Trois chanteuses anglaises à tendance soul se produisaient samedi à Rock en Seine. Trois prétendantes à la relève de la regrettée Amy Whinehouse. Loin de nous l’idée d’organiser un match. Avoir le privilège d’aller les écouter une par une le même jour sur différentes scènes nous a permis au contraire d’en apprécier les singularités.
Celeste, l’élégance et la puissance vocale
Celeste c’est avant tout une voix, fêlée et puissante, qui nous fait tomber en pamoison chaque fois qu’on écoute son magnifique EP, Lately, paru en mars. Entourée d’un groupe de cinq musiciens, dont un jeune saxophoniste lumineux et un pianiste aux sonorités féériques, la chanteuse née aux Etats-Unis et grandie à Brighton (Grande-Bretagne) est apparue samedi sur la scène Cascade (la seconde du festival en terme de grandeur) dans une formation particulièrement jazz. Les titres lents et mélancoliques de son Ep, Coco Blood, Lately, Father’s Son et Both Sides of the Moon, ont été interprétés sans hâte, voluptueusement, avec une pureté qui nous a hérissé les poils.
Grande et fine, coiffée d’une afro de belle envergure, élégante et stylée dans son pantalon jaune citron, la chanteuse de 24 ans nous a fait fondre tout autant que le soleil qui dardait ses rayons sans pitié en ce milieu d’après-midi. Hyper délicate et ultra expressive au micro, Celeste en garde pourtant clairement sous la semelle question puissance : elle chante sans forcer et l’on sent bien qu’elle pourrait envoyer beaucoup plus fort. Cette retenue, tout comme sa gestuelle sobre, sans minauderies, fait aussi tout son charme. On attend la suite avec impatience.
Mahalia, fraîcheur et affirmation de soi
Mahalia a tout pour elle avec en supplément la fougue de la jeunesse. Petit prodige, elle compose depuis l’enfance et a été signée par un label à 13 ans. Aujourd’hui âgée de 21 ans, elle s’apprête à sortir son second album, le très réussi Love and Compromise, le 6 septembre. Sur scène, flanquée d’un bassiste et d’un batteur, deux colosses barbus, la native de Leicester est d’une fraicheur désarmante. Alors que ses singles de R&B pop cartonnent et font des millions de vues sur Youtube depuis 2016, de Complete Story à I Wish I Miss My Ex, Sober et Do Not Disturb, Mahalia prouve que le succès ne lui est pas monté à la tête. Vêtue d’un simple T-shirt ample et long sur un cycliste vert pomme, elle commente chacun de ses titres avec l’humour d’une copine de lycée. « J’ai commencé très jeune à écrire, en gros sur les garçons qui me plaisaient« , nous apprend-elle.
Ses chansons parlent effectivement beaucoup de marivaudages mais Mahalia est une jeune femme puissante et déterminée qui chante surtout l’affirmation de soi. « En tant que femme, quand je parle de sexe c’est toujours mal perçu. Pourquoi est-ce que cela pose problème ? En 2019, tout le monde doit pouvoir faire ce qu’il veut de son corps. Je suis une queen« , lance-t-elle tout sourires en introduction de One Night Only, sous les acclamations de la foule très jeune venue l’applaudir sur la petite scène des 4 Vents. Avant le titre 17 dont les paroles disent « I’m so proud to be me/I feel so free/ Always good to be seventeen », elle explique avoir écrit cette chanson « parce que j’aime mes cheveux afro, j’aime ma couleur de peau, j’aime mes gros lolos« . Elle est ovationnée une nouvelle fois, à raison. On en reparle bientôt.
Jorja Smith, l’étoile qui n’en finit plus de monter
La nouvelle étoile incontestée de la soul moderne teintée de R&B, c’est elle. Depuis deux ans, la notoriété de Jorja Smith grimpe à vitesse supersonique et on se demande où elle va s’arrêter. Il y a un peu plus d’un an, en juin 2018, l’Anglaise d’ascendance jamaïcaine était encore inconnue en France. Elle défendait alors sur une petite scène à We Love Green l’album magistral fourmillant de hit singles qu’elle s’apprêtait à sortir. En octobre, ses chansons étaient sur toutes les lèvres et elle faisait déjà un Olympia. Ce soir, à tout juste 22 ans (elle les a fêtés en juin), elle est l’une des têtes d’affiche de Rock en Seine et officie sur la Grande scène, à l’égal des plus grands.
Lorsqu’elle paraît, plus éblouissante que jamais, en queue de cheval haute, robe courte étincelante sur baskets immaculées, c’est l’émeute. Elle attaque son set doucement sur le lent et chaloupé Lost & Found, qui ouvrait son album et où sa voix donne déjà toute sa mesure avec une multiplicité de textures et des montées spectaculaires. Le hit mélancolique Teenage Fantasy, une ode aux crush adolescents, dont le refrain est repris en chœur, voit le show monter en puissance.
Jorja Smith a pris de l’assurance depuis l’Olympia. Envolée sa timidité qui la voyait tirer maladroitement sur sa petite robe rose et remercier timidement avec les yeux baissés. Elle regarde maintenant droit devant elle, distribue à la ronde des sourires à se damner, se balade crânement en ondulant sur toute la largeur de la scène sans plus camper devant son micro et remue du popotin avec classe comme elle l’a toujours fait, s’attirant chaque fois les rugissements lubriques du public.
Mais alors qu’elle enchaine les titres dans l’ordre de son album – Where Did I Go ? puis February 3rd et On Your Own – on s’inquiète d’un concert un peu trop dans les clous. Perdu ! Son nouveau single Be Honest (avec Burna Boy en featuring) donne le coup d’envoi d’une séquence plus syncopée : Jorja a décidé de nous faire danser avec des reprises très dance où l’on reconnaît Get it Together de Drake, l’un des tout premiers à l’avoir repérée et invitée en featuring. En conclusion, son vieux single UK Garage On My Mind met tout le monde d’accord et transforme la pelouse en piste de danse. A point pour le grand barnum dance de Major Lazer, chargé de conclure la soirée à sa suite.
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