Marina Carrère d’Encausse: «Inviter sur un plateau des médecins “rassuristes” est irresponsable»

TV MAGAZINE. – Pourquoi avez-vous décidé de vous focaliser sur la relation entre Donald Trump et le FBI?

Marina CARRÈRE D’ENCAUSSE. Parce que c’est absolument fascinant! Le président des États-Unis, son père et son grand-père ont tous trafiqué avec la mafia. Quand on reprend son histoire, on constate qu’il s’est construit grâce à elle. Et, en même temps, il s’est sorti de situations très complexes grâce au lien qu’il entretient avec le FBI. Quand il était très embêté par le crime organisé, il allait demander de l’aide aux fédéraux, et ils étaient bien contents d’en apprendre davantage sur la mafia. Il a créé une sorte de triangle qui lui a permis d’obtenir des avantages.

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Quel regard portez-vous sur la gestion de l’épidémie de Covid-19 aux États-Unis?

En tant que médecin, il y a des propos que je ne peux pas entendre. Ce n’est pas possible d’aller dans des meetings pour embrasser tout le monde sans porter de masque. Ou encore de dire qu’il prendra de l’hydroxychloroquine et divers produits qui n’ont pas été validés scientifiquement. Ce n’est pas audible de la part du représentant de l’un des pays les plus puissants au monde. Après, les États-Unis n’ont pas été plus malmenés que d’autres pays au regard des chiffres.

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Les chiffres des nouveaux cas de Covid-19 s’envolent en France. Dans quel état d’esprit êtes-vous?

Je suis inquiète, car le virus progresse et circule énormément. Je suis rassurée par la qualité de notre médecine, et la mobilisation de nos soignants. Ils sont là et ce sont toujours les mêmes… 20% d’entre eux n’ont pas pris un jour de vacances depuis le mois de mars. Ils sont totalement épuisés et, pour beaucoup, désabusés.

Est-ce que la maison brûle?

Je ne dirais pas ça, mais c’est grave dans la mesure où on n’arrive pas à contrôler la circulation du virus. Si mes chiffres sont bons, la mortalité en réanimation est aujourd’hui moins élevée qu’elle ne l’était en mars-avril, car on sait mieux prendre en charge les malades. Mais, dans très peu de temps, les services de réanimation seront saturés. On ne peut plus transférer les patients d’une région à l’autre, car toute la France est touchée. On n’a plus cette souplesse!

Les médias en font-ils trop autour de ce coronavirus?

Ça dépend. Si c’est pour relayer les messages importants, à savoir porter des masques, respecter les gestes barrières et expliquer pourquoi, c’est très bien. Si c’est pour inviter des complotistes et des personnes qui relaient des fake news, y compris des médecins «rassuristes», venus expliquer qu’il n’y a pas de deuxième vague et que les chiffres sont faux, ce n’est pas responsable.

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Certains d’entre eux expliquent que l’épidémie est terminée. D’autres assurent qu’elle est même plus violente qu’au printemps dernier. Pourquoi les professionnels de santé se contredisent-ils autant sur les plateaux de télévision?

Je suis médecin et journaliste, j’étudie cette crise du coronavirus depuis le début et, très honnêtement, je ne comprends pas que des médecins, qui pour certains sont fort intelligents et rigoureux, affirment des choses à l’encontre des chiffres officiels. On peut dire que la gestion de la crise est mauvaise, mais les chiffres sont là! On ne peut pas affirmer que les services de réanimation sont vides…

Que pensez-vous de la folie médiatique autour de Didier Raoult?

Les études qui ont été menées montrent que l’hydroxychloroquine n’est pas le médicament à utiliser pour enrayer cette épidémie. Il y a eu un engouement, car l’homme est très intelligent et c’est un vrai scientifique. Et là je ne comprends pas son attitude et qu’il ait pu affirmer des choses avant qu’une vérité scientifique existe.

Serez-vous volontaire pour prêter main-forte aux soignants dans les hôpitaux?

Je n’ai pas exercé depuis très longtemps. Et je pense que je suis plus utile aujourd’hui en faisant mon métier de médecin à la télévision, en informant les téléspectateurs, qu’en retournant auprès des personnels parce que je ne serais pas compétente. S’il s’agit de prendre en charge des patients Covid-19, je n’ai pas assez de formation.

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