"Arnold et Willy" : “Faut de tout pour faire un monde !”

Cette série télévisée vibrante d’humanité et d’humour a fait les beaux jours des années 80, transcendant tous les stéréotypes et les clivages de différenciation sociale, physique et raciale…

S’il est une série télévisée qui ne fut jamais aussi désopilante que lorsqu’elle s’arrogeait et retournait les codes du racisme ordinaire et de la différence physique et sociale, c’est bien Arnold et Willy, qui mit à rude épreuve les zygomatiques des téléspectateurs au début des années 80. Clichés de classe, différences sociales et physiques étaient passés au crible d’une dérision étincelante et, surtout, on voyait enfin des Noirs et des Blancs qui vivaient côte à côte. À l’époque déjà, le rire fédérateur reposait bien sur des ressorts de différenciation et de stéréotypes distinctifs. Un « rire ensemble » qui prit racine dans l’émergence eighties des mouvements antiracistes dans lequel on décèle la trace d’une culture post-raciale à l’américaine. Une série avant-gardiste qui s’inscrit dans le genre des « black sitcoms », populaire aux États-Unis depuis les années 70, qui met en scène le quotidien au sein de familles noires, contribuant ainsi à leur intégration dans la société. Une comédie de situation qui eut, pour l’époque, le mérite d’élargir le spectre, d’amplifier la mixité sociale et d’origine, mais aussi les brassages possibles avec les autres altérités : physique, générationnelle, de milieu socioprofessionnel.

Ode à la différence

©Retna UK/Starface

L’histoire : À New York, le veuf milliardaire Phillip Drummond (Conrad Bain) a promis à sa gouvernante, mourante, de s’occuper de ses deux fils. C’est ainsi qu’il accueille deux garçons noirs et pauvres : le jeune Arnold, 8 ans, et son frère Willy, 13 ans, qui ont grandi dans le quartier défavorisé de Harlem. Arnold et Willy se retrouvent donc dans un luxueux appartement à Manhattan avec la fille de monsieur Drummond, Virginia, âgée de 13 ans, et une femme de ménage drôle et enjouée, Madame Garret.

À partir de cette formidable idée, la série gambille sur une multitude de petites saynètes désopilantes. Le changement de statut social et le choc des cultures déroutant pour les deux enfants constituent le terreau de ressorts comiques qui font mouche à tous les coups avec des situations drolatiques, des dialogues piquants, des gags alésés au micromètre et une troupe tout en étincelles. Chaque épisode se termine sur une jolie morale et ode à la différence.

Timbale comique

Avec ses 189 épisodes de 25 minutes au compteur, Arnold et Willy (Diff’rent Strokes, aux États-Unis) créée par Bernie Kukoff, Jeff Harris et Herbert Kenwith, diffusée entre le 3 novembre 1978 et le 4 mai 1985 sur le réseau NBC, et du 27 septembre 1985 au 7 mars 1986 sur celui d’ABC, puis en France d’octobre 1982 à mai 1986 sur TF1, creva tous les plafonds d’audience et fit rire aux éclats les téléspectateurs qui s’attachèrent rapidement aux personnages, surtout à celui de Gary Coleman, ce bout de gamin espiègle de 1,42 m et sa phrase culte : « Mais qu’est-ce que tu me racontes là, Willy ?« 

À la fin de la saison 7, Gary Coleman (Arnold) a souhaité arrêter Arnold et Willy. La série a finalement été reconduite, mais sur ABC. Le décor de l’appartement a alors fait l’objet d’une réfection, ainsi que le générique. Sam, le fils de la nouvelle femme de Phillip Drummond, a remplacé Willy. L’année suivante, Arnold et Willy tirait définitivement sa révérence. Elle laissa le souvenir d’une série où le souffle généreux de l’humain déchirait le costume de raison du racisme, bousculait les idées reçues, pour faire place à la tolérance.

Une série maudite

Arnold et Willy est aussi connue pour le destin tragique rencontré par ses trois protagonistes : Gary Coleman (Arnold), Todd Bridges (Willy) et Dana Plato (Virginia). Après un procès contre ses parents adoptifs qui auraient dépensé une partie de son argent, Gary Coleman fut condamné pour coups et blessures sur une fan qui demandait un autographe et se retrouvera ruiné. Il a également reconnu avoir commis des actes de violence sur son épouse Shannon. Ne parvenant plus à obtenir de rôles à la télévision, il a dû travailler comme gardien de parking à Hollywood. Sa vie s’est terminée tragiquement, puisqu’il est décédé le 28 mai 2010 à l’âge de 42 ans, des suites d’une hémorragie cérébrale consécutive à un accident domestique. De son côté, Todd Bridges plongea dans la drogue et la délinquance, et fit un séjour en prison – soupçonné d’avoir causé la mort d’un dealer – avant d’être innocenté. En 1993, il a poignardé l’un de ses colocataires, mais les poursuites ont été abandonnées, l’enquête dévoilant qu’il était en position de légitime défense. Un chemin de croix qu’il a raconté dans une autobiographie : Killing Willis. Enfin, Dana Plato fut arrêtée pour vol à main armée et utilisation de stupéfiants. Elle a posé nue pour le magazine Playboy et a tourné dans un film érotique avant de se suicider le 8 mai 1999 à l’âge de 34 ans par overdose.

5 anecdotes

  • Le titre original de la série vient de l’expression américaine different strokes for different folks, l’équivalent en français de « tous les goûts sont dans la nature« .
  • Gary Coleman gagnait environ 100 000 dollars par épisode tourné, faisant de lui l’un des acteurs les mieux payés de son temps.
  • De nombreuses célébrités sont apparues dans certains épisodes : le boxeur Mohamed Ali ; Nancy Reagan (l’épouse du président américain de l’époque) ; David Hasselhoff, le héros de la série K 2000 ; Soleil Moon Frye, l’actrice de la série Punky Brewster ; la chanteuse Janet Jackson et l’acteur Mister T. de L’Agence tous risques.
  • En 1984, sa grossesse a forcé Dana Plato à quitter la série. Il était en effet inconcevable que son personnage (Virginia) fût enceinte. Elle est toutefois réapparue dans quatre épisodes après la naissance de son fils. 
  • Gary Coleman a interprété son rôle d’Arnold occasionnellement dans d’autres séries : Ricky ou la Belle Vie (Silver Spoons) et Le Prince de Bel-Air.

Dominique PARRAVANO

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