Envoyé Spécial : le témoignage poignant de deux jeunes Saoudiennes en fuite.

Une journaliste d’Envoyé Spécial a rencontré Dua et Dalal, deux jeunes Saoudiennes cachées en Turquie depuis six mois pour échapper à leur famille et aux autorités de leur pays. Face caméra, dans un documentaire diffusé le 13 février sur France 2, elles expliquent très simplement les raisons de leur fuite. 

Le 3 juin 2019, deux Saoudiennes, Dua, 22 ans et sa soeur Dalal, 21 ans, ont décidé d’échappé à "la loi du gardien". En vacances à Istanbul avec leur famille, elles ont profité d’un moment d’inattention de leur père pour quitter leur chambre d’hôtel et se perdre dans le dédale des rues de la capitale Turque. Parties sans rien, ni argent ni change, elles attendent depuis six mois que leur demande d’asile soit favorablement accueillie pour pouvoir entamer une vie libre dans un autre pays. Via les réseaux sociaux, elles ont raconté leur détresse et pris le monde à témoin de leur situation. Trois semaines après le début de leur cavale, elles ont accepté de rencontrer une journaliste de France 2 à Istanbul, où elles se cachent toujours. Le récit de leur escapade et plus encore de leur quotidien de femme dans le royaume saoudien, est à la fois terrible et sidérant. Elles expliquent ainsi qu’elles vivaient, depuis leur naissance sous le joug de leur père et auraient dû logiquement passer sous celui de leur futur mari, imposé par leur propre père.

"Notre père allait me forcer à me marier" – Dua

C’est cela, "la loi du gardien", un patriarcat imposé aux femmes de leur naissance à leur mort. "Ce qui nous a poussées à partir c’est que notre père voulait nous marier de force à des hommes beaucoup plus âgés" raconte Dalal. "Depuis mes 18 ans, j’avais réussi à trouvé des prétextes pour ne pas qu’il me marie mais à 22 ans, j’étais devenue une "vieille fille" et mon père pouvait me forcer à me marier" complète Dua. "Nous avions l’interdiction de sortir seules dans la rue et l’obligation de porter l’abaya (vêtement qui recouvre l’intégralité du corps à l’exception du visage ndlr). Notre mère nous frappait si nous ne la portions pas" explique Dalal. Un contrôle qui emprunte même des moyens modernes puisqu’une application, sur les portables des pères/maris/frères et également sur celui des filles/femmes/soeurs  permet aux premiers d’être notifiés quand les secondes font un déplacement, achètent un billet d’avion ou se présentent dans un aéroport…

"Il faut qu’on se sauve maintenant, c’est ça ou mourir" – Dalal

Sans aucune perspective autre que de passer de l’autoritarisme d’un père à celui d’un mari qu’on aurait choisi pour elles, les filles ont donc décidé de s’enfuir. L’idée mûrit pendant cinq ans, Dua ne fait pas moins de 7 tentatives de suicide dans l’intervalle. Finalement, une opportunité se présentent enfin. Des vacances en famille à Istanbul. Elles décident d’attendre d’arriver sur place pour récupérer en douce leur passeport (précieusement gardé par leur père) et de partir en Angleterre. Mais le jour dit, le plan tombe à l’eau : leur plan est dénoncé par une amie à qui elles s’étaient confiées. "Il nous a enfermées à l’hôtel, confisqué notre argent et nos passeports. Je me suis dit "il va nous renvoyer en Arabie Saoudite et on sera enfermées pour toujours" raconte Dua. "J’étais complètement paniquée. Je me suis dit il faut qu’on se sauve maintenant, c’est ça ou mourir" poursuit Dalal.

"J’ai dit à Dalal de prendre ses chaussures et on s’est mises à courir" – Dua

"On était toutes les deux sur le lit. A un moment mon père est parti aux toilettes, j’ai dit à Dalal de prendre ses chaussures, j’ai pris mon portable et un chargeur, rien d’autre, et on s’est mises à courir" raconte Dua. Seules, dans cette ville où elles ne connaissent personnes, sans argent, elles finissent par trouver de l’aide auprès de saoudiens rencontres par hasard, qui leur conseillent de médiatiser leu histoire sur les réseaux sociaux pour se protéger d’éventuelles représailles des autorités saoudiennes. Ce qu’elles font. Bientôt contactées par un avocat anglais qui dépose une demande d’asile en son nom, elles attendent toujours que la Turquie valide leur transfert éventuel dans un autre pays. Leur père, et les mercenaires qu’il a engagés pour les retrouver, leur fait toujours peur. Elles changent d’hôtel tous les trois jours et ne sortent que pour s’alimenter. Sur son compte twitter, l’avocat Toby Cadman donnait encore fin décembre des nouvelles rassurantes des deux soeurs qui ne donnaient par ailleurs plus de nouvelles sur les réseaux sociaux. "Mon rêve, c’était de m’enfuir d’Arabie Saoudite et on y est arrivées. Le reste, j’espère qu’on y arrivera" déclarait Dua en fin d’année.

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