Comment choisir les dessins animés pour les 3-6 ans quand on est parents ?

  • La production de séries d’animation pour enfant a le vent en poupe et les programmes se multiplient aussi bien à la télévision que sur les plateformes.
  • Comment s’y retrouver et faire le tri dans cette jungle de la programmation jeunesse, 20 Minutes vous donne quelques pistes.
  • Les séries animées ne doivent pas servir de baby sitter et les parents doivent apprendre à partager les premières émotions télévisuelles de leur enfant.

En 2022, plus de 10.000 heures de programmes d’animation jeunesse ont été diffusées sur les chaînes de télévision nationales. Sans compter Netflix, Disney +, les chaînes YouTube dédiées ou encore, depuis quelques mois, les Fast TV visibles uniquement sur internet. Mais tous ces programmes ne sont pas forcément adaptés aux touts petits. Alors comment s’y retrouver dans le maquis des images animés ? Quels rôles peuvent avoir les parents pour aider leur enfant à appréhender ce nouveau monde ? 20 Minutes tente de vous donner quelques repères.

Le premier conseil est bien sûr d’attendre qu’il ait 3 ans pour l’installer devant la télé. Imaginés en 2008 par le psychiatre Serge Tisseron, les repères 3-6-9-12 ans pour l’exposition aux différents écrans (télé, jeux vidéo, ordinateur) restent en vigueur. Et de 3 à 6 ans, « pas plus de 30 à 40 minutes par jour », conseille le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), « afin d’éviter les troubles du sommeil, de la vue ou de la concentration ».

Programme adapté à la tranche d’âge

« Avant 3 ans, il est préférable de jouer avec son enfant et de lui lire des histoires pour favoriser son développement », préconise Serge Tisseron. Mais ensuite ?  « La première chose à faire est de vérifier que le programme est adapté à la tranche d’âge », explique l’auteur, notamment, d’Apprivoiser les écrans et grandir (Editions Erès).

Certaines plateformes de replay comme Okoo (France Télévisions) indiquent les âges minimum. D’autres non. Chez TF1, un projet de plateforme avec un tri par âge serait en préparation. « Certaines chaînes diffusent du 4-10 ans, or c’est une catégorie trop large. La complexité du message est perçue différemment à 4 ans ou à 10 ans », estime Pierre Le Pivain, directeur pédagogique à Rubika, une école de formation à l’audiovisuelle de Valenciennes, dans le Nord.

« Pour les touts petits, ce genre de dessin animé, c’est comme du papier peint en mouvement », ironise encore François Sikic, coordonnateur pédagoqique à l’Ecole internationale de manga et d’animation (Eima) de Toulouse. Mais cette catégorie des 4-10 est la règle aux Etats-Unis ou au Japon. Et comme la production est largement plus importante dans ces deux pays…

« Une leçon de vie vécue à distance »

Alors, mieux vaut regarder avec son enfant pour vérifier. Mais vérifier quoi ? « Par exemple que le personnage n’arrive pas subitement de face car ça fait peur et ça coupe la concentration chez le petit enfant », explique la psychologue Geneviève Djénati, auteur, il y a vingt ans, de Psychanalyse des dessins animés (Editions l’Archipel).

Des histoires de 6 à 7 minutes, un fond sonore doux, pas trop de personnages et pas d’actions successives. Un enfant en maternelle ne comprend pas ce qu’est un flash-back, par exemple. « L’histoire doit bien se terminer et résoudre la problématique de départ, même si le ton peut paraître « cul cul la praline » pour les parents, renchérit Geneviève Djenati. Un dessin animé doit être une leçon de vie vécue à distance pour les enfants. »

Une fois qu’on a dit ça, il reste à trouver les perles rares car la profusion d’offres, assez inégales par ailleurs, oblige aujourd’hui les parents à sélectionner, à jouer les référents culturels. Le site filmspourenfants.net permet d’effectuer une première sélection. Pour l’âge de 3 ans, par exemple, une centaine de références y sont répertoriées.

« Se mettre au niveau de l’imaginaire de l’enfant »

Pour Pierre Le Pivain, également illustrateur, la problématique est de « trouver des récits simples, mais pas simplistes ». « La simplicité, c’est se mettre au niveau de l’imaginaire de l’enfant pour répondre à ses besoins et ses envies, sans simplifier son mode de pensée », explique-t-il à 20 Minutes.

Son homologue toulousain, François Sikic, va même plus loin en critiquant des séries très populaires comme Peppa Pig ou L’âne Trotro. « La narration est très pauvre et la profondeur des personnages nulle, dénonce-t-il. Alors que certains enjeux psychologiques peuvent être accessibles aux 3-6 ans. Mais, hélas, cette tranche d’âge intéresse peu les professionnels du scénario ». Alors tant que ça fonctionne…

D’autant que, parfois, l’histoire importe peu. La grande réussite d’une série animée comme Molang réside dans « sa capacité à illustrer les routines du quotidien des enfants en utilisant la forme graphique bienveillante du Kawaii », témoigne Pierre Le Pivain. Mais, selon lui, « il n’existe heureusement pas de recette miracle pour réaliser une bonne animation ».

« Les séries animées ne doivent pas servir de baby sitter »

« Il faut prendre le temps de regarder avec lui pour voir ce qu’il aime et chercher ce qui existe dans le même registre pour essayer aller plus loin », suggère-t-il. François Sikic prodigue un autre conseil pour stimuler la curiosité naturelle chez l’enfant : « Sur Netflix, par exemple, il existe de très beaux courts-métrages réalisés à la craie ou à la gouache qu’il ne faut pas hésiter à regarder en famille ».

Tous s’accordent sur un principe, résumé par Geneviève Djénati : « Les séries animées ne doivent pas servir de baby sitter ». Ce visionnage en famille permet aussi d’éviter le piège de certaines vidéos sur YouTube, entrecoupées par des influenceurs ou pire. « On peut tomber sur une vidéo piratée où au milieu se trouvent des images totalement inadaptées », prévient Serge Tisseron.

La violence en question

Reste enfin la question de la violence. Une étude parue en novembre 2022, réalisée par l’Université de Montréal, au Québec et menée pendant dix ans sur 2.000 enfants, tend à montrer que l’exposition des filles et des garçons d’âge préscolaire (en maternelle) à des dessins animés violents à l’écran est associée à des risques de difficultés psychologiques et scolaires à l’adolescence.

Les auteurs de l’étude ont observé des taux de réussite scolaire moindres, de l’anxiété et des troubles du comportement. Ils avancent une hypothèse : les enfants, qui, avant 6 ans, ne distinguent pas la réalité de la fiction ; apprennent à concevoir le monde comme étant hostile, alors ils sont sur la défensive.

Mieux vaut donc surveiller les premières images. Car partager un dessin animé avec son gamin, c’est aussi se replonger en enfance. Et quel parent n’a jamais eu envie de montrer une série qui a bercé sa propre jeunesse ?

Okoo-Koo sur les pas du Club Dorothée ?

Elle semble loin l’époque où les enfants avaient leur émission dédiée à la télévision, genre Club Dorothée, avec des horaires fixes et des dessins animés qui défilaient. Pourtant, France Télévisions a ressuscité le principe, l’an dernier, avec Okoo-Koo, chaque mercredi, sur France 4. A partir du 4 septembre, l’émission devient quotidienne de 17 h à 18h30 et toujours le mercredi après-midi. « Le seul modèle à la demande n’est pas suffisant pour les publics jeunesse, estime Pierre Siracusa, directeur des programmes jeunesse sur France Télévisions. Il suffirait de transposer ce modèle à l’alimentation pour en voir les dégâts immédiats. »

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