Les Victoires de la musique classique 2021 sacrent la Guyanaise Marie-Laure Garnier révélation lyrique

Cette 28e édition des Victoires de la musique classique n’a pas été comme les autres. D’abord parce qu’elle se déroulait – à huis clos – en pleine crise sanitaire et en période d’arrêt net de la scène musicale. Ensuite et surtout parce qu’elle a attribué des récompenses marquantes. A commencer par la Révélation lyrique de l’année (vote conjoint des professionnels et du public) attribuée à la soprano guyanaise Marie-Laure Garnier, une première pour une artiste lyrique issue des territoires ultramarins. Une autre est la Victoire d’honneur décernée à deux étudiants du Conservatoire de Lyon.

« Aux chanteurs en herbe d’Outre-mer »

Hiératique, émouvante car très habitée, la soprano Marie-Laure Garnier a porté de sa belle voix dense les notes d’un air de Tannhäuser de Wagner avant de découvrir sa récompense qu’elle a dédiée « à tous les chanteurs en herbe d’Outre-mer ». Agée de 30 ans, elle avait remporté en 2019 la première édition du concours Voix des Outre-mer qui vise à donner plus de visibilité à ces régions en manque de conservatoires mais pas de talents.

Découverte aux Révélations de l’Adami 2014, la soprano a remporté depuis plusieurs récompenses prestigieuses.« Venant de Guyane à 14 ans, je ne m’imaginais pas être là ce soir. Je suis heureuse et honorée », a-t-elle déclaré, appelant à combler le manque d’« institutions qui permettent de former des jeunes au chant lyrique » dans les territoires d’outre-mer.  Marie-Laure Garnier a également exprimé le souhait que « le mot diversité » ne soit pas seulement « une discussion », mais une réalité pour les chanteurs français, quelque soit leur couleur de peau.

Hasard de la programmation, un vent de diversité est également venu aussitôt après, de la cheffe d’orchestre Glass Marcano découverte à l’automne deernier lors du concours de cheffes d’orchestres La Maestra. Issue du programme d’enseignement El Sistema, la Vénézuelienne a dirigé d’un geste assuré et avec une énergie communicative le finale de la Symphonie n°4 de Tchaïkovski.

Une Victoire symbolique aux étudiants du Conservatoire

Présentée cette année par Stéphane Bern et par la musicienne et animatrice de radio Marina Chiche, cette cérémonie, « moment de communion si attendu par vous, public et par les artistes », a également fait la part belle à la jeunesse et à la transmission. Premier prix attribué de la soirée, la Victoire d’honneur n’a pas été remise comme à l’accoutumée à un artiste international, mais à deux étudiants du Conservatoire de Lyon, où s’est tenue la cérémonie.

Un geste symbolique pour signifier le soutien aux musiciens et à la profession qui subissent de plein fouet les effets de la crise sanitaire. Le moment choisi était d’autant plus émouvant qu’un groupe de huit musiciens du Conservatoire venait de rendre hommage à une grande figure du violon, Ivry Gitlis, disparu il y a deux mois.

Côté révélation soliste instrumental, c’est le percussionniste Aurélien Gignoux, 23 ans, qui a été sacré, poursuivant ainsi la voie ouverte par une autre musicienne spécialiste du marimba, Adélaïde Ferrière (Révélation en 2017). « Que cette Victoire aide à repartir vers les concerts », a espéré Gignoux.

Betsy Jolas, un an après Camille Pépin

Dans la catégorie compositeur, a été récompensée la Franco-Américaine Betsy Jolas pour son quatuor à cordes Topeng. Aujourd’hui âgée de 94 ans, figure de la musique contemporaine, Betsy Jolas a construit avec une grande indépendance sa carrière et son oeuvre, inscrite dans la modernité tout en étant ouverte à l’émotion. C’est la deuxième année consécutive, après Camille Pépin en 2020, qu’une compositrice a été récompensée. De celle-ci, l’Orchestre national de Lyon a fait écouter des extraits de la dernière oeuvre, La source d’Yggdrasil.

La soprano française Julie Fuchs, 36 ans, est quant à elle sacrée artiste lyrique de l’année. Sa voix de miel lui avait valu d’être distinguée comme une des révélations de ces dernières années, en 2012 et 2014.

Une pensée pour les « musiciens qui vont très mal »

A ses côtés, le pianiste Alexandre Tharaud, 52 ans, a été distingué dans la catégorie artiste soliste instrumental de l’année. Il avait été révélé au public avec l’enregistrement les Suites de clavecin de Rameau, en 2001. Mercredi 24 février, il a déclaré dédier sa récompense « aux musiciens qui vont très mal ». A mi-parcours de la cérémonie, deux représentantes du monde de la culture ont pris la parole pour demander à l’Etat « des gestes forts » pour les intermittents, afin de les aider à traverser cette crise.

La catégorie enregistrement a été remportée par le Quatuor Ebène, considéré comme le quatuor français le plus connu au monde (les violonistes Pierre Colombet et Gabriel Le Magadure, l’altiste Marie Chilemme et le violoncelliste Raphaël Merlin) pour leur album Beethoven, Around the world, publié par Erato.

Bel canto, baroque et comédie musicale

« Ça fait du bien d’écouter de la musique en live ! », s’était exclamé Stéphane Bern au début de la soirée. La cérémonie des Victoires a été l’occasion de beaux moments musicaux.

Du bel canto avec le baryton star Ludovic Tézier (dans un air de Rigoletto) et le ténor américain Michael Spyres (dans un air du Barbier de Séville). De la comédie musicale avec la jeune Marie Oppert (présence scénique remarquable dans I got the rythm de Gershwin) et surtout la très réjouissante Lea Desandre (dans My fair Lady). Du baroque avec Jordi Savall, venu célébrer les trente ans de Tous les matins du monde et Leonardo Garcia Alarcon et La Cappella Mediterranea, venus présenter des musiques du Nouveau Monde.

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