Un air de famille, Le goût des autres, Cuisine et dépendances, Le Sens de la fête… En 40 ans de carrière, Jean-Pierre Bacri a laissé une empreinte indélébile dans le cinéma français. Hommage à un grand artiste qui vient de nous quitter.
« Le personnage de Max qu’il joue dans Le Sens de la fête est un rôle sur mesure pour Jean-Pierre Bacri. C’est une évidence, et ça nous a donné envie de lui écrire pour lui dire pourquoi on l’adore, pourquoi on l’admire et pourquoi il nous touche » écrivions-nous en 2017.
Des mots qui résonnent aujourd’hui de manière bien singulière et triste, au moment où nous apprenons le décès de ce grand acteur – auteur; une des grandes figures du cinéma français, des suites d’un cancer.
Nous republions ci-dessous cette lettre, désormais post-mortem… Hommage.
Cher Jean-Pierre,
Cette semaine, j’ai découvert Le Sens de la fête au cinéma. Le rôle de Max, organisateur de mariage au bord de la faillite qui doit s’accomoder d’une équipe de bras cassés pour offrir à un jeune couple le mariage de ses rêves, est un rôle sur mesure pour toi, c’est une évidence, et ça m’a donné envie de t’écrire. Toutes les raisons pour lesquelles on ne verrait personne d’autre que toi dans le rôle de Max, ce sont toutes les raisons pour lesquelles tu es un comédien unique dans le paysage cinématographique français, et les raisons pour lesquelles tu es un acteur essentiel.
Tout le monde te connaît et t’admire pour les films merveilleux écrits – et souvent interprétés – avec Agnès Jaoui, ta partenaire de toujours. Pour la musique de vos dialogues percutants qui sonnent toujours comme la vérité.
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Avant, il y a eu l’enfance en Algérie, puis la vie à Cannes, la montée à Paris, le cours Simon, l’écriture, les premières pièces, le premier rôle au cinéma dans Le Toubib, la première prestation marquante dans Le Grand pardon, la première nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Subway, et la rencontre avec Agnès en 1987 alors que vous jouez dans la pièce d’Harold Pinter, L’Anniversaire.
C’est le début d’une collaboration splendide entre vous, qui accouche de comédies qui grincent, de personnages durs et tendres, de films populaires et différents, réalisés par Alain Resnais, Cédric Klapisch ou Agnès Jaoui.
Dans l’imaginaire collectif, Jean-Pierre Bacri, c’est le bougon, parfois cynique – souvent cynique -, mais avec un bon fond. On te voit parfois peu au cinéma, on ne te voit parfois plus, mais on ne t’oublie pas, on sait que tu es là. D’Un air de famille à Didier, en passant par Le Goût des autres et La Vie très privée de monsieur Sim, tu imposes ton style de jeu. Tu ne déçois pas, tu ne joues pas pour jouer, tu n’acceptes pas un rôle à la légère. Tu le dis toi-même, c’est « en fonction de ton plaisir ».
Tu aimes les personnages complexes, tu aimes les personnages faillibles. « Si je ne trouve pas d’humanité, dis-tu, si je ne trouve pas de faiblesse, ça m’ennuie. » C’est à cela que tient ton talent et le charme infini des personnages que tu composes, c’est à cela que tient la beauté de ton interprétation du personnage de Max : la justesse et la grâce. La magie opère lorsqu’avec une infinie tendresse, la dureté et la fragilité s’entrechoquent pour laisser simplement la place à l’émotion et chez toi, l’émotion, ce n’est pas seulement la regard, c’est avant tout la voix.
Ta diction est particulière, il faut suivre, écouter, mais l’intonation, l’articulation, le rythme, qui te sont propres, produisent une musique dissonante et belle, qui gratte et qui touche, qui fait rire et qui émeut. Ce que l’on cherche, au coeur d’une scène où un héros se laisse aller à dire ce qui le chiffonne, ce qui le révolte ou ce qui le chagrine, plus qu’un regard mouillé, c’est une voix qui se brise.
C’est sûrement là qu’on t’aime le plus, moi c’est là que tu me touches, quand ta voix se brise. Merci pour ça.
So long l’artiste…
AlloCiné
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