- Comme pour les autres genres cinématographiques, le film de Noël devient de plus en plus inclusif, avec désormais des personnages gays et lesbiens mis en avant.
- Netflix a mis en ligne, le 2 décembre, Que souffle la romance, sa première comédie de Noël mettant en scène des personnages principaux gays.
- Un an auparavant, Ma belle-famille, Noël et moi, avec la comédienne Kristen Stewart, était diffusé par Sony en France.
Les fêtes de fin d’année approchent, les retrouvailles familiales se précisent et, comme à chaque fois, l’éternel célibataire de la famille s’interroge. Mes parents vont-ils encore essayer de me caser avec le fils du cousin de la voisine ? Dois-je assumer de m’être fait plaquer trois jours avant le 24 décembre ? Mon colocataire pourrait-il prétendre, le temps d’une soirée, d’être mon petit ami ? Si ces interrogations peuvent sembler très familières, c’est parce qu’il s’agit plus ou moins de celles que se pose toujours le personnage principal d’un film de Noël. Si, jusqu’à présent, ce dernier était plutôt hétérosexuel, les scénarios sont (enfin) en train de changer.
Dans Que souffle la romance, la nouvelle comédie romantique de Netflix labellisée « film de Noël », Peter (Michael Urie) est un homme de 40 ans, éternel célibataire à Los Angeles, qui se pose l’ensemble de ces questions, alors qu’il est ouvertement… homosexuel. Il propose à Nick (Philemon Chambers), son colocataire, lui aussi gay, de venir avec lui dans le New Hampshire, pour passer la fin de l’année en famille. Comme dans toutes les meilleures œuvres du genre – ce n’est donc pas vraiment un spoiler -, les deux amis se rendent finalement compte qu’ils se sont toujours aimés et choisissent de tout plaquer pour se réinstaller dans la ville d’origine de Peter.
Ce long-métrage, présenté comme la première rom-com de Noël gay de Netlifx, arrive un an après Ma belle-famille, Noël et moi, autre film du genre d’un grand studio, Sony, avec en vedette un couple de femmes lesbiennes. Certaines chaînes américaines, spécialisées dans les comédies romantiques (Lifetime, Hallmarck Channel…), ont elles aussi ouvert leurs portes depuis un an à des personnages principaux LGBT avec The Christmas Setup, The Christmas House et Under the Christmas Tree.
Une communauté « reconnue » et « légitime »
Pourquoi ce virement inclusif des films de Noël, qui se construisent pourtant traditionnellement sur une romance hétérosexuelle très clichée ? Selon Caroline San Martin, maîtresse de conférences en écriture et pratiques cinématographiques à la Sorbonne, c’est parce qu’il existe aujourd’hui « une reconnaissance de la communauté LGBT dans la société dans laquelle on vit ».
« Un film peut être catégorisé selon la manière dont les spectateurs se reconnaissent en lui, en tant que classe sociale ou culturelle. Ces derniers temps, la catégorisation se fait par reconnaissance d’une communauté dans un long-métrage, ce qui permet de le labelliser d’une certaine manière. La communauté LGBT étant aujourd’hui reconnue, elle en devient légitime, ce qui lui permet d’apparaître dans un endroit de représentation comme le cinéma. Mais la reconnaissance de ces personnes dans la sphère publique a mis du temps à arriver », analyse l’enseignante.
Et si les plateformes et studios se mettent au film de Noël inclusif, c’est aussi parce que les œuvres cinématographiques LGBT récemment sorties ont pour la plupart bien fonctionné. A l’image du drame Call Me By Your Name, grand succès critique et public de la fin d’année 2017, ou de la comédie dramatique Love Simon, qui a eu un joli écho chez les adolescents et jeunes adultes en 2018.
Sacrifier la réalité des personnes LGBT+ ?
Mais est-ce possible d’intégrer à tout prix un ou plusieurs personnages LGBT+ dans ce genre très codifié, sans trahir leur réalité ? C’est la question qui se pose en regardant Que souffle la romance. Si les films de Noël ne sont pas connus pour leur réalisme criant, beaucoup d’éléments surprennent dans la rom-com de Netlfix. Comme la famille qui accepte totalement l’homosexualité du personnage principal, la mère qui organise un rendez-vous amoureux entre son fils et son coach sportif lui aussi gay, ou encore le héros qui décide de revenir habiter dans sa ville d’origine.
Toutes les familles ne rejettent évidemment pas les personnes LGBT en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Mais il est assez exceptionnel que des proches, surtout pour les plus âgés, soient aussi ouverts d’esprit.
Peter travaille comme communicant à Los Angeles, sur la côte ouest des États-Unis, soit à l’autre bout du New Hampshire, sur la côte est. Si les raisons de son éloignement ne sont pas données, il n’est pas étonnant qu’une personne LGBT quitte sa petite ville pour une plus grande où l’homophobie est plus diluée. C’est tout de suite plus étonnant quand il fait le choix d’y revenir, même s’il s’agit du trope habituel dans les films de Noël.
Une bouffée d’air frais
Faut-il sacrifier la naïveté guimauve de ces longs-métrages, et instaurer une pincée de réalisme ? Caroline San Martin n’en est pas sûre. S’appuyant sur les travaux de l’écrivain Stanley Cavell, elle explique que le cinéma « permet de mettre en avant la possibilité d’une seconde chance ».
« Cette foi en la seconde chance nous permet, en tant que spectateurs, de devenir meilleurs au sein de la société. Comme le personnage donne une seconde chance aux autres, je peux aussi le faire. Ça permet non pas de conduire un récit réaliste mais de mettre en avant la possibilité de la seconde chance dans le réel. La fiction peut influencer le réel », poursuit la maîtresse de conférences.
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Cette représentation, même un peu optimiste des personnes LGBT et de leur entourage, peut également être vue comme une bouffée d’air frais pour les spectateurs. « C’est un monde où l’homophobie n’existe pas. Il n’y a jamais un moment dans le film où quelqu’un a peur d’être gay ou a honte d’être gay. Les problèmes n’ont rien à voir avec la sexualité, mais portent sur le fait de ne pas réussir à être en couple, ce qui est aussi une chose sur laquelle s’interrogent les hétérosexuels », explique Michael Urie, l’interprète de Peter au magazine américain W. « C’est ce dont j’avais besoin quand j’étais plus jeune. On ne voyait pas des représentations positives de l’homosexualité à la télévision », poursuit Philemon Chambers, Nick dans Que souffle la romance,
auprès du même média.
Kristen Stewart, qui jouait dans Ma belle-famille, Noël et moi l’année dernière, assurait elle aussi à Glamour qu’elle aurait « adoré » pouvoir voir ce genre de films quand elle était plus jeune. Le sien est d’ailleurs plus nuancé. Sa petite amie dans le long-métrage, jouée par Mackenzie Davis, est toujours dans le placard auprès de sa famille, qui fait parfois preuve d’une certaine homophobie. Ce n’est qu’à la fin que les deux femmes connaissent un happy end. Pour Philemon Chambers, « ce n’est que le début » car « les gens n’ont pas peur de raconter des histoires où les personnages sont eux-mêmes ». Et comme les hétérosexuels qui ont leurs bons et leurs mauvais films de Noël, les homosexuels auront bientôt eux aussi un choix un peu plus étoffé de divertissements de fin d’année.
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