Privés de scène, les artistes sont décidés à garder le contact avec le public assigné à résidence dans le cadre de la lutte internationale contre la propagation du covid-19. Il y a des musiciens classiques, des stars pop, rock, de la chanson, mais aussi des artistes de jazz. Parmi eux, une grande voix s’est fait entendre mercredi soir 18 mars via les réseaux sociaux. Celle de la chanteuse franco-américaine Cécile McLorin Salvant, la plus impressionnante vocaliste de jazz de sa génération, avec à ses côtés son partenaire Sullivan Fortner, résident new-yorkais comme elle
C’est avec Fortner que Cécile McLorin Salvant a enregistré son dernier album The Window (2018), et dans la dernière interview qu’elle nous a accordée en 2018, elle ne tarissait pas d’éloges à son sujet. Depuis, les deux complices ont donné de nombreux concerts à travers le monde. Leur tournée en cours ayant été interrompue par la crise du coronavirus, ils ont décidé d’offrir une session live, annoncée mardi sur la page Instagram de la chanteuse, avec un avertissement : « La qualité sonore sera mauvaise. » Mais dans le contexte actuel, ça n’a plus vraiment d’importance. Et un talent comme celui de ces deux artistes transcende tout.
Cécile McLorin Salvant au premier plan, assise, dans une robe argentée. À l’arrière-plan, au piano, dans un effet de contre-jour dû à l’éclairage, la silhouette de Sullivan Fortner, grand béret sur la tête. Avant le début de la session, un rideau de scène symbolique est brandi devant la web caméra par la jeune femme : il s’agit de l’un de ses dessins – c’est son autre passion – qui représente une salle de spectacle. Près d’une heure cinquante minutes de direct, de musique d’un niveau d’excellence malgré le côté informel et décontracté d’un concert en appartement. La retransmission live a débuté vers 20 heures à New York, c’est à dire à 1 heure en France, pour s’achever vers 2H45 du matin…
Complicité et culture musicale encyclopédique
Tout au long de ce rendez-vous intimiste, les deux artistes vont nous subjuguer par leur connaissance encyclopédique du Great American Song Book, l’anthologie de la musique populaire américaine et du jazz des années 1920 à 1950, et bien au-delà. Comme c’est la tradition dans ce type de session interactive, Cécile McLorin Salvant guette les requêtes des internautes et s’amuse. La jeune femme, qui a démarré sa carrière dans l’art lyrique, n’hésite pas à ponctuer son tour de chant d’intermèdes, de Georges Bizet à Charles Aznavour (voir set-list au bas de l’article). Les deux musiciens rigolent, le pianiste soufflant les paroles à la chanteuse quand celle-ci a un trou de mémoire, la chanteuse se retournant vers le pianiste s’il s’égare de la grille ou de la structure pré-définie… Fortner fait tellement plus qu’accompagner McLorin Salvant, naviguant entre contrepoint et improvisations enjouées. On ressent totalement leur joie de faire de la musique ensemble,
Vers 2h25, heure de Paris, le concert s’interrompt, le temps que Cécile McLorin Salvant invite les internautes à faire des donations pour des causes de leur choix pour soutenir les plus vulnérables. Puis, via le tchat Instagram, elle propose d’échanger en direct avec des internautes en ligne, mais sa propre mère, timide, se défile ! Ensuite, des problèmes techniques l’empêchent de se mettre en contact avec une auditrice de prestige : la chanteuse Dianne Reeves.
Après un ultime standard, I Didn’t Know What Time It Was, qu’elle avait repris dans un de ses premiers albums, Cécile McLorin Salvant prend un nouveau rendez-vous, sans en avoir fixé la date pour le moment, cette fois « for the Frenchies », avec un répertoire essentiellement « français, voire espagnol, et pourquoi pas italien »… La jeune trentenaire étant aussi éblouissante – et bouleversante – dans la chanson française et réaliste que dans le jazz, un tour de chant majoritairement francophone nous promet mille étincelles d’émotion.
La setlist du concert
(Tonight I Gave) The Greatest Performance of My Life (Roberto Sandro, Oscar Anderle, Robert Allen), une chanson interprétée autrefois par Nancy Wilson, Shirley Bassey…
High Anxiety (Mel Brooks)
Where is it Written (Michel Legrand, Alan et Marilyn Bergman), extrait de la musique du film Yentl (1983) de Barbra Streisand
Wasted Life Blues (Bessie Smith)
I’m All Smiles (Michael Leonard, Herbert Martin)
Visions (Stevie Wonder)
If You Feel Like Singing, Sing (Harry Warren, Mack Gordon), une chanson du répertoire de Judy Garland
Where is Love ? (musique de Lionel Bart), de la comédie musicale Oliver
You Can’t Get a Man With a Gun (Irvin Berlin) de la comédie musicale Anny Get Your Gun
No Love Dying (Gregory Porter)
Stepsister’s Lament (Richard Rodgers, Oscar Hammerstein II), extrait de la comédie musicale Cinderella
One Step Ahead (Aretha Franklin)
Ghost Song (Cécile McLorin Salvant), leur sublime duo a cappella à la demande de la sœur de la chanteuse qui souhaitait les entendre chanter ensemble
Cabin in the Sky, extrait de la comédie musicale éponyme, toujours en duo
Monday (Cécile McLorin Salvant)
Petits intermèdes : Près des remparts de Séville, L’Amour est un oiseau rebelle (extraits de Carmen de Georges Bizet), après quelques notes de La Bohème de Charles Aznavour
Ma plus belle histoire d’amour
Intermède de 20 minutes de discussions
I Didn’t Know What Time it Was (Richard Rodgers, Lorenz Hart), extrait de la comédie musicale Too Many Girls. La chanteuse achève sa session live coiffée d’une couronne de paille dorée réalisée par sa mère…
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