C’est la dixième Victoire de la musique dans sa carrière: Alain Souchon, éternel dandy rêveur de 75 ans, a remporté le prestigieux titre de meilleur album avec « Ame fifties ».
Comme à son habitude, derrière l’élégance des mélodies –troussées avec ses fils Pierre et Charles– se cache une certaine gravité, comme ces jeunes hommes envoyés hier en Algérie pour y faire la guerre ou l’ascenseur social en panne aujourd’hui.
Pour l’artiste féminine de l’année, on attendait Angèle, mais c’est Clara Luciani qui a été sacrée pour son album au nom prédestiné « Sainte-Victoire ».
Chez les hommes –« la catégorie phallus, artiste à quéquette » comme l’a qualifiée le lauréat dans son style toujours aussi décalé, Philippe Katerine a privé Alain Souchon du doublé (le troisième nommé était Lomepal).
« Je suis désemparée », a commenté Clara Luciani, très émue au moment de recevoir sa distinction. La chanteuse de 27 ans originaire de Martigues était opposée à Angèle, numéro un des ventes en France en 2019, et Catherine Ringer, la voix des Rita Mitsouko.
« J’ai un public merveilleux et je vais encore chialer… », a ajouté Clara Luciani, la voix brisée par l’émotion, qui avait été sacrée en 2019 dans la catégorie « révélation scène ».
C’est la belle histoire de la chanson française: loin du cliché du démarrage météorique, Clara Luciani a dû attendre près d’un an pour qu’explose « La grenade », son hit féministe.
– PNL, prix du clip –
Katerine a donc remporté le titre d' »artiste masculin » sur la lancée de son album-péplum complètement fou, « Confessions ».
La prestation scénique lui revient aussi dans cette cérémonie, sortant d’une narine géante, chantant avec un « boa » constitué de gants chirurgicaux gonflés comme des ballons de baudruche.
La cérémonie s’était ouverte par un discours improvisé de Florent Pagny, président d’honneur, sur l’indépendance des artistes, qui a sans doute donné quelques sueurs froides aux patrons de maisons de disques présents.
« Ça va ça vient » de Vitaa & Slimane, a ensuite raflé le titre de « chanson originale », décerné par un vote du public. Vitaa a salué « la Victoire des gens ». La révélation scène est revenue à l’énergique Suzane, tandis que l’album révélation a logiquement échu à Pomme avec « Les failles ». Angèle, nommée dans trois catégories, se consolera avec le trophée pour le concert.
Dans une soirée où le rap a été un peu oublié dans les nommés, c’est le duo PNL, absent, qui a gagné le prix du clip avec « Au DD », tourné en haut de la Tour Eiffel et qui avait eu un écho international.
– Dents qui grincent –
Cette année, les catégories récompensées sont passées de treize à huit. Ont ainsi disparu les étiquettes des genres –rock, électro, musiques du monde, musiques urbaines et rap, la catégorie « album de chansons » devenant « album » tout court– pour une meilleure lisibilité, selon les organisateurs.
Mais cette réforme fait grincer des dents. « C’est dommage, c’est un monde qui se referme au lieu de s’ouvrir, c’est un peu désolant », regrette auprès de l’AFP Martin Meissonnier, DJ, producteur historique des musiques du monde.
« Il y a peu de rappeurs et peu de femmes (aucune dans la catégorie reine « album », NDLR), qui apparaissaient avant dans les musiques urbaines –même si je n’aime pas ce terme– avec le r’n’b », renchérit auprès de l’AFP Eloïse Bouton, journaliste et fondatrice de Madame Rap, média dédié aux femmes dans le hip-hop.
Manu Dibango a même dénoncé un manque de « couleurs » dans Le Monde. « C’est vrai que ça manque un peu de diversité, il va falloir y travailler », reconnaît auprès de l’AFP Romain Vivien, président des Victoires de la musique.
« Il faut peut-être élargir encore le nombre de votants » pour que le panel des artistes nommés soit « plus représentatif de la diversité et de la parité de notre société », a indiqué Franck Riester, ministre de la Culture vendredi soir sur France Info, avant d’assister à la cérémonie.
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