- Georges Pernoud, l’ancien présentateur du magazine de la mer Thalassa, est décédé à l’âge de 73 ans.
- En Bretagne, où il tournait toutes ses émissions en direct depuis des années, il laisse l’empreinte d’un homme profondément humain.
- Si certains navigateurs l’ont parfois critiqué par le passé, beaucoup reconnaissent qu’il a beaucoup contribué à la médiatisation de leur sport.
« Ces quarante-deux années passées à bord de Thalassa ont d’abord été pour moi un immense plaisir. C’est avec une très grande émotion et de tout cœur que je vous souhaite à toutes et à tous : bon vent ! ». Ces mots sont les derniers de Georges Pernoud à la tête de son émission phare. L’emblématique présentateur de Thalassa,
décédé ce week-end à 73 ans, les avait prononcés sur la plage du Sillon, à
Saint-Malo. Un lieu qu’il connaissait bien et qu’il affectionnait particulièrement. Il y venait au moins tous les quatre ans, pour assister au départ de la Route du Rhum. Une course au large qu’il a largement contribué à rendre populaire, au point de voir des centaines de milliers de visiteurs déferler tous les quatre ans sur les pontons de la cité corsaire. « Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour notre sport. Georges était quelqu’un qui ne se prenait pas au sérieux. Il restait accessible, il savait expliquer de manière simple », se souvient Matthieu Sarrot, directeur de la Route du Rhum de 2006 à 2018.
En Bretagne, bon nombre de navigateurs et de professionnels de la pêche savent qu’ils viennent de perdre leur meilleur ambassadeur, emporté par une longue maladie un froid jour de janvier. A la tête de l’émission pendant près de quarante ans, Georges Pernoud a emmené toute une génération dans des voyages au bout du monde. Mais il aura aussi largement contribué à valoriser la Bretagne, où il avait décidé de tourner en direct toutes ses dernières émissions, au pied du phare de la Pointe Saint-Mathieu (Finistère).
« Il n’a jamais été une star. Il était très simple »
« Georges était quelqu’un de profondément humain. Il avait une bienveillance naturelle envers les gens. Il nous a toujours demandé de privilégier les rencontres, quitte à prendre le temps », se souvient Jean Loiseau. Le maire de l’île d’Arz (Morbihan) a passé trente ans comme rédacteur en chef de Thalassa. En plus de reportages inoubliables aux quatre coins du monde, il retient la profonde humilité du présentateur emblématique de France 3. « C’était un ancien cameraman. Il avait de l’exigence pour la qualité des images. Mais il n’a jamais été une star. Il était très simple, il attachait beaucoup d’importance aux gens ».
L’humilité affichée par l’ancien présentateur de Thalassa lui provient peut-être de ses origines. Né à Rabat (Maroc) en 1947, Georges Pernoud a toujours revendiqué son amour pour la montagne, affichant son affection pour la Savoie, lui qui passait ses vacances en Dordogne. « Il n’a jamais prétendu être un marin. Et c’est pour cela qu’il parlait si bien de la mer. Il voulait que le grand public comprenne. Il nous interdisait d’utiliser des termes trop techniques », poursuit Jean Loiseau. Le monde un peu fermé de la voile l’a parfois critiqué pour cela, lui reprochant de ne pas assez parler des courses. Pernoud le faisait mais se plaisait aussi à parler des hommes et des femmes qui vivaient par ou pour la mer. « La France n’a pas de culture maritime. On a de grands marins mais on n’a pas de grands bateaux parce qu’on a tout brûlé. Thalassa a parlé de ces bateaux de tradition, des gens qui naviguaient dessus. Il a fait beaucoup de bien à la mer », lance le navigateur malouin Bob Escoffier. En 2004, c’est lui qui avait skippé le Marité, un morutier sur lequel l’émission avait réalisé un improbable tour des ports de France. « Dès qu’on arrivait quelque part, tout le monde voulait voir Pernoud », s’amuse le navigateur.
« C’était quelqu’un d’un peu solitaire, qui aimait sa liberté »
Pour beaucoup, la diffusion de Thalassa restera comme un marqueur des vendredis soirs passés devant la télé. Certains en ont même tiré leur amour de la mer, rêvant de naviguer un jour sur ces mers rarement explorées. « Cette émission, elle parlait à tout le monde. Elle offrait la mer à toute la France. Quand on n’était pas au bord de la mer, Thalassa, c’était notre douzaine d’huîtres, notre dose d’iode quand ça nous manquait », résume le navigateur de Cancale Gilles Lamiré. « Je ne manquais jamais une émission. Quand je ne pouvais pas la regarder, je l’enregistrais avec mon magnétoscope », se souvient Claude Renoult. En 2017, l’ancien maire de Saint-Malo avait remis à Pernoud la médaille de la ville, lui qui y avait consacré une soixantaine de sujets au cours de sa carrière. « C’était quelqu’un d’un peu solitaire, qui aimait sa liberté. Il ne se laissait pas embarquer là où il ne voulait pas aller », poursuit l’ancien maire.
Des qualités affirmées qui ont également marqué l’ancien directeur de la Route du Rhum. « Je me souviens quand il avait décidé d’amarrer un trimaran à moteur avec Kersauson (l’Océan Alchemist) pour faire des images de la course en pleine mer en 1998. Il s’est fait moquer par les Guignols, mais son pari était osé ! », rappelle Matthieu Sarrot. Malgré des galères, la France découvrira pour la première fois des images de voiliers de course en pleine mer. Plus de vingt ans plus tard, les skippers embarqués dans le Vendée Globe sont joignables par WhatsApp à tout moment et envoient eux-mêmes leurs images tournées à bord. « Cette évolution technique et cette médiatisation ont révolutionné la course au large », reconnaît Gilles Lamiré. Et Georges Pernoud n’y est sans doute pas étranger.
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