Ariane Ascaride, meilleure interprète à Venise, dédie son prix aux migrants morts en mer

« Je suis petite-fille d’émigrés italiens, qui sont partis pour chercher une vie meilleure et fuir la misère », a raconté en italien Ariane Ascaride, émue, en recevant samedi soir la coupe Volpi de la meilleure interprète à la Mostra de Venise pour son rôle de mère courage dans Gloria Mundi de Robert Guéduian, son mari, avec qui elle a travaillé sur vingt films depuis les années 1980.

C’est un prix qui lui donne « la possibilité de retrouver ses racines », a ajoutée l’actrice de 64 ans, femme engagée, qui l’a dédié aux migrants morts en mer, « ceux qui vivent pour l’éternité au fond de la Méditerranée ».

Dans Gloria Mundi (sortie le 27 novembre), film sombre qui décrit les dérives de l’ultralibéralisme et l’individualisme de la société d’aujourd’hui, elle incarne Sylvie, femme de ménage sur des bateaux à Marseille, qui refuse de faire la grève et veut tout faire pour aider sa famille. Alors que sa fille Mathilda (Anaïs Demoustier), qu’elle a élevée seule, vient d’avoir un bébé, une série de revers va faire basculer cette famille précaire dans la galère.

« Quelqu’un qui se bat »

« Elle est en survie. C’est quelqu’un qui veut avant tout que sa famille puisse continuer à exister, qu’on ne tombe pas de Charybde en Scylla », a-t-elle expliqué à l’AFP au sujet de son personnage.

« C’est quelqu’un qui se bat, mais qui se bat d’une manière complètement individuelle, avec son instinct », avait aussi déclaré l’actrice, qui n’a pas hésité à chanter l’hymne du parti communiste italien lors de la conférence de presse. « Les gens ont compris qu’on est de gauche », avait alors plaisanté l’acteur Jean-Pierre Darroussin.

Née le 10 octobre 1954 à Marseille, fille d’une employée de bureau et d’un représentant en cosmétiques, Ariane Ascaride étudie la sociologie à l’université d’Aix-en-Provence. Là, elle s’engage dans le syndicat étudiant UNEF, et rencontre il y a plus de 40 ans Robert Guédiguian, qui deviendra son mari. « Je ne serais pas arrivé là si Ariane n’était pas venue faire une intervention syndicale dans mon amphithéâtre », racontait le cinéaste en 2017 au journal Le Monde, expliquant qu’il l’avait ensuite suivie à Paris.

Vingt films avec Guédiguian

Entrée au Conservatoire de Paris, elle débute ensuite au théâtre en 1970 dans les pièces de son frère Pierre Ascaride. Elle se dirige ensuite vers le cinéma, où elle joue son premier véritable rôle dans La Communion solennelle (1977) de René Féret. Elle commence à jouer dans les années 1980 dans les films de Robert Guédiguian : Dernier été (1980), puis Rouge midi et Ki lo sa ? (1985) et Dieu vomit les tièdes (1989).

Si elle travaille aussi avec d’autres réalisateurs, comme Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Drôle de Félix), Dominique Cabrera (Nadia et les hippopotames), Emmanuel Mouret (L’art d’aimer) ou encore Eléonore Fauchet (Brodeuses), et joue régulièrement au théâtre ou à la télévision, au total Ariane Ascaride a joué dans vingt films de son mari.

C’est l’un d’entre eux lui vaut le César de la meilleure actrice en 1998, Marius et Jeannette, une histoire d’amour à l’accent marseillais, dans laquelle elle incarne une caissière de supermarché qui va rencontrer un autre être meurtri.

Toujours la même famille d’acteurs

« Les gens ont besoin qu’on leur parle de leurs préoccupations. Je dédie ce César à toutes les femmes anonymes comme Jeannette », avait dit cette petite femme discrète mais déterminée, au sourire doux, mère d’une fille, en recevant son César. Viendront ensuite d’autres films de Robert Guédiguian, dont Marie-Jo et ses deux amours, Le Voyage en Arménie, ou plus récemment Une histoire de fou et La Villa.

Autant de films où elle retrouve toujours la même famille d’acteurs, de Gérard Meylan à Jean-Pierre Darroussin en passant par Anaïs Demoustier. Robert Guédiguian « laisse la liberté de proposition de l’acteur, par rapport au personnage qu’il lui donne », dit-elle. « On n’est pas des exécutants, on est des créateurs. Et après, ce qui est génial, comme on se connaît très bien, c’est qu’on n’a pas besoin de se parler. On arrive et on y va. Et ça, c’est que du pur plaisir. »

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