Une petite chambre aux murs rosés et aux tulipes violettes. Ou plutôt un cocon molletonneux. En quelques images comme tirées d’un rêve ouaté, la douceur envahit l’œil. Pourtant, c’est l’oreille que la vague de tendresse envoûte. Sur un discret tapis d’arpèges à la guitare sèche, des vocalises angéliques s’échappent de la femme en tulle bleu azuré, nichée sur le lit. Les mots se forment souvent en anglais, parfois en français, parfois en espagnol. Mais l’émotion est universelle.
Dans une reprise acoustique de sa berceuse amoureuse Open arms, la chanteuse November Ultra accueille l’auditeur à bras ouverts dans cet univers aussi intime qu’universel : sa chambre. Au cœur de cette poignée de mètres carrés, la trentenaire de Boulogne-Billancourt y puise toutes les strates de cet art qui lui est si cher.
« J’ai toujours chanté comme je respire », racontait-elle aux Inrockuptibles en avril, pour la sortie de son premier album (Bedroom Walls). « Je crois que c’est la musique qui m’a apprivoisée, ou en tout cas elle m’aide à m’apprivoiser. » Ainsi, sa chambre mute au gré de son processus créatif. De studio où elle jongle entre instruments et logiciels, la pièce peut se changer en refuge pour l’éternelle timide. Pour qualifier sa musique entremêlant pop, R&B, folk et comédies musicales, deux mots se rencontrent : “Bedroom pop” (“pop de chambre à coucher”). Et ce 27 août, cette musique onirique devrait permettre aux festivaliers de Rock en Seine de cohabiter quelques instants avec les mélodieux sentiments de la chanteuse.
Des coplas de Papi Ramon au R&B de Frank Ocean
Cette collocation immuable avec la musique, Nova (de son surnom) s’y installe dès sa plus tendre enfance. Les premières clés, c’est Papi Ramon, son grand-père maternel espagnol, qui les lui donne. Tout commence par La Zarzamora, une copla de son pays (musique folklorique). Le souvenir est flou, mais Nova se rappelle la chanter pour son arrière-grand-mère, alors qu’elle pouvait « à peine parler ». « Je me souviens avoir compris qu’ils ressentaient une certaine émotion, se rémemorait-elle pour le site We All Want Someone To Shout For en juillet […] Je savais que mon grand-père était fier et j’aimais ça. » Au passage, ce dernier lui transmet aussi son amour pour les comédies musicales des années 60. Depuis, impossible de vivre séparée des notes et des mélodies.
Onze années au conservatoire classique, sept comme blogueuse musicale sur son temps libre… Nova nage dans la musique dès qu’elle a un moment. Elle s’émerveille en entendant Jeff Buckley, The Strokes, Lorde… Et le R&B alternatif et aventureux de la mixtape Nostalgia Ultra de Frank Ocean lui inspirera son nom de scène. Mais le grand bain doit attendre. « Ma mère a fait un pacte avec moi et m’a dit que je pourrai faire de la musique pleinement le jour où j’aurai un diplôme », expliquait la fille d’ouvriers aux Inrocks. C’est donc avec un master 2 en traduction audiovisuelle (spécialité sous-titrage sourds et malentendants) qu’elle plonge dans l’aventure Agua Roja, son trio pop-rock parisien de 2015 à 2018. Puis dans l’appui musical d’autres artistes accomplis comme Kungs, Jaden Smith, Barbara Pravi…
« Mentir dans sa chambre, c’est se mentir à soi-même »
« La musique a toujours été une bulle apaisante pour moi », décrivait-elle à We All Want Someone To Shout For. Un journal intime mélodieux dans sa chambre d’adolescente introvertie et tourmentée, qu’elle écrivait en anglais pour que sa mère ne la comprenne pas et ne l’entende pas. « J’avais honte de moi, j’ai pris conscience que j’étais grosse et que du coup, je devais me cacher, confiait-elle au site La Face B début 2021. Mais j’avais aussi incroyablement envie et besoin de chanter. » La veille de son 31e anniversaire, la France s’apprête à être mise sous cloche sanitaire pour la seconde fois. Alors November Ultra invite tout le monde dans sa bulle. Sa première berceuse Soft and tender sort le 6 novembre 2020. Et elle devient un refuge pour tous ses auditeurs.
Depuis, la grande majorité des morceaux de son premier album (Bedroom Walls) ont vu le jour dans cette chambre. Aux murs, des cartes postales et des mots de ses amis. Cette pièce, « c’est le dernier endroit où l’on peut ne pas porter de masque, déclarait-elle à France Inter en avril. Mentir dans la chambre à coucher, c’est se mentir à soi-même. » L’amour, la tristesse, la résignation, la nostalgie… Dans sa tanière, plus de timidité pour November Ultra, juste un raz-de-marée de sentiments mis en chanson.
Même la case “scène” ne l’effraie plus, à la grande surprise de sa mère. “À chaque fois qu’elle me voit sur scène : « Elle n’est pas capable d’aller acheter une baguette, et elle monte sur scène et elle fait des blagues avec des gens », riait la chanteuse sur France Inter. Mais je pense que c’est tellement un endroit où je me sens bien, et une connexion avec l’autre tellement belle.” Une connexion émotionnelle qui, sans grand doute, emportera Rock en Seine ce 27 août.
November Ultra est en concert samedi 27 août sur la scène du Bosquet de Rock en Seine, au Domaine national de Saint-Cloud, avec une sélection de (re)diffusions de concerts sur la plateforme france.tv avec Culturebox à cette adresse.
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