Paul Simon est né le 13 octobre 1941 à Newark, dans le New Jersey. Auteur, compositeur, interprète de chefs-d’œuvre de la musique populaire américaine, géant de la folk, il a exploré également au fil de son parcours la pop, le rock et la world music. Il a joué en duo avec Art Garfunkel qu’il a rencontré quand ils étaient adolescents, puis en solo à partir de 1970, organisant des réunions ponctuelles avec son ancien complice, et s’est offert quelques jolies collaborations. En septembre 2018, il a achevé une tournée d’adieu qui accompagnait la sortie de son dernier album en date, In The Blue Light. Voici quelques jalons dorés d’une carrière exemplaire.
The Sound of Silence – 1964
Premier grand succès du duo, The Sound of Silence figurait dans l’album des débuts de Simon and Garfunkel, Wednesday Morning, 3 A.M., qui n’a pas marché, entraînant la séparation du duo. Malgré l’échec de l’album, la chanson a fait son chemin sur les ondes jusqu’au moment où le producteur Tom Wilson a décidé de reprendre ce titre, un guitare-voix tout acoustique (intitulé alors Sounds of Silence, au pluriel) et d’y ajouter des sons électriques et de la batterie sans prévenir les artistes. Sortie en single en septembre 1965 avec son nouvel habillage, la chanson a atteint le sommet des charts américains fin décembre. Le duo s’est alors reformé et a enregistré à la hâte un nouvel album dont le titre exploitait la renommée de sa chanson. En 1967, The Sound of Silence a intégré la bande originale du film Le Lauréat.Régulièrement interrogé sur cette chanson emblématique, Paul Simon a raconté qu’il l’avait écrite à 21 ans, dans sa salle de bain où l’écho lui plaisait. Comme il aimait le son de l’eau qui coule, il ouvrait le robinet et jouait dans le noir…« Hello, darkness, my old friend, I’ve come to talk to you again », entend-on au début de la chanson (« Bonjour, obscurité, ma vieille amie, je suis revenu te parler… »). Dans l’archive INA ci-dessus, le tandem la chante en juillet 1966 au festival de Provins.
I Am a Rock – 1965
Incluse dans l’album Sounds of Silence (1966) de Simon and Garfunkel, la chanson I Am a Rock parle d’une solitude érigée comme rempart à la souffrance. Elle a été écrite initialement pour le premier album solo de Paul Simon, The Paul Simon Songbook, sorti au Royaume-Uni en août 1965. Après l’échec du premier disque de son duo avec Art Garfunkel Wednesday Morning, 3 A.M. (1964), le chanteur est parti à Londres enregistrer de son côté tandis que son partenaire a continué ses études. Outre la première version de I Am a Rock, ce disque solo abritait également la première version de Kathy’s Song, un autre titre repris ensuite par Simon and Garfunkel.Homeward Bound – 1966
Après l’album Sounds of Silence sorti précipitemment en janvier 1966, Simon et Garfunkel prennent plus de temps pour peaufiner leur troisième opus Parsley, Sage, Rosemary and Thyme, lancé en octobre de la même année. Enregistrée durant les sessions de Sounds of Silence, la chanson Homeward Bound atterrit finalement dans ce troisième disque. Paul Simon l’a écrite en 1964 lors de son bref séjour en Angleterre, assis dans une gare, en déplacement pour un concert, et alors qu’il se languissait de sa petite-amie Kathy (une jeune femme qui sera mentionnée dans l’autres chansons de Simon and Garfunkel.A Hazy Shade of Winter – 1966
Chanson rock et nerveuse, A Hazy Shade of Winter est sortie en single en 1966 avant d’être rajoutée au concept-album Bookends de Simon and Garfunkel en 1968. Les paroles évoquent un moment d’introspection d’un poète en plein doute. En 1987, les Bangles, groupe féminin très populaire à l’époque, ont fait une reprise ébouriffante de cette chanson, qui a connu un immense succès.The 59th Street Bridge Song (Feelin’ Groovy) – 1966
Dans un registre beaucoup plus cool, délicieusement printanier, cette ballade folk à la durée (1 minute 43 secondes) inversement proportionnelle à la longueur de son titre est sortie dans l’album Parsley, Slage, Rosemary and Thyme (1966). Le titre fait allusion à un pont new-yorkais. La chanson a été enregistrée avec la section rythmique du Dave Brubeck Quartet : le contrebassiste Eugene Wright et le batteur Joe Morello.Mrs Robinson – 1968
Écrite pour le film Le Lauréat de Mike Nichols (1967), Mrs Robinson demeure à ce jour l’un des plus grands succès de Simon and Garfunkel avec The Sound of Silence, qui fait également partie de la bande originale du film avec d’autres titres du tandem. Le réalisateur Mike Nichols, qui avait eu un coup de cœur pour le duo, a souhaité que les deux artistes lui fournissent des chansons inédites pour le film en plus de celles qu’il avait sélectionnées dans leur répertoire préexistant. Paul Simon a proposé deux titres qui ne l’ont pas séduit. Il est revenu alors avec l’esquisse d’un morceau qui parlait d’Eleanor Roosevelt, l’ancienne Première Dame des États-Unis, mais aussi de la star de baseball Joe DiMaggio. Les paroles n’étaient pas complètes, d’où les « Dee dee dee… » des premières mesures de la version du disque, chantonnées initialement par Paul Simon au moment de présenter la chanson au cinéaste. Nichols a bien aimé ce début sans paroles et a voulu le conserver tel quel. La chanson Mrs Roosevelt a été rebaptisée Mrs Robinson, du nom de l’un des personnages principaux du film. Dans la vidéo ci-dessus, le tandem s’est réuni en 1982 pour un concert spectaculare à Central Park, à New York.America – 1968
Chanson figurant dans l’album Bookends (1968) qui possède une dimension conceptuelle, America évoque le souvenir d’un road trip de quelques jours de Paul Simon avec son amie Kathy, quatre ans plus tôt. Au début des annes 70, le groupe de rock progressif Yes en fait une adaptation longue de dix minutes. Le 20 octobre 2001, quelques semaines après les attentats du 11-Septembre, David Bowie en offre une reprise bouleversante lors du Concert de New York organisé (à l’initiative de Paul McCartney) pour soutenir les familles des victimes ainsi que les policiers et pompiers.The Boxer – 1969
Chef-d’oeuvre absolu, The Boxer est une poignante complainte narrée à la première personne : « I’m just a poor boy though my story’s seldom told » (« Je ne suis qu’un pauvre garçon bien que l’on raconte rarement mon histoire »)… Paul Simon y relate le parcours d’un jeune homme qui a quitté sa famille pour chercher de quoi gagner sa vie dans l’âpre monde de la ville, avec ses « promesses » et ses « mensonges », si seul que parfois il n’a trouvé du réconfort qu’auprès des prostituées. Un jeune homme qui, à la fin de la chanson, semble se comparer à un boxeur qui s’accroche, sur un ring. La chanson possède une dimension autobiographique : Paul Simon l’a écrite à un moment où il se sentait critiqué et le vivait mal. Sorti en single en 1969, The Boxer figurera dans le cinquième et dernier album de Simon and Garfunkel, Bridge Over Troubled Water (1970). La chanson sera reprise dans la foulée par Bob Dylan dans son album Self Portrait, puis par d’innombrables artistes.
Bridge Over Troubled Water – 1970
Chanson-titre de l’ultime album (lancé fin janvier 1970) de Simon and Garfunkel, Bridge Over Troubled Water sonne comme un hymne aux échos gospel, un thème de reconfort et d’espoir. Quand il l’a écrite durant l’été 1969, Paul Simon a été inspiré par une phrase chantée par l’artiste gospel Claude Jeter, à la tête de son groupe Swan Silverstones, dans leur adaptation en 1958 du Negro Spiritual Oh Mary Don’t You Weep. A la fin du morceau, le leader lance : « I’ll be a bridge over deep water if you trust in my name. » Après avoir écrit sa chanson, Paul Simon invite Art Garfunkel à l’interpréter en soliste, et il n’y intervient que faire pour une deuxième voix dans la dernière partie. La chanson sera reprise par d’innombrables artistes parmi lesquels Elvis Presley et Aretha Franklin. Quant à l’album Bridge Over Troubled Water, il sera distingué par six Grammy Awards dont deux pour sa chanson éponyme. Ce triomphe ne suffira pas à resserrer les liens entre Paul Simon et Art Garfunkel qui poursuivent leur route chacun de leur côté et ne rejoueront ensemble qu’en de rares occasions.Kodachrome – 1973
Très entraînant morceau d’ouverture du troisième album solo There Goes Rhimin’ Simon (1973) de Paul Simon, Kodachrome doit son titre à la défunte marque de films photographiques de Kodak. La chanson, évocation irrévérencieuse des années de lycée, aurait dû s’intituler Going Home, mais son auteur a préféré quelque chose de moins conventionnel.50 Ways to Leave Your Lover – 1975
Grand classique du répertoire solo de Paul Simon, 50 Ways to Leave Your Lover figure dans son quatrième album solo Still Crazy After All These Years, sorti en décembre 1975. Alors que le chanteur avait divorcé de sa première épouse, cette chanson propose avec humour un tutoriel sur les différentes façons de rompre… Le fameux riff de batterie, qui a contribué au succès de cette pépite, est joué par Steve Gadd. Outre le célèbre batteur, lors de l’enregistrement de la chanson, Paul Simon était entouré notamment de Patti Smith pour les choeurs et de Tony Levin à la basse. En France, le chanteur Michel Delpech a enregistré une adaptation française du titre en 1979.Slip Slidin’ Away – 1977
Cette très belle ballade est sortie en 1977 en guise de titre inédit de la première compilation de Paul Simon, Greatest Hits, etc. Dans le texte, le chanteur y dévoile quelques réflexions existentielles.Late In The Evening – 1980
Paul Simon dispense une bonne dose de groove dans cette chanson sortie en 1980 dans l’album One Tricky Pony, lancé parallèlement à un film du même titre réalisé par Robert M. Young. Pour ce long métrage, Paul Simon était à la fois scénariste et acteur. Late In The Evening constitue le titre phare de la bande originale. Dans la vidéo ci-dessus, le chanteur la reprend sur scène en 1991, à New York.You Can Call Me Al – 1986
Premier single issu de Graceland, le septième album solo de Paul Simon lancé en août 1986, You Can Call Me Al connaît un immense succès. En plein essor de la chaîne musicale MTV, la chanson est portée par un clip humoristique mettant en scène le chanteur aux côtés de l’acteur Chevy Chase. Le titre a été inspiré par un quiproquo survenu à une soirée lors de laquelle Paul Simon et son épouse Peguy ont croisé Pierre Boulez. S’embrouillant quelque peu dans les prénoms, le célèbre compositeur français a appelé Paul « Al » et Peguy « Betty »..Graceland – 1986
Titre éponyme du septième album de Paul Simon, Graceland évoque des souvenirs d’une visite effectuée dans l’ancienne demeure d’Elvis Presley, et alors que son mariage avec sa deuxième épouse, l’actrice Carrie Fischer, s’est effondré. Les Everly Brothers ont participé aux chœurs, parmi de nombreux invités répartis sur les différentes plages du disque, de Linda Ronstadt à Youssou N’Dour, et surtout des musiciens sud-africains. L’ensemble de cet album extraordinaire et foisonnant, pétri d’influences, est imprégné d’un voyage en Afrique du Sud. Déprimé par son divorce et par la désagrégation de ses relations avec Art Garfunkel, Paul Simon a passé deux semaines à enregistrer de la musique à Johannesburg, en pleine période de boycott de l’Afrique du Sud sous régime de l’apartheid. Il en sera critiqué, avec pressions et menaces à la clé, mais il n’oubliera pas les musiciens rencontrés là-bas : ils seront invités à se produire avec lui. Dans ce disque récompensé par deux Grammy Awards (meilleur album en 1987, meilleure chanson pour Graceland en 1988) foisonnant, on pourrait citer aussi son morceau d’ouverture, le brillant The Boy in the Bubble et son somptueux clip.Bonus : deux reprises de légende, Scarborough Fair (1966) et El Condor Pasa (1970)
Paul Simon n’est pas seulement un songwriter hors pair : il sait aussi s’emparer de musiques préexistantes, les adapter et y imprimer sa griffe. C’est le cas de la vieille chanson traditionnelle anglaise Scarborough Fair qui contient les mots « Parsley, Sage, Rosemary and Thyme » qui serviront de titre à l’album de Simon and Garfunkel sorti en octobre 1966. C’est l’artiste folk Martin Carthy qui a fait découvrir ce thème à Paul Simon en 1965. Dans son adaptation, ce dernier a combiné les paroles avec le texte remanié d’une de ses chansons anti-guerre. L’ensemble a été retitré Scarborough Fair / Canticle. Simon l’a interprété dans le célèbre Muppet Show.Une autre reprise célèbre est celle du morceau instrumental péruvien El Cóndor Pasa, une composition de Daniel Alomia Robles d’après des thèmes folkloriques andins. Paul Simon a écrit des paroles en anglais, puis le duo a inclus la reprise dans son ultime album Bridge Over Troubled Water sorti en janvier 1970.
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