Lauréat des Grands Prix de la Création de la Ville de Paris en 2010, Julien Fournié a lancé sa marque en 2009. Il défile dans le calendrier officiel de la Fédération de la haute couture et de la mode, en tant que membre invité depuis 2011, et sous le label haute couture depuis 2017.
Rencontré dans son atelier parisien, à moins de quinze jours de l’événement, cet habitué des tapis rouges et du Festival de Cannes dévoile le nom des deux actrices qu’il habille pour cette 75e édition. Des révélations rares puisque les maisons gardent jalousement cette information jusqu’au moment de la montée des marches. Une rencontre sans langue de bois et riche d’anecdotes.
Franceinfo culture : quelle collection est destinée au Festival de Cannes ?
Julien Fournié : On ne crée pas pour Cannes. Ma maison fait deux collections de haute couture par an – présentées dans le cadre du calendrier de la Fédération de la haute couture et de la mode – qui s’inscrivent dans l’univers que je propose de saison en saison. Ce qui n’empêche pas que pour certaines personnalités, on peut aller chercher dans nos archives des modèles en adéquation avec leur recherche, leur morphologie ou leur souhait colorimétrique – elles n’ont pas toutes envies d’être habillées en super coloré, comme c’est le cas de ma dernière collection très colorfull et powerfull (ndlr : couture printemps-été 2022). Ainsi, de temps en temps, on peut ressortir une robe hollywoodienne réalisée il y a quatre ou cinq saisons car des clientes veulent s’inscrire dans mon univers et ont vraiment envie de porter une de mes robes.
Mais dès lors qu’un modèle a été vendu, on ne le ressort pas. Jamais ! On a un contrat moral avec nos clientes. Les modèles vendus ne ressortent plus en presse, sauf en cas d’énorme demande d’une star internationale, d’une comédienne engagée dans l’intelligentia – on parlerait d’une Nicole Kidman, d’une Audrey Fleurot. Si jamais elles voulaient un modèle, déjà vendu, alors nous contactons la cliente pour lui demander la permission de le faire… c’est elle qui va donner son feu vert ou pas.
Le choix du créateur peut être déterminant pour une actrice ?
C’est à elle de décider si elle veut s’inscrire dans une histoire ou être tendance. Celles qui viennent chez nous veulent y être à long terme. Elles veulent s’inscrire, créer une légende, raconter comme une Audrey Hepburn avec un Hubert de Givenchy, une Jeanne Moreau avec Pierre Cardin. A côté, il y a ces jeunes qui veulent être tendance : en portant une robe couture elles vont vouloir taguer Dior, Chanel… mais ce choix ne sera pas en adéquation avec ce qu’elles sont.
Qu’est-ce que je revendique en portant du Julien Fournié ?
Que je suis une femme émancipée, que j’assume mes formes… on sait très bien que j’aime mettre les seins, les hanches en avant. Elles savent qu’elles vont porter un vêtement qui est toujours un peu contraignant : mon style c’est d’être près du corps, c’est l’élongation des corps vers le haut. Elles seront dans le redressement d’elle-même et pas dans un style nonchalant ! Lors de la montée des marches, elles viennent chercher quelque chose qui va souligner cet instant et qui sera en adéquation avec leur imaginaire du moment.
Est-ce que vous refusez d’habiller certaines personnalités ?
Oui, on a déjà refusé car certaines jeunes femmes ne correspondaient pas à l’image que la maison Julien Fournié souhaitait véhiculer. C’est toujours moi qui décide qui on habille ou pas !
Qui habillez-vous à Cannes ?
En ce moment, on travaille avec Vanille Lehmann, une jeune fille qui va être dans le premier court-métrage de Deborah François (ndlr : pour la promotion talents Adami cinéma 2022). C’est la première fois qu’elle va monter les marches. Cette très belle fille a peur du fashion faux pas, donc elle s’est concentrée sur une robe noire bustier très simple.
2022 est-elle une année particulière en raison du contexte actuel ?
Plus de Canal+, plus de gros sponsors…. cette édition sera peut-être l’ouverture à une autre façon de réfléchir mais on sait très bien que l’image de Cannes est très mercantile.
Des anecdotes ?
Oui. L’actrice Frédérique Bel m’a fait un très beau cadeau : l’année ou je suis rentré dans le calendrier haute couture, elle a monté les marches de Cannes dans une robe jaune portée avec un petit chapeau rouge. Elle a fait toutes les covers (ndlr : couvertures) de tous les quotidiens avec ce modèle et, désormais, il y a une très belle photo de deux mètres sur deux mètres à l’entrée du Palais des Festivals. Et j’ai donc toujours une robe à la montée des marches !
Quand la chanteuse et actrice chinoise Li Yuchun, dite Chris Lee, a porté une robe noire immense en vinyle avec un grand décolleté en V, ce n’est pas compliqué dès qu’elle a mis la photo de mon modèle sur ses réseaux sociaux, en un quart d’heure j’ai eu 14 000 followers de plus. Oui, cela a un impact sur la maison !
Derniers conseils ?
Le plus compliqué à Cannes, c’est d’être soi-même, de capter l’attention sans en faire trop. Donc, Mesdames, choisissez la bonne robe en adéquation avec votre corps. N’oubliez pas que trop de coiffure tue la coiffure, trop de maquillage tue le maquillage et trop de parure tue le bijou. Tout est une histoire d’équilibre !
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