En mars 2021, la remise du palmarès 2020 s’était déroulée dans le huis clos de la station radio Fip pour cause de Covid-19. Jeudi 3 mars, l’Académie du jazz, institution fondée en 1955, a renoué avec le public – essentiellement des professionnels – réuni dans la chaleureuse salle du Pan Piper, dans l’est parisien. Non sans une étrange mésaventure : quelques trophées ont été dérobés dans la rue à leur arrivée devant le bâtiment ! Mais les récompenses des quelques lauréats présents à la cérémonie ont échappé à cet acte de malveillance.
La joie et l’émotion de Thomas de Pourquery
En tête des récipiendaires, Thomas de Pourquery, 44 ans, compositeur, saxophoniste, chanteur, showman, multipliant les projets et collaborations artistiques dans le jazz et bien au-delà – pop, rock, électro – depuis une vingtaine d’années, a été distingué par le prix Django Reinhardt qui récompense le musicien français de l’année. Au palmarès de cette distinction, Thomas de Pourquery succède à une autre saxophoniste, Sophie Alour. Jeudi soir, se disant « très ému » par cette récompense, dans une allusion au conflit en Ukraine, presque dans un murmure, le musicien a conclu sa courte prise de parole par un message qui sonnait comme une prière : « Puissent nos lumières exister et briller très fort. »
Avec son groupe Supersonic, sa plus belle réussite artistique, Pourquery enflamme depuis quelques années les scènes et festivals. Le public de Jazz à la Villette se souvient du concert du 8 septembre 2021 lors duquel Supersonic – créé initialement pour un hommage discographique au mythique Sun Ra et pérennisé face au succès – a présenté son troisième album Back to the Moon. Un triomphe de rockstars. Le 25 février dernier, Thomas de Pourquery et plusieurs de ses complices venus du jazz ont mis en musique la 47e cérémonie de César, à l’invitation d’Antoine de Caunes.
Martial Solal distingué pour son dernier grand récital parisien
Parmi les autres lauréats, l’immense pianiste Martial Solal, absent de la cérémonie, a reçu le Grand Prix de l’Académie pour son album live capté lors de son dernier récital parisien, magique et magistral, à la Salle Gaveau en 2019. Avec leur Belmondo Quintet, les frères Lionel et Stéphane Belmondo ont été récompensés par le Prix du disque français pour Brotherhood, déjà distingué en octobre dernier aux Victoires du Jazz (où ils avaient joué leur émouvant Song for Dad), un album pensé comme une ode à la famille et un hommage à leur père disparu.
Le prix du Jazz vocal est revenu à Veronica Swift, prometteuse chanteuse américaine de 27 ans, pour son album This Bitter Earth, alors que le prix du Musicien européen de l’année a été décerné au trompettiste et bugliste suisse Matthieu Michel.
Laurent Mignard et son Duke Orchestra se sont vus remettre le prix du Jazz classique pour l’album Duke Ladies (vol. 1). Ce disque célèbre à la fois les femmes qui ont gravité autrefois autour de Duke Ellington et celles, brillantes musiciennes, qui ont participé à cet ambitieux projet artistique, parmi lesquelles, côté membres de l’orchestre, la clarinettiste Aurélie Tropez et la batteuse Julie Saury, et côté invitées, la chanteuse Natalie Dessay, l’organiste Rhoda Scott ou l’harmoniciste Rachelle Plas.
Le prix Soul de l’Académie est revenu à Robert Finley, chanteur sexagénaire à la voix bouleversante, pour son album Sharecropper’s Son. Le musicien, absent à la cérémonie, a annoncé dans un message des plus radieux qu’il se produirait en France dans les prochains mois.
Parmi les autres lauréats, on citera enfin un très beau livre, Chick Corea, que Ludovic Florin a consacré au grand pianiste américain disparu en février 2021. Le palmarès de l’Académie du jazz a été établi par une cinquantaine de membres électeurs parmi lesquels des journalistes, animateurs, programmateurs, musicologues, photographes ou écrivains (voir palmarès complet ci-dessous).
Palmarès 2021 : lauréats et finalistes
Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année)
Thomas de Pourquery
Finalistes : Fabien Mary, Sammy Thiébault
(avec le soutien de la Fondation BNP Paribas)
Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année)
Martial Solal, Coming Yesterday : Live at Salle Gaveau 2019 (Challenge / DistrArt Musique)
Finalistes : Snorre Kirk Quartet with Stephen Riley avec Going Up (Stunt / UVM), Dave Holland avec Another Land (Edition Records / UVM), Pharoah Sanders, Floating Points & The London Symphony Orchestra avec Promises (Luaka Bop)
Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) Belmondo Quintet, Brotherwood (B-Flat / Pias)
Finalistes : Fabien Mary and the Vintage Orchestra Too Short (Jazz&People / Pias), Pierrick Pédron Fifty-Fifty (Gazebo / L’autre distribution)
Prix du Jazz Vocal
Veronica Swift, This Bitter Earth (Mack Avenue / Pias)
Finalistes : Samara Joy Samara Joy (Whirlwind Recordings / Socadisc), Cecil L. Recchia Play Blue (Harpo / InOuïe Distribution)
Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou actualité récente)
Matthieu Michel, trompettiste suisse
Finalistes : Nils Petter Molvær , Andreas Schaerer
Prix du Meilleur Inédit
Roy Hargrove / Mulgrew Miller, In Harmony (Resonance Records / Pias)
Finalistes : Bill Evans Behind The Dikes – The 1969 Netherlands Recordings (Elemental Music / Distrijazz), Barney Wilen La Note Bleue (Elemental Music / Distrijazz)
Prix du Jazz Classique
Laurent Mignard Duke Orchestra, Duke Ladies – Vol.1 (Juste une Trace / Socadisc)
Finalistes : Jérôme Etcheberry Satchmocracy (Camille Production / Socadisc), Claude Tissendier New Saxomania (autoproduction)
Prix Soul
Robert Finley, Sharecropper’s Son (Easy Eye Sound)
Finalistes : Natalia M. King Woman Mind Of My Own (Dixiefrog ), Allison Russell Outside Child (Fantasy / Universal)
Prix Blues
Cedric Burnside, I Be Trying (Single Lock)
Finalistes : Oliver Wood « Always Smilin’ » (Thirty Tigers), Eddie 9V « Little Black Flies » (Ruf)
Prix du Livre de Jazz
Ludovic Florin, Chick Corea (Éditions du Layeur)
Finalistes : Jean Slamowicz avec Jazz Talk – Approche lexicologique, esthétique et culturelle du jazz (Presses universitaires du Midi), Frédéric Adrian avec Nina Simone (Le Mot et le Reste), Jean Buzelin avec Sister Rosetta Tharpe, la femme qui inventa le rock’n’roll (Éditions Ampelos)
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