"Le traître" de Marco Bellocchio, quand un repenti fait plier la mafia : puissant, haletant

Le traître : c’est ainsi que la mafia sicilienne, Cosa Nostra, voit Tommaso Buscetta, dit Don Masino, depuis qu’il a décidé de collaborer avec la justice après avoir vu une partie de sa famille décimée par des clans rivaux. C’est à lui, le premier des grands « repentis » de la mafia, dont les dénonciations ont permis 366 arrestations de taille, que s’est intéressé Marco Bellocchio. Le traître (Il traditore), en salles le 30 octobre, a été sélectionné pour représenter l’Italie aux Oscars 2020.

Hommage au juge Falcone

Buscetta est une figure d’autant plus importante qu’elle est associée aussi au nom de Giovanni Falcone, le célèbre juge auquel il se lie d’amitié, et qui portera à la mafia, grâce à cette collaboration, un coup sérieux mais non définitif car il périra dans un attentat à la bombe à Capaci (sur l’autoroute près de Palerme) le 23 mai 1992. D’ailleurs en sa mémoire, Le traître (Il traditore en italien) sortait en salle en Italie le 23 mai dernier, jour anniversaire.

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Bellocchio s’empare avec ce film d’une trame historique et politique de premier intérêt. Il revient sur la période-clé des « maxi-procès » (ils étaient appelés ainsi) sur la mafia sans éluder les débats qui ont eu lieu autour d’eux. Avec les questions induites par la repentance : sa sincérité (par rapport à la justice) et les rapports du repenti avec sa « famille » d’avant.

Nostalgie de la mafia d’antan

« J’ai été et je reste un homme d’honneur. Ce sont eux qui ont trahi les idéaux de Cosa Nostra » dit le personnage dans le film. Avec sensibilité et à-propos, Bellocchio montre sa nostalgie d’une prétendue mafia idéale d’antan et désigne quand-même Buscetta comme un criminel, évitant ainsi qu’on l’accuse d’en faire un héros.

La description des procès, dans leur théâtralité, vaut également le détour. Ces moments censés être solennels, tournent à la foire. L’attitude de tous ces boss (petits et grands) de Cosa Nostra dans leurs box (leurs cages, faudrait-il dire) devient même cocasse : l’un d’eux se déshabille entièrement par protestation, tandis qu’un autre refuse d’éteindre son cigare et cite du Michel Butor !

Personnages ciselés

Bellocchio sculpte à merveille ses personnages et les acteurs le lui rendent bien. Pierfrancesco Favino (un grand comédien outre-Alpes malheureusement très peu connu hors de son pays) campe généreusement l’homme charismatique et bon vivant qu’est Buscetta. Fabrizio Ferracane endosse le rôle du parfait salaud, et Luigi Lo Cascio (bien plus reconnu à l’étranger que les précédents) est tordant en mafieux inintelligible au procès parce qu’il est incapable de parler autre chose que le dialecte sicilien…

Le traître est un film beau, puissant. Et haletant : l’action qui se déroule entre la Sicile, le Brésil (où l’homme s’est réfugié à plusieurs reprises avant d’être extradé) et Rome ne perd jamais son rythme, qui alterne les coups d’éclat (et de feu) et le drame. Mais sa facture reste très classique, avec une photographie soignée et ce qu’il faut de lyrisme, comme Bellocchio sait si bien le faire. En faisant même appel, quand il le faut, à de beaux airs d’opéra.

La Fiche

Genre : Biopic, Drame
Réalisateur : Marco Bellocchio
Acteurs : Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane, Luigi Lo Cascio 

Pays : Italie, France, Allemagne, Brésil
Durée : 2h25
Sortie : 30 octobre 2019
Distributeur : Ad Vitam
Synopsis
 : Au début des années 1980, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est à son comble. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, fuit son pays pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, en Italie, les règlements de comptes s’enchaînent, et les proches de Buscetta sont assassinés les uns après les autres. Arrêté par la police brésilienne puis extradé, Buscetta, prend une décision qui va changer l’histoire de la mafia : rencontrer le juge Falcone et trahir le serment fait à Cosa Nostra. 

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