Les DJs du Festival de Cannes, ces "métronomes" qui rythment la montée des marches

L’exercice fait rêver mais n’a rien de facile, entre bug technique qui pourrait devenir viral et pièges à éviter dans le choix des morceaux. « Quand Julia Roberts arrive, on ne va pas lui mettre Pretty Woman, car elle en a mangé toute sa carrière », commence Julien Tô, rencontré par l’AFP aux côtés de sa binôme. « Alors on met un morceau chic et glamour à son image ». « Et une fois qu’elle est passée, on le met pour le public », complète Léa Duval.

« Avec Sylvester Stallone (venu en 2019), on ne pouvait pas mettre la musique de Rocky (Eye of the tiger), c’est trop facile, il nous aurait fusillé du regard« , souligne le presque quadra. Pour Omar Sy, Léa ne voulait pas mettre tout de suite Earth, Wind & Fire (sur lequel il danse dans une scène culte d’Intouchables) car l’acteur « venait présenter Tirailleurs, film sur la première guerre mondiale ». « Mais on l’a mis à la fin et il est revenu, allant chercher sa femme pour danser », raconte la DJ, bientôt trentenaire.

Une histoire de timing 

Grâce à son travail en amont, elle veille à ne pas placer un morceau trop dansant avec la délégation d’un film à la thématique lourde, comme les féminicides, par exemple. « Mais j’essaie de ne pas plomber l’ambiance non plus, si jamais j’ai un doute, je mets un morceau pas très connu, pas trop plombant ou trop festif ».

Comme avec n’importe quel dancefloor, le verdict des hanches est immédiat. Quand les titres plaisent, ça se voit de leur position, en haut des marches sur un côté. En 2019, le réalisateur Jim Jarmusch, fondu de musique au goût pointu, s’est mis à danser tout juste sorti de voiture. La même année, Jamel Debbouze se déchaîne sur James Brown et Barry White. « Je nous vois un peu comme les métronomes de chaque montée, qu’on doit rythmer en fonction du film, des talents qui se présentent, en s’attachant à une dynamique pour ne pas rester neutre mais marquer un peu le coup« , décrit Julien.

« Il faut jouer comme on le fait pour un défilé, envoyer au bon moment, on peut pas préparer un mix à l’avance en mélangeant Edith Piaf avec David Bowie ou Breakbot (artiste électro, ndlr), on se cale sur le speaker pour réagir », poursuit le boss de l’agence de Djs spécialisée dans le luxe et l’évènementiel qui fait vibrer le tapis rouge depuis trois éditions.

Duo de mélomanes

Ce Parisien a succombé au virus du son grâce à un père martiniquais « féru de musique », puis de son frère. « Encore étudiant, j’avais même pris un crédit pour acheter des platines. Mais là mon père m’a engueulé, j’ai dû tout ramener au magasin (rires) ». Devenu DJ pour les soirées privées de l’Alcazar à Paris, il s’est fait un carnet d’adresses. Et a décroché le contrat pour Cannes lors d’une soirée privée pour Canal+, ancien diffuseur de Cannes, où sa set-list « melting-pot » a fait mouche.

Parisienne de mère serbe, Léa est passée de la mélomane qui allait voir comment les DJs faisaient à celle qui fait tourner les platines. « J’aime bien les soirées privées dans les hôtels car il faut hameçonner les gens qui sont là pour boire un verre ». « Quand ça se dandine à 20h, c’est gagné ». 

Repérée par Julien pour sa culture musicale et son attention au public, elle partage son temps entre les platines et une activité d’éducatrice canin avec une associée. « J’aide les gens avec leurs animaux, agressifs par exemple. J’ai besoin de cette respiration« , déroule-t-elle. « Des clients pour les chiens me disent mais t’étais au Festival de Cannes, je ne comprends pas… (rires) ».

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