Des films réalisés par des Iraniennes et les mettant en scène se sont retrouvés ce week-end sous les feux de la rampe au festival de Sundance, au moment où les cinéastes de la diaspora suivent de près la contestation et les conséquences meurtrières de la résistance dans leur pays d’origine.
Des films engagés
Les premières mondiales de Joonam, un documentaire sur une famille composée de trois générations de femmes iraniennes vivant aujourd’hui dans l’Etat américain du Vermont, et de The Persian Version, une comédie dramatique haute en couleur qui passe de l’Iran à New York sur plusieurs décennies, ont eu lieu samedi 21 janvier. Shayda, film dramatique réalisé par Noora Niasari sur une Iranienne fuyant son mari violent en Australie, avait fait ses débuts plus tôt à Sundance, prestigieux festival indépendant organisé dans l’Utah.
Leur inclusion dans le programme intervient après quatre mois de manifestations en Iran, déclenchées par la mort de Mahsa Amini, 22 ans. La jeune femme avait été arrêtée par la police des mœurs pour infraction au strict code vestimentaire imposé aux femmes dans la République islamique. Au moins 481 personnes ont été tuées dans la répression et au moins 109 autres risquent la peine capitale en lien avec la contestation. Quatre personnes ont par ailleurs déjà été exécutées, selon l’ONG Iran Human Rights.
« Les manifestants risquent littéralement leur vie (…). Je les soutiens à 100%« , a dit la réalisatrice de Joonam, Sierra Urich. « On ne peut pas parler librement en Iran, ils mettent en prison les cinéastes et les artistes« , a-t-elle dit à l’AFP. « Je peux parler librement en dehors de l’Iran – jusqu’à un certain point« . Les autorités iraniennes ont arrêté plusieurs noms connus de l’industrie cinématographique du pays. Le célèbre réalisateur Jafar Panahi, condamné il y a des années pour « propagande contre le régime », est en détention depuis six mois.
En Iran « le cinéaste est celui qui se retrouve pendu »
Sierra Urich, née aux Etats-Unis, ne peut pas se rendre en Iran pour des raisons de sécurité. Son film raconte ses tentatives d’établir une connexion avec le pays et de mieux le comprendre, en apprenant le farsi et en interviewant sa mère et sa grand-mère. Elle apprend le meurtre d’un ancêtre ainsi que l’histoire de sa grand-mère, mariée à 14 ans à un homme rencontré avant même sa puberté. Si sa grand-mère n’a pas de problème à se replonger dans ses souvenirs, sa mère, elle, s’inquiète, jugeant « très dangereux » de retracer le passé de la famille dans un film, avertissant sa fille qu’en Iran, « le cinéaste est celui qui se retrouve pendu« .
« En venant à Sundance, le film est sur la scène mondiale. Je pense que les Iraniens se demandent toujours à quel point ils vont dire la vérité« , parce que ce qu’ils disent peut avoir « des conséquences pour les gens là-bas« , a dit Sierra Urich. « Ce n’est que quand ma grand-mère a révélé l’histoire du martyre de son grand-père que j’ai vraiment compris ce mur de peur construit par le régime autoritaire, pour tant de personnes en Iran, en dehors de l’Iran. Ma mère essayait de me protéger de cette réalité« .
Les femmes au cœur de la lutte
Dans The Persian Version, Leila, une jeune Américaine rebelle d’origine iranienne campée par Layla Mohammadi a une relation difficile avec sa mère, en raison de la sexualité de Leila et de leurs opinions apparemment différentes sur le rôle des femmes. Mais lorsqu’elle apprend la vérité sur la vie de ses parents en Iran et leur départ du pays, la perspective des deux femmes sur leur héritage complexe évolue.
« Je suis fière d’avoir un film iranien ici aujourd’hui sur les femmes« , a dit la réalisatrice Maryam Keshavarz lors de la première du film, pendant laquelle des acteurs ont porté des badges aux couleurs du drapeau iranien barrés du slogan emblématique « Femme Vie Liberté ». « Je crois que ça en dit long sur la résilience en cours depuis des dizaines d’années, pas juste maintenant. Ça se prépare depuis longtemps« , a-t-elle ajouté.
« Même avant ce régime, les femmes ont toujours lutté contre la société pour ce qu’elles voulaient. Elles ont bouleversé les normes et appris à trouver leur manière d’être libres« . Maryam Keshavarz n’a pas pu retourner en Iran depuis la sortie de son premier film En secret, sur l’histoire d’amour entre deux adolescentes iraniennes. Sierra Urich espère toujours pouvoir se rendre un jour en Iran. Elle observe les manifestations de loin et espère que son film sera « une petite partie de cette lutte pour la liberté« .
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