rentre auprès des siens pour les fêtes, bien décidé à régler ses comptes avec son père et sa mère. Mais pas que. Car si Colin a tiré un roman de la haine qu’il voue à ses parents – un couple obsédé par l’argent et la réussite sociale qui ne l’a jamais soutenu dans ses ambitions littéraires – le jeune écrivain doit aussi composer avec sa propre conscience et la culpabilité qui le hante suite à un événement qui, il y a quelques années, a tout changé. Posant ainsi, en filigrane, la question de savoir jusqu’où on est prêt à aller pour réaliser ses rêves et s’extirper d’une cellule familiale qu’on méprise et à laquelle on refuse d’être identifié.
En posant un regard acerbe, âpre, et quasi chabrolien sur cette famille brestoise rongée par les faux-semblants, les mensonges, et la cupidité, Philippe Lioret tisse à nouveau un récit fort et percutant sur les non-dits (l’un des thèmes centraux de sa filmographie) et sur la peur de dire les choses, justement. Où le coeur de chaque problème semble, au final, être l’argent. Et pour incarner cette famille dysfonctionnelle confrontée à ses erreurs et à ses failles, le réalisateur a rassemblé une très belle brochette de comédiens emmenée par Anthony Bajon, la révélation de La Prière (vu plus récemment dans Tu mérites un amour et Au nom de la terre), qui crève ici à nouveau l’écran et apporte un beau mélange de sensibilité et de rage à son personnage d’aspirant écrivain tourmenté. Face à lui, Gilles Cohen et Valérie Karsenti, loin de son image de Scènes de ménages, sont impeccables dans la peau des parents assez glaçants de Colin, tandis que Catherine Arditi, trop rare à la télévision, apporte un peu de lumière à l’ensemble dans le rôle de la grand-mère, Manou, qui ne porte pas sa fille et son gendre dans son coeur et est bien la seule qui trouve grâce aux yeux de Colin. Parce que, comme lui, elle qui a hérité tard d’une très grosse somme ne semble pas vraiment courir après l’argent. Même si tout est évidemment un peu plus compliqué que ça.
Doté d’une interprétation sans faille, qui englobe également Kevin Azaïs, toujours très bon, Paris-Brest fait partie de ces téléfilms qui n’ont rien à envier aux longs métrages qui sortent en salle. Et en cette période où les cinémas sont fermés, il serait donc extrêmement dommage de passer à côté de cette jolie réussite qu’on ne saurait que vous recommander.
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