« La villa Ephrussi de Rothschild est un voyage en soi » pour son directeur

  • Inaugurée en 1912, la villa Ephrussi de Rothschild est une volonté de Béatrice Ephrussi de Rothschild, grande voyageuse, passionnée des arts, qui a hérité de la fortune de son père.
  • En plus d’une architecture exceptionnelle, d’une collection inédite qu’elle rassemble à l’intérieur du palais, elle fait construire des jardins uniques qui sont les souvenirs de ses voyages dans le monde entier.
  • La participation à l’émission est pour le directeur des lieux, une façon de mieux faire connaître cette villa des Français.

La villa et les jardins Ephrussi de Rothschild, situés sur la presqu’île de Saint-Jean-Cap-Ferrat, dans les Alpes-Maritimes, font partie des trois monuments de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur présélectionnés pour participer au Monument Préféré des Français.

Les internautes ont jusqu’au 27 mai pour voter sur le site de l’émission pour les faire concourir face à 13 autres monuments de France. A cette occasion, Bruno Henri Rousseau, directeur de l’endroit depuis neuf ans, retrace l’histoire de cette villa « patchwork », finalement plus connue par les étrangers que par les Français.

Bruno Henri Rousseau est le directeur des lieux depuis neuf ans

Dans quel contexte cette villa a-t-elle été construite ?

C’est Béatrice Ephrussi de Rothschild qui a voulu cette villa au début des années 1900. Les Rothschild étaient des personnes qui vivaient dans l’opulence et jamais très loin du monde des arts. A la mort de son père, elle hérite alors d’une fortune colossale et va l’employer à collectionner les œuvres d’art. Elle est aussi une grande voyageuse et aime s’imprégner des cultures et des atmosphères des endroits qu’elle visite. Après un voyage en Italie, elle décide alors de construire un palais aux influences italiennes.

Pourquoi à cet endroit précis ?

Si elle choisit le Cap-Ferrat, c’est parce que c’est propice à un hiver doux et c’est le seul territoire de la Côte d’Azur où il n’y a pas de vent. Et puis, il n’y avait que le roi des Belges qui y avait une habitation à ce moment-là, le reste n’était qu’un rocher avec de la végétation méditerranéenne. Elle voit alors dans cet isthme, l’emplacement idéal pour y construire sa villa. Elle fait exploser la roche, importe des tonnes de terre et bâtit sur ce terrain artificiel, un immense jardin avec, au centre, un gigantesque palais d’inspiration italienne qui résume son goût très éclectique. Dans cette architecture, on retrouve des influences romanes et gothiques. C’est la définition même d’une folie architecturale [ce terme désigne ces maisons très luxueuses construites à partir du XIXe siècle sur les côtes françaises et qui n’étaient pas forcément connectées à l’histoire locale], tant par les moyens employés que par ces goûts atypiques. C’est une villa patchwork.

Quelles sont les spécificités de ce lieu devenu emblématique ?

Les architectes emploient des méthodes de constructions innovantes, avant-gardistes, notamment en utilisant du fer. Béatrice de Rothschild veut aller vite. La villa sera d’ailleurs terminée en 1912, sept ans à peine après le début des travaux. Grâce à ces matériaux, elle va juxtaposer des éléments en stuc, en plâtre et les sculptures qui sont habituellement faites à la main sont alors des moulages. A l’intérieur, la propriétaire expose une collection abondante d’œuvres, qui illustre le goût Rothschild, c’est-à-dire, qui prend de chaque époque ce qu’on considère de plus beau. En plus de sa passion pour les œuvres, elle était aussi très attachée à tout ce qui pouvait la relier à une sorte de généalogie royale française. Elle possède alors du mobilier qui vient de Versailles et même de Louis XV et Louis XVI. Elle avait ce goût pour une certaine grandeur et pour une aspiration au meilleur.

Les jardins aussi sont assez exceptionnels…

Effectivement, ils ont été classés par National Geographic parmi les dix plus beaux jardins du monde entier. Ils ont été imaginés de la même façon que la villa, inspirés de ses voyages. Béatrice Ephrussi de Rothschild se découvre une passion pour la botanique à 22 ans, lors d’un voyage à bord d’un yacht nommé « Ile-de-France », d’où le surnom donné également à ce lieu. Elle va alors planter dans ce jardin, comme souvenirs, ce qu’elle a pris des différents pays visités. On retrouve des atmosphères d’Espagne, d’Italie, d’Asie et même de Provence, en plus de la grandeur et de la structure des jardins à la française. C’est le cœur du lieu, avec un caractère festif et élégant, où se déroulent d’ailleurs, toutes les réceptions privées.

Quelle est la vocation de ce lieu aujourd’hui ?

Avant d’être un musée, c’est d’abord une maison avec l’âme d’une personne qui avait une passion pour les arts. Sans enfant, elle a voulu transmettre tout cet amour pour la beauté en général en léguant sa villa à l’Académie des Beaux-Arts à sa mort. Elle a alors donné accès à un patrimoine à découvrir au grand public [200.000 visiteurs par an avant Covid-19]. On propose aujourd’hui, à travers un parcours, de retracer son histoire pour essayer de la comprendre. Et on garde tout de même un côté élitiste via les réceptions privées [30 à 40 chaque année] car c’est l’essence même de cette villa, qui a reçu les plus grands noms à l’époque.

On est aussi passé par une réflexion inédite à propos de sa restauration et sa conservation. Le fer s’érode avec l’air marin et a perdu de sa matière de 30 à 40 %, ce qui est très grave pour la solidité de l’édifice. De cette construction atypique, on ne savait pas comment s’y prendre. On s’est alors entouré d’architectes, de spécialistes, des responsables de monuments historiques pour préserver la pérennité du lieu et faire en sorte que le rêve continue.

Quels sentiments ressentez-vous à l’idée de participer à l’émission de France 3 ?

Pour son aspect spectaculaire, sa construction qui est le symbole d’un savoir-faire exceptionnel, la villa et les jardins sont des monuments qui sont plus connus à l’étranger qu’en France. Pour les étrangers, c’est un morceau du génie français. L’émission est alors une occasion formidable de mieux faire connaître cette œuvre aux Français. Et elle a toutes les chances de gagner parce qu’elle rassemble en une seule unité de temps et de lieu, la folie des jardins, l’amour de l’histoire de l’art et une architecture particulière, tout en restant dans la continuité des grands palais européens. Cette villa est un voyage en soi.

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