« Showtime ! », avait-elle prévenu en arrivant dans Drag Race France. Lolita Banana a tenu sa promesse. Partie au terme du septième épisode, au pied du podium, la drag-queen née au Mexique aura bel et bien fait le show pendant toute la compétition. Elle aura ému, aussi. En parlant de sa séropositivité avec une grande simplicité, mais surtout en fendant l’armure de compétitrice acharnée qu’elle s’était forgée, jusqu’à ce lipsync dramatique de l’épisode 6 contre La Big Bertha, qui restera LE moment le plus bouleversant de cette saison.
Vous êtes arrivée dans la compétition en mode « je vais mettre des peaux de bananes à mes concurrentes », mais ça n’est du tout ce qui s’est passé ! Est-ce que vous avez été surprise par la dureté de la compétition ?
Oui. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si physique, intense, et aussi prenant psychologiquement. C’était dur et je n’étais pas prête.
Parlez-nous de votre lipsync face à la Big Bertha. Comment vous l’avez vécu ?
J’avais un sentiment d’échec et de défaite après ce qui s’était passé avec mes collègues. Quand Nicky Doll a demandé qui devait partir et que tout le monde a donné mon prénom je me suis rendu compte que personne ne voulait que je reste dans la compétition. Je me suis sentie isolée et pas bienvenue. Je me suis dit qu’il y avait une possibilité que je parte à la fin de l’épisode et que si c’était le cas, je voulais faire quelque chose de jamais vu dans l’histoire de Drag Race. En plus, la chanson que nous devions faire [Corps, de Yseult], c’était la seule chanson sur laquelle je ne pouvais pas danser. Or tout le monde sait que je suis danseuse. J’ai voulu montrer que je pouvais faire quelque chose dans la simplicité et je me suis dit qu’il fallait absolument que je connecte avec les sentiments de tristesse et de solitude que j’avais à ce moment-là, puis laisser parler les émotions. C’était absolument cathartique pour moi.
Qu’est-ce que ça vous fait de le voir à la télé ?
Je n’ai pas réussi à le voir les deux premières fois. La première c’était à ma soirée la Lolita Bananight. Je ne pouvais pas ouvrir les yeux. A chaque fois qu’on regarde un épisode, on revit les émotions et les sensations qu’on a vécues ce jour-là. Bien que cela ait été tourné il y a six mois environ, voir l’épisode m’a transporté exactement au même endroit de solitude. Et même si j’étais entourée d’amis et de fans, j’étais connectée encore une fois avec cette sensation de tristesse et d’abandon. La deuxième fois, c’était à la soirée de Kam Hugh et pareil, je n’ai pas réussi à le voir. Par contre, trois jours après, j’étais seule dans mon salon, je voyais que tout le monde parlait de ça sur Internet et je me suis lancée. C’était beaucoup plus facile en étant seule. Quand je suis devant tout le monde, j’ai l’impression que tout le monde est en train de guetter mes réactions et ça me met mal à l’aise. J’ai vu de quoi les gens parlaient. Je l’ai vécu mais je n’avais pas vu ce que ça rendait à la caméra. La première chose que j’ai faite après l’avoir visionné, c’est d’écrire à La Big Bertha et je lui ai dit « merci d’être venue me récupérer au sol. La sensation que j’éprouvais à ce moment-là, c’était celle de quelqu’un qui est en train de se noyer et toi tu es venue me sauver. » Et à partir de ce moment, j’ai créé une connexion super intense et super sincère avec Bertha, et je la remercierai toute ma vie d’avoir fait ça.
Pourquoi les réponses à la question de Nicky vous ont autant blessée ? C’est pourtant un passage obligé de Drag Race…
Bien sûr, on sait que ça va arriver, mais on n’est pas prêt à tout prendre dans la tronche. Surtout quand tout le monde, à l’unisson, dit ton prénom. Après, je suis allé voir Paloma et je lui ai dit « je croyais que toi, tu n’allais pas dire mon prénom, par humanité ». Je pense que si une seule d’entre elles ne m’avait pas mentionné, ça m’aurait laissé respirer. Le fait que tout le monde l’ait dit m’a vraiment donné l’impression qu’ils ne voulaient plus de moi. Et en plus, ce n’était pas objectif. Parce que si on parlait de la compétition, je faisais une très bonne compétition. Même ma pub était très bien. Mais il faut dire qu’à ce moment-là, on n’avait pas vu les pubs. On avait juste vu le début. Et mon runway Haute couture n’a pas fait rire, même si c’était iconique d’arriver sur des échasses !
A plusieurs reprises La Big Bertha ou Soa de Muse ont eu des mots assez durs pour vous en confessionnal. Comment avez-vous réagi en le voyant ?
Dans l’émission, on a l’impression que ces commentaires peuvent être xénophobes ou racistes, mais en vérité c’est juste du drag, du sarcasme, du fun. Il ne faut surtout pas prendre ça au premier degré. J’avoue que ça m’a surpris ce qu’elles ont dit, parce que je n’étais pas prévenue. Mais la réaction que les gens ont eue par rapport à Bertha et Soa, ce n’était pas justifié. La violence n’est jamais justifiée. On est une troupe de drag-queens très talentueuse, très soudée. Il y avait beaucoup d’amour et de bienveillance entre nous et avec la production. Oui, il faut un peu de drama, il faut un peu de shade mais la vérité c’est que Bertha et Soa aiment beaucoup qui je suis et ce que je fais. Et c’est réciproque.
Le fait d’être mexicaine vous a-t-il pénalisé dans cette compétition ?
Non. Pas le fait d’être mexicaine, mais le fait de ne pas avoir toutes les références. Ça c’est sûr que ça m’a pénalisé. Après, c’est ma faute, tu ne vas pas dans une émission de culture populaire sans avoir un minimum de culture populaire. Je n’ai pas absorbé la culture française comme j’aurais dû. Je connais beaucoup de choses de la France, mais la réalité c’est que je ne regarde jamais la télévision. Toute la culture télé, contemporaine, populaire, je connais très peu. Je ne savais pas qui était Marianne James. Et c’est une histoire de goût, la télé française, je n’accroche pas vraiment.
Il y a eu plusieurs séquences très émouvantes avec vous, qui si on en croit les réseaux sociaux, ont beaucoup ému les spectateurs. Qu’est-ce que ça vous a fait tous ces retours positifs ?
Ça fait plaisir. Je ne suis pas trop sur Twitter mais les retours que j’ai c’est sur mon Instagram et dans la rue. Dans la rue, je me fais arrêter tous les jours par des gens qui veulent une photo ou qui veulent me faire un câlin. Dans mes soirées aussi, au brunch que j’organise. Au-delà de tout cet amour et des réactions positives, ce qui me touche vraiment ce sont les gens qui sont dans la même situation que moi, soit des immigrés, soit des gens qui se sentent seuls ou qui sont séropositifs. J’ai reçu des messages magnifiques, des gens qui me racontent leur histoire, qui parlent leur séropositivité ou qui se sentent comme moi en vivant depuis dix ans en Allemagne, ou en Australie. Je vois que je ne suis pas la seule à ressentir ça.
Aviez-vous prévu de parler de votre séropositivité avant l’émission ?
Oui. C’est venu quand je préparais l’émission et en particulier la tenue pour le runway Mylène Farmer. J’ai commencé à me renseigner sur ce qu’elle avait fait par rapport à la lutte contre le VIH. Je me suis dit que si jamais j’arrivais jusqu’à cet épisode-là, ce serait l’occasion de parler de moi-même. C’était un défi personnel. Et je suis arrivé jusqu’à cet épisode ! Je voulais vraiment véhiculer un message de positivisme par rapport au fait d’être séropositif et indétectable et essayer de le transmettre de la manière la moins dramatique, la plus objective et optimiste possible. Parce que je considère que je suis quelqu’un qui a une bonne hygiène de vie, je suis sportif. Tout ce qui semble à l’opposé d’être malade. J’ai voulu dire qu’on vit très très bien maintenant, qu’on peut être heureux, qu’on peut aimer, être aimé, notamment par sa famille et avoir beaucoup de joie de vivre.
Vous n’êtes pas la première à avoir parlé de séropositivité dans Drag Race. Il y a eu Ongina, Trinity K. Bonet. Elles vous ont inspirée ?
Oui bien sûr. Ongina m’a écrit. Ça fait 14 ans qu’elle a fait son coming-out séropositif [dans la toute première saison de RuPaul’s Drag Race] et les médicaments ont beaucoup évolué et la situation pour les personnes séropositives n’est pas du tout la même qu’il y a 15 ans ou 10 ans. Donc la manière d’aborder la situation est très différente. Il y a 14 ans, quand Ongina a parlé de sa séropositivité c’était encore très dramatique, il y avait encore beaucoup de tabous, de stigma autour de nous. Maintenant on commence à en parler de façon plus tolérante, avec moins de sérophobie. Et je voulais parler de l’évolution, non seulement des traitements, mais aussi du regard envers nous les séropositifs.
Quels sont les challenges que vous avez le plus appréciés ?
Le talent show, c’est mon préféré. Mais I was robbed ! Le girl’s band, évidemment, j’ai adoré. J’étais comme un poisson dans l’eau. I was robbed again ! Le makeover, avec mon ami Antonio. C’est un vrai plaisir de l’avoir fait. Même les techniciens nous confondaient. Encore une fois, I was robbed ! (Rires) J’ai beaucoup aimé faire le parfum. Et l’acting, j’ai adoré.
Vous avez tout aimé, quoi.
Non, pas le Snatch Game ! J’ai beaucoup souffert en faisant ça. Et le ball, c’était un cauchemar.
Dans l’épisode d’hier, vous avez dû lipsyncer pour déterminer qui irait en finale. Vous avez perdu vos deux lipsyncs. Là aussi, c’est un manque de référence qui vous a causé du tort ?
Non. J’ai fait un très bon lipsync. A un moment donné, j’ai sauté du podium et j’ai atterri dans un grand écart – ça n’a pas été montré, puis j’ai traversé la scène en faisant une suite de grands écarts. Mais ça a été très dur d’apprendre les chansons. Je n’avais jamais entendu la chanson d’Ophélie Winter, je ne connaissais pas Banana Split, même si je m’appelle Banana. La seule que je connaissais, c’était La grenade. Mais ce n’est pas ça qui m’a pénalisé. C’est le choix du jury.
Vous avez une favorite pour la finale ?
Paloma, absolument. J’aime beaucoup La Grande Dame. Je suis très admirative de ce qu’elle fait. L’élégance de son drag, mais aussi sa capacité à se surpasser et à devenir extrêmement drôle. C’est l’une des personnes les plus drôles que j’aie rencontrée dans ma vie. Son Snatch Game était hilarant. Mais en voyant le montage final, on voit que le drag de Paloma est très intelligent. S’il y a quelque chose que j’adore dans la vie, c’est le drag intelligent, réfléchi, avec des références. C’est la même sensation que j’ai avec Jinkx Monsoon, Bianca Del Rio, Ben DelaCrème. Ce ne sont pas des drag-queens qui font dans l’improvisation. Paloma, c’est ça. J’ai beaucoup d’admiration et d’amour pour elle et je suis très fière de la considérer comme une amie. Elle m’inspire beaucoup.
Où peut-on voir Lolita Banana ?
Le brunch que j’anime reprend le premier week-end de septembre. Sinon, je serai la semaine prochaine à ma soirée, la Bananight pour la finale et après à la Bboat tous les jeudis qui restent jusqu’à septembre. Après je serai à Nice et après on part en tournée avec le Drag Race Live.
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