On le connaît d’abord par sa carrière d’acteur. Mais Jean-Pierre Kalfon a connu mille vies : le cinéma bien sûr, mais aussi le théâtre, la danse et la musique. Dès les années 60, il a enregistré des chansons mais jamais d’album complet, chose qu’il a réalisée en 1993 avec le groupe Black Minestrone. Aujourd’hui c’est sous son nom seul qu’il sort Mefistofélange (Deviation records). Un disque empreint de textes sulfureux (Sextoy), de pamphlets sociaux (Chope le cash), et d’ambiances crépusculaires (Noire la nuit, Train fantôme). Des divagations sur la musique et les mots, accompagnées par des arrangements très rock (Retour solo, Solitaire, Championne), bluesy (Une main amie), ou rhythm and blues avec cuivres clinquants (Gypsies rock ‘n’roll band). On y croise des marginaux, des solitaires, mais aussi un certain « Bob » qui chante « No direction home »…
Il n’y a pas d’âge pour jouer et chanter du rock’n’roll, et Jean-Pierre Kalfon nous l’a confirmé dans un échange convivial autour de ses inspirations et de ses envies futures, car il ne compte pas s’arrêter là !
Cette carrière d’acteur c’est arrivé un peu par circonstances ?
J’étais plus intéressé par la musique. Mais quand je ramenais chez moi trompette, trombone, guitare, mes parents ne voulaient pas que je fasse de la musique. J’ai fugué de chez mes parents, j’ai vécu en Belgique, j’ai fait n’importe quoi, je picolais avec des gens qui avaient 10 ans de plus que moi… j’ai fait des conneries, je me suis fait gaulé, j’ai été ramené en France en centre de délinquants. Et puis après j’ai été dans une école de dessin, j’ai suivi quelqu’un qui donnait des cours de théâtre, et puis j’ai pris des cours de danse moderne pour finir boy aux Folies Bergères… un zigzag constant. J’ai ensuite monté des pièces. Des rencontres, une chose amenant l’autre…
Vous n’êtes pas tendre avec beaucoup de personnes mais aussi avec vous-même dans Costard.
La première chose qu’on doit critiquer c’est d’abord soi-même. Se moquer de soi-même c’est la moindre des choses. L’humour ce n’est pas se moquer des autres. Je ne me moque de personne. C’est bien gentil de tout remettre sur les autres, mais on est soi-même responsable de pas mal de choses par rapport à sa vie.
Vous aimez jouer avec les mots ?
J’adore le langage. J’ai fait tout cet album en français pour faire sonner le français. Beaucoup de groupes français chantent en anglais, on se fait coloniser. Moi je ne veux pas être colonisé, je veux avancer avec ma langue que j’aime beaucoup, qui est très riche et qui a aussi des sonorités qui percutent. Le français si on le travaille bien, ça peut aussi être rythmique.
Le morceau-titre est lui-même un jeu de mots. Vous l’avez dédicacé à Amy Winehouse ?
Oui c’était une sorte d’ange qui s’est fait prendre en main par un méphisto, et elle en est morte. C’était un génie cette fille, elle écrivait paroles, musiques… j’attendais d’elle une longue carrière à la Bob Dylan. Elle était trop sensible, elle s’est laissée embarquée, elle a vécu à l’envers. Méfistofélange c’est joli, ça sonne bien, et ça regroupe un peu ce qu’on est tous. On a tous du mal et du bien en nous. Pour moi ça caractérise l’âme humaine.
On ouvre et on ferme l’album sur des ambiances crépusculaires mais il y a des moments lumineux entre les deux.
Pour cette chanson Noire la nuit j’avais écrit d’autres paroles, parce que je pensais que la nuit parisienne actuelle n’était plus comme celle des années 70 et 80. Le Palace, les Bains Douches, tout ça c’est terminé. Et d’un seul coup est arrivée la guerre et ça m’a amené à tout changer, à réécrire complètement le morceau. Mais je parle aussi de la beauté des femmes, d’amour, du fait que toute le monde fait partie de l’histoire (la chanson Partie de la partie – NDLR). J’essaie de faire en sorte qu’il y ait toutes les couleurs sur la palette.
Vous semblez infatigable, vous avez des projets ?
J’ai plein de chansons d’avance. J’espère que ce disque marchera. J’aimerais avancer avec un autre album. Et puis les musiciens sont formidables. Depuis le temps que je suis dans la musique j’ai rencontré beaucoup de gens, et j’ai essayé de réunir la crème de la crème sur ce disque, et des musiciens passionnés par le même genre de musique que moi. J’étais fasciné par Elvis mais aussi par Otis, Sam and Dave, Aretha Franklin… Comme je ne me repose pas sur mes acquis, je regarde devant et je dois envoyer du bois pour continuer !
L’album « Méfistofélange » sort ce vendredi 21 octobre (Devation Records).
Jean-Pierre Kalfon sera en concert le 12 décembre au Petit Bain (Paris).
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