On ne présente plus Sézane, première marque de prêt-à-porter parisienne née en 2013 sur les Internets et qui, en seulement quelques années, a bouleversé le marché du retail français au point de créer sur Instagram une impressionnante communauté de plus d’un 1,3 million de fidèles abonné(e)s.
Une success story fulgurante aux allures de conte de fée que l’on doit à Morgane Sézalory, créatrice autodidacte à l’âme inventive qui a fait de sa passion pour les pièces chinées le moteur d’une petite entreprise qui, après une décennie, ne connaît décidément pas la crise.
Morgane Sézalory, l’enfant prodige
Tout commence en 2003. Un bac littéraire en poche, passé en candidat libre de surcroît, celle qui a vécu les premières années de sa vie au Zaïre avant d’atterrir en région parisienne décide de prendre une année sabbatique.
Parce qu’il faut bien se faire un peu d’argent de poche, cette passionnée de pièces vintage se met à customiser des vêtements laissés par sa soeur expatriée, avant de les revendre sur e-Bay.
Tout part très vite, si bien que quelques mois plus tard, Morgane Sézalory pousse le concept et créé en 2009 les Composantes, un e-shop sur lequel elle propose des capsules de pièces vintage revisitées.
Sézane est avant tout une histoire de femmes et d’hommes qui ont besoin de sens : la mienne, la vôtre et celle de tous ceux qui contribuent à l’écrire. – Morgane Sézalory
Ses premières clientes la suivent dans l’aventure, avant d’être rejointes par de nouvelles, séduites par le concept. En quelques mois, elles seront près de 50 000 à guetter les nouveaux arrivages mis régulièrement en ligne sur le site.
Autodidacte, la vingtenaire apprend seule à coudre, découdre, rapiécer un vêtement, scrutant son architecture, admirant ses détails, au point de vouloir se lancer dans la création de ses propres créations.
Anti-conformiste, elle souhaite les vendre encore et toujours sur Internet, au détour de collections capsules qu’elle lancera sur rendez-vous, via inscriptions à une newsletter, à contre-courant du principe de saisonnalité. Contraction de son nom et de son prénom, Sézane était (enfin) né.
Le succès de Sézane
Savant mélange d’essentiels du vestiaire féminin et de pièces fortes attrayantes, les collections Sézane se distinguent d’emblée par des designs résolument contemporains et une attention toute particulière portée à la qualité et à la confection et des matières, le tout à des prix accessibles et des conditions de production responsables.
Résultat ? Les pièces, « fabriquées avec amour » en édition limitée et mises en ligne au détour de rendez-vous mensuels, sont rapidement sold-out, faisant exploser les demandes de réassort sous les posts Instagram, principales vitrines du jeune label alors 100% online.
Des jeans impeccablement coupés aux sacs à mains rapidement hissés au rang d’iconiques, les best-sellers envahissent les rues de la capitale jusqu’aux moindres recoins de l’Hexagone, créant une onde de choc sans précédent au point que des groupes de Sézane Addict fleurissent sur la toile et les réseaux sociaux.
« J’aime Sézane parce que c’est une mode dans l’air du temps, adaptée aussi bien à la ville qu’à la campagne, selon ce qu’on choisit” analyse Katia, 31 ans, fidèle cliente de la marque qui confie avoir un certain penchant pour leurs chaussures, « super confortables, y compris celles avec un grand talon ».
Même à l’autre bout du monde, Sézane fait rêver, le hashtag de la marque se retrouvant sous des posts Instagram localisés aux quatre coins du globe.
Pour Francisca, chilienne de 31 ans qui s’approvisionne en nouvelles pièces à chacune de ses escapades parisiennes, Sézane est synonyme d’intemporalité et de (très) bonne qualité.
« Ce sont des pièces qui durent, qui vivent dans le temps. » souligne-t-elle. Or c’est précisément ce que recherche la marque : s’inscrire dans la longévité, « avec l’engagement que tout sera toujours mieux fait que la veille » peut-on lire sur le site.
Une start-up comme une autre
Et c’est peut-être ça le premier secret de Sézane : un sens de l’innovation permanent, syndrome d’une start-up nation biberonnée à la nouveauté, qui la pousse à repousser perpétuellement ses limites et “disrupter” les attentes de sa communauté.
« Je remets tout le temps en question ce qui peut l’être. J’adore ça, parce que c’est toujours en mouvement ! (…) Je n’ai jamais le sentiment qu’il y a quelque chose d’assez satisfaisant. » racontait Morgane Sézalory en octobre dernier au micro du podcast Les Déviations, tout en mentionnant de manière fugace le rôle de son discret binôme Corentin Petit.
Pur produit de la prestigieuse école de commerce H.E.C., l’homme de l’ombre est en réalité le co-créateur de cette petite boutique 3.0, à laquelle il applique subtilement les habituels principes marketing propres à toute PME née sur le web : croissance rapide et exponentielle, production en flux tendu garantie sans stock trop coûteux, storytelling calibré, test & learn audacieux, et surtout, des nouveautés présentées à un rythme effréné, créant surprise et buzz à chacun de leurs lancements.
La mode, ce n’est pas seulement des vêtements. – Morgane Sézalory
C’est ainsi que le label 100% digital est assorti en 2015 d’une première adresse physique, un appartement-boutique unique en son genre dans lequel les clientes peuvent venir essayer les vêtements vendus en ligne, acheter souliers & maroquinerie, mais aussi une sélection pointue d’objets de décoration, voire même se faire un film dans une charmante salle de cinéma.
Un concept-store niché au coeur de Paris à la déco ultra-soignée, dont la vie est rythmée d’animations attractives, aux quelles les inconditionnelles du label se pressent, quitte à faire la queue pendant une ou deux heures le long de la façade pierre de taille.
« À Noël, on pouvait aller faire graver son portefeuille à ses initiales gratuitement ! Pratique pour les cadeaux ! » se souvient Katia. La formule du point de vente, ultra-ingénieuse, sera rapidement dupliquée à New-York et à Londres, où le tant fantasmé style parisien se vend encore comme des petits pains.
Elle sera suivie des Conciergeries, des lieux visant à faciliter les livraisons et les retours tout en prenant en charge le recyclage des pièces dont les clientes ne voudraient plus.
Sézane, des fringues qui ont du sens
Soucieuse de créer un univers porteur de sens, la marque s’engage en effet pour une mode éthique et lance en 2017 “Demain”, un programme permettant de reverser une partie de ses bénéfices au profit d’associations engagées dans l’éducation des enfants.
En parallèle, les initiatives pour une mode eco-friendly se multiplient, la marque incitant ses clientes à l’upcycling tout en augmentant ses ressources en coton bio.
On notera également le lancement d’Octobre Editions, la ligne masculine de Sézane, une diversification créative de son offre jusqu’aux tenues de sport et l’ouverture cette année d’un nouvelle espace IRL, le Libre Service, surfant sur la vague chine des drugstores d’antan au cœur des Batignolles, un quartier lui aussi en plein revival.
Bref, à chaque jour (ou presque) sa nouveauté quitte à frôler le burn-out, Morgane Sézalory confiant en 2017 avoir été récemment contrainte au repos forcé.
La fabrique du désir Sézane
C’est pourtant elle la pierre angulaire et véritable botte secrète de Sézane, une marque dont les valeurs authentiques reflètent avant tout celles d’une fondatrice au parcours atypique et à la personnalité solaire.
Cultivant un goût sans limite de la liberté et une passion débordante pour l’humain, la chef d’entreprise de 34 ans revendique avant tout l’ambition de se sentir bien, avec elle-même et avec les autres.
« Sézane est avant tout une histoire de femmes et d’hommes qui ont besoin de sens : la mienne, la vôtre et celle de tous ceux qui contribuent à l’écrire »note-t-elle d’emblée sur le site. Sans peur, ni reproches, Morgane Sézalory avance, teste, ose, avec son instinct pour seul guide.
Le même qui, au début des années 2000, lui souffle de créer une esthétique ultra-désirable pour revendre des vêtements de seconde main sur une plateforme internet alors peu attrayante.
« J’ai découvert que j’avais une prédisposition naturelle pour composer avec des images, des matières, des couleurs et c’est comme ça qu’a commencé mon histoire. Je comprends que pour être attiré par une image et pour la voir il faut qu’elle soit lumineuse. Et à l’époque, c’est comme si j’étais la seule à m’être dit que prendre une photo avec un mur blanc, près d’une fenêtre avec une belle composition, c’était plus attirant. » confie-t-elle au micro des Déviations, comme dans de nombreuses interviews.
Une formule magique aux allures de fabrique du désir, sans cesse perfectionnée mais jamais reniée, permettant à chacun des visuels mis en ligne de provoquer une irrésistible envie d’acheter, au-delà même des designs ou de la qualité des pièces proposées.
« La mode, ce n’est pas seulement des vêtements. » avouait-elle au New York Times, lors de l’ouverture de la boutique sur Elizabeth Street. « C’est aussi une question d’inspiration ».
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