Que ne ferait-on pas pour avoir un peu d’eau chaude surtout quand on est une mère célibataire qui élève, seule ou presque, son enfant de 8 ans ? La rencontre inopinée de Natacha (Alice Isaaz), une jeune Française sans le sou, et de Walid (Adam Bessa), jeune migrant irakien, offre une réponse originale et un point de départ au film de Thierry Binisti, Le Prix du passage, actuellement en salles ce mercredi 12 avril. Natacha décide ni plus ni moins, avec la complicité de Walid, de devenir passeuse.
Pas tout à fait comme les autres
De prime abord, Natacha ne diffère pas de toutes ces personnes qui profitent de la précarité dont souffrent les migrants qui essaient de rejoindre l’Angleterre, via Calais, en traversant la Manche. Si elle est outrée par les tarifs appliqués par les passeurs, elle comprend aussi très rapidement que cette activité pourrait être la solution à ces soucis financiers actuels, qui sont le prix de sa liberté à elle. Natacha ne veut pas dépendre de sa mère, prête pourtant à l’aider elle et son fils, Enzo.
La liberté, dont espère jouir Walid pour sa part, est celle de circuler et de donner ainsi une chance de se réaliser à ses rêves. A commencer par ne plus avoir sur le dos son passeur aux méthodes mafieuses et à qui il doit encore de l’argent. Avec son cousin Sami, ils attend impatiemment Ziad, le frère de Walid, qui apportera le reste de la somme dont ils ont besoin pour financer leur passage. Mais Sami est déjà au bout du rouleau. Il sera d’ailleurs le premier bénéficiaire du « petit » mais surtout très risqué business que montent Natacha et Walid. Ce dernier ne cesse de prévenir la jeune femme des dangers qu’elle encourt en se transformant en passeur. C’est pourtant le cadet de ses soucis : du haut de ses 25 printemps, Natacha a pour elle le courage que donne la désinvolture.
Le prix de la liberté
Révélations des César 2018, Alice Isaaz et Adam Bessa se donnent aujourd’hui la réplique dans une mise en scène fluide et une intrigue qui tient en haleine, l’air de rien, en jouant sur une véritable dichotomie. D’un côté, la caméra s’attarde sur les visages des protagonistes, leurs expressions et les postures de leurs corps souvent sous tension. De l’autre, en jouant la carte de la répétition, notamment pour les scènes autour de la traversée par le ferry, Thierry Binisti plonge le spectateur dans une sorte de léthargie dont il le réveille, à intervalle régulier, grâce au suspense inhérent au long métrage. Le cinéaste use aussi habilement de la photographie qui ponctue plusieurs scènes clés. La lumière rime alors avec délivrance.
En posant la question de la libre circulation des migrants, Le Prix du passage interroge celle de ceux qui l’ont de facto et ce qu’ils en font au final. Pour Natacha, paradoxalement, le voyage périlleux dans lequel elle s’engage avec ses passagers clandestins lui ouvre, à elle, de nouveaux horizons. La jeune femme doit repenser sa définition de la liberté, armée de la certitude que son enfant ne doit en aucun cas pâtir de sa légitime aspiration à voler des ses propres ailes. Thierry Binisti livre ainsi, tout en finesse, un portrait de femme où les apparences sont plus que trompeuses.