ARCHIVE. Du 21 février au 18 décembre 1916, les troupes allemandes et françaises s’affrontent à Verdun. Dix mois durant lesquels l’horreur le dispute au courage. À l’occasion du centenaire en 2016, Isabelle Clarke et Daniel Costelle signaient un film magistral rediffusé ce soir sur France 4.
Pourquoi, des batailles de la Grande Guerre, Verdun a-t-elle le plus marqué les mémoires ?
Daniel Costelle : Parce que c’est là que la guerre y a atteint son paroxysme. On peut la comparer à un combat de cerfs dont les bois s’entremêlent avec une telle violence qu’ils finissent par en mourir. Verdun a été un concentré d’horreur et de ténacité. Et le système de relève des troupes mis en place pour les ménager a fait que des régiments venus de toute la France et de ses colonies y sont passés. Cela a imprégné notre mémoire collective.
Vous aviez réalisé une émission à l’occasion du cinquantenaire. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
En 1965, il restait beaucoup de témoins, mais l’accès aux images d’archives était restreint. Aujourd’hui, nous avons pu retrouver un grand nombre de films. De plus, la colorisation donne un effet de proximité avec l’événement.
Il était déjà question de Verdun dans la série Apocalypse : La Première Guerre mondiale…
Oui, mais nous n’avions consacré que dix minutes à la bataille. Il nous restait beaucoup de documents inexploités. Le fait que la série Apocalypse ait recueilli un succès mondial (elle a été diffusée dans 165 pays, dont la Chine, ndlr) nous a attiré la sympathie des ayants droit et des cinémathèques étrangères, allemandes notamment. Elles nous ont laissé fouiller à notre guise. Nous avons travaillé deux ans sur ce film et fait notre choix parmi plus de cinq cents heures d’archives pour privilégier des choses inédites.
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Il y a notamment une séquence avec des bêtes de cirque servant d’attelage ou de viande de boucherie aux civils. C’était important d’évoquer les animaux dans ce massacre général ?
Les chevaux, les mules, les ânes, les pigeons utilisés comme messagers, ont payé un lourd tribut dans les tranchées. Je vous ai épargné une image venue de Belgique où l’on voyait un pauvre chien crouler sous le poids d’une mitrailleuse.
Quelle est, pour vous, l’image la plus poignante ?
Celle du lieutenant-colonel Driant et de ses hommes. On les voit sourire dans les tranchées, alors que beaucoup vont mourir (1 700 sur 2 200). Émile Driant, 60 ans, député dans la vie civile, ayant repris du service, commandait à Verdun au moment de l’offensive allemande. C’est l’un des grands héros de la guerre. Il s’est sacrifié avec ses soldats pour retarder de seulement 24 heures l’avancée allemande. Un délai pourtant crucial pour acheminer les renforts.
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Vous avez créé un style documentaire. Les Anglo-Saxons parlent d’Apocalypse style. Pourtant, des historiens français continuent de critiquer votre travail. Vous le vivez comment ?
La mémoire de la Grande Guerre était en passe de s’éteindre. Avec la colorisation, nous avons ravivé les couleurs, au propre comme au figuré. Je suis fier de notre travail. Quant à nos détracteurs, ils souhaitent juste faire parler d’eux.
Apocalypse Verdun, un documentaire exceptionnel à redécouvrir lundi 2 décembre à 21h05 sur France 4.
Interview Hacène Chouchaoui
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