Ce week-end, on apprenait par le Billboard que l’autrice et chanteuse Shakira, 43 ans, venait de vendre son catalogue de chansons à un fonds d’investissement basé à Londres, Hipgnosis Songs Fund Limited. La chanteuse colombienne aux millions de ventes a donc cédé les droits d’auteur de l’ensemble de ses 145 titres, dont ses tubes internationaux Whenever, Wherever et Hips Don’t Lie. La transaction, dont le montant n’a pas été précisé, ne concerne toutefois pas ses futures compositions.
Neil Young, Blondie, Fleetwood Mac : c’est une déferlante
Quelques jours plus tôt, c’est Neil Young, 75 ans, qui avait annoncé vendre 50% des droits de son catalogue de chansons au même fonds d’investissement, Hipgnosis. La société aurait déboursé 150 millions de dollars pour acquérir la moitié des droits sur les 1.180 compositions du musicien américano-canadien.
Début décembre, une autre icône, Bob Dylan, 79 ans, lui avait ouvert la voie en cédant les droits de ses quelque 600 chansons à Universal Music, qui aurait, selon le New York Times, payé le double (300 millions de dollars). Bien qu’il n’ait pas été confirmé officiellement, il s’agit d’un montant record.
Ces trois artistes sont à la crête d’une vague majeure qui a déferlé tout au long de 2020. Stevie Nicks de Fleetwood Mac a vendu la majorité de son catalogue pour 100 millions de dollars à l’éditeur de musique Primary Wave, tandis que Debbie Harry de Blondie, RZA du Wu-Tang Clan, Chrissie Hynde des Pretenders et Dave Stewart de Eurythmics cédaient tout ou partie de leurs droits à Hipgnosis.
La liste s’allonge chaque semaine. Tout récemment, c’est Jimmy Iovine, 67 ans, producteur connu pour son travail avec Dr Dre, Eminem, U2, Bruce Springsteen etc, qui a vendu les droits de 259 de ses chansons à Hipgnosis, tandis que Dan Wilson, 59 ans, auteur pour Adele (Someone Like You), Celine Dion ou John Legend, cédait son catalogue à la société d’édition Primary Wave.
Que cache cette frénésie de ventes ?
Quels sont les ressorts de ce mouvement de fond, qualifié de « ruée vers l’or » par l’industrie musicale? Si l’augmentation des ventes de catalogues a débuté avant 2020 de façon plus discrète, la pandémie de Covid-19 et la mise à l’arrêt des concerts et des tournées, principale source de revenus des musiciens, semblent l’avoir accélérée.
Pour les acquéreurs, c’est une façon de mettre la main sur une manne juteuse, avec des titres inusables, qui rapportent gros de façon fiable et régulière, en partie grâce au streaming, part grandissante du marché de la musique, explique un article du Guardian. Les droits des morceaux rapportent aussi des royalties chaque fois qu’ils sont joués à la radio, vendus sur support physique (CD ou vinyl), repris ou samplés par d’autres artistes, ou encore placés dans des films, des séries ou des publicités.
Hipgnosis se taille la part du lion
Ainsi, le fonds d’investissement Hipgnosis, l’un des fonds d’investissement les plus actifs dans le rachat de catalogues d’édition musicale, a déboursé plus d’un milliard de dollars depuis 2018 pour acquérir des droits musicaux et a vu ses revenus multipliés par dix en 2020 par rapport à 2019, rapporte Variety (passant en douze mois de 8,9 millions de dollars à 81 millions de dollars). Créée en 2018 par Merck Mercuriadis, ancien manager de Beyoncé, Elton John et Guns’n’ Roses, la société fait désormais partie des plus grosses valeurs cotées à Londres.
Dans son rapport annuel 2020, Hipgnosis souligne que les revenus de catalogues musicaux sont imperméables aux mouvements des marchés car les gens écoutent toujours de la musique (même en temps de pandémie ou de disette) et « paient presque toujours » cette consommation grâce aux plateformes de streaming.
Les artistes ont besoin de cash
Du côté des artistes, les motivations diffèrent mais ils profitent tous actuellement de ce que les prix de rachat sont élevés (ce ne sera peut-être pas toujours le cas). Certains vendent pour obtenir du cash pour leurs dernières années et parfois en vue d’abonder leurs fondations (Jimmy Iovine avec sa Young Academy co-fondée avec Dr Dre). D’autres souhaitent mettre leurs affaires en ordre et sécuriser l’avenir de leurs héritiers, comme l’envisage Dolly Parton, âgée de 74 ans.
David Crosby, ex-Byrds et Crosby Stills and Nash dit, lui, y être contraint pour nourrir sa famille et payer ses traites alors que les concerts sont au point mort et que le streaming le spolie, dit-il, de ses revenus musicaux.
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