Depuis son premier film commercial, David Cronenberg ne cesse de développer ses thèmes de prédilection que sont le sexe et l’organique. Les Crimes du futur, en salle mercredi 25 mai dans la foulée de sa première mondiale à Cannes mardi, peut être envisagé comme l’aboutissement des obsessions cinématographiques du réalisateur canadien.
L’horreur viscérale comme un des beaux-arts
Dans un monde en déliquescence, des individus développent des mutations en créant spontanément de nouveaux organes internes. Saul Tenser est l’un d’eux. Avec sa partenaire Caprice, ils se produisent lors de performances où il se fait extraire ces excroissances organiques pour en faire des œuvres d’art. Alors que l’embryonnaire Bureau du Registre National des Organes cherche à en faire leur vitrine, un concurrent vient de franchir une nouvelle étape qui pourrait s’avérer un tremplin pour l’avenir de l’humanité.
Les Crimes du futur reprend le titre d’un des premiers longs métrages expérimentaux de David Cronenberg (Crimes of the Future, 1970). Le film est dans l’exacte continuité de toute son œuvre, mais surtout de Videodrome (1983), véritable manifeste de son cinéma depuis Frissons (1975), avec le thème de la « nouvelle chair » qui contamine tous ses films. Attaché depuis ses débuts à une horreur viscérale et graphique, Cronenberg a toujours prôné le genre comme un choix esthétique assumée.
Néo-gothique
Si Cronenberg voit dans William S. Burroughs, J. G. Ballard et Vladimir Nabokov ses sources littéraires majeures, Frankenstein de Mary Shelley (1818) en est la quintessence. Cette « nouvelle chair » qu’il décline dans ses films n’est-elle pas la forme renouvelée de l’être parfait que veut créer le savant démiurge à l’aube du romantisme, et dont le roman gothique est alors le fer de lance ? Une référence que l’on perçoit dans les décors des Crimes du futur, comme la bâtisse où vivent Saul et Caprice, qui évoque le Frankenstein de 1931 de James Whale. Le roman gothique se retrouve aussi dans le capuchon noir dont est revêtue le mutant Saul, référence au Moine de M. G. Lewis (1796).
Cette esthétique néo-gothique est aussi teintée de « biomécanique », concept inventé par le peintre, illustrateur et designer H. R. Giger, le créateur d’Alien. Ces références, que d’aucuns jugeraient passéistes, sont en fait d’une modernité dont Cronenberg se sert pour parler de l’avenir. Le cinéaste parle de Body Art en citant l’artiste corporel contemporaine Orlan, et il interroge les recherches autour d’une « humanité améliorée » qui occupe tout le monde scientifique. Crimes of the future prend le contrepied du titre de l’ouvrage de Jean-Louis Brau (Cours, cours, camarade, le passé est derrière toi) en le détournant : cours, cours, camarade, le futur est derrière toi.
La fiche
Genre : Science-fiction
Réalisateur : David Cronenberg
Acteurs : Viggo Mortensen, Léa Seydoux, Kristen Stewart, Scott Speedman
Pays : Canada / Grèce / France / Royaume-Uni
Durée : 1h47
Sortie : 25 mai 2022
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Synopsis : Alors que l’espèce humaine s’adapte à un environnement de synthèse, le corps humain est l’objet de transformations et de mutations nouvelles. Avec la complicité de sa partenaire Caprice, Saul Tenser, célèbre artiste performer, met en scène la métamorphose de ses organes dans des spectacles d’avant-garde. Timlin, une enquêtrice du Bureau du Registre National des Organes, suit de près leurs pratiques. C’est alors qu’un groupe mystérieux se manifeste : ils veulent profiter de la notoriété de Saul pour révéler au monde la prochaine étape de l’évolution humaine…
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