Lily Cole, la mannequin qui rêve d’un monde vert

Présenter Lily Cole de manière succincte est une mission quasi-impossible : la jeune Britannique est mannequin, actrice, auteure, entrepreneuse et une militante écologiste de longue date.

Talent précoce, elle a fait sa première couverture de Vogue à 16 ans, a été tout de suite catapultée au panthéon des super-models, a défilé pour les plus grands, de McQueen à Chanel ou Louis Vuitton.

Un vrai conte de fées.

Mais ce n’était qu’un début. En 2007, elle devient actrice et fait plusieurs apparitions sur grand écran (L’imaginarium du docteur Parnassus de Terry Gilliam, The Messenger de David Blair…), tout en suivant brillamment des cours d’histoire de l’art à l’université de Cambridge.

Et voilà qu’en cette année 2020, elle sort un livre titré en anglais Who Cares Wins: Reasons for Optimism in Our Changing World, que l’on pourrait traduire par « Les gagnants sont ceux qui s’engagent : des raisons d’être optimiste dans un monde en plein bouleversement. »

Elle y aborde tous les combats environnementaux et sociaux qui lui sont chers, ceux sur lesquels elle planche « depuis qu’elle est adolescente », nous dit-elle, des enjeux écologiques liés à la fast-fashion jusqu’à l’égalité des sexes.

Lily Cole, celle qui voulait sauver le monde

Aujourd’hui âgée de 32 ans et maman d’une petite fille de 5 ans, Lily Cole met son activité d’entrepreneuse au service de ses engagements : elle est la conseillère d’Impossible, un groupe de réflexion et innovation qu’elle a fondé en 2013 avec son compagnon Kwame Ferreira, et dirige sa marque de lunettes éco-responsables Wire Glasses, lancée il y a deux ans. Interview.

Marie-Claire : Comment avez-vous traversé ces derniers mois ?

Lily Cole :  J’ai passé beaucoup de temps à la campagne, avec ma famille, consciente de la chance que j’avais d’être dans la nature. Certaines choses ont été positives – j’ai pu ralentir vraiment, passer du temps avec ma fille, quand d’autres moments ont été plus stressants, pleins d’incertitudes. Mais je n’avais pas à me plaindre !

Certaines personnes vont jusqu’à penser que le confinement les a aidées à ralentir et à vivre de manière plus consciente. Partagez-vous cette approche ?

Complètement ! Bien sûr, je suis prudente face aux conséquences que cela pourrait avoir à long terme. Et je sais bien que pour certain·es, cette période a été extrêmement difficile.

Mais mon livre parle de ralentissement, de croissance raisonnée, de simplicité volontaire. En étant forcée de m’arrêter, j’ai réalisé à quel point j’étais accro au fait d’être tout le temps très occupée.

Depuis, avez-vous changé votre manière de travailler ?

Les allers-retours à Londres plusieurs fois par semaine, c’est terminé ! Je travaille désormais à distance. Je crois qu’il est important de trouver le bon équilibre travail/vie personnelle.

Moi, ça me demande beaucoup d’effort : j’accepte trop facilement la surcharge de travail.

Vous avez le sentiment d’avoir remis les compteurs à zéro, en quelque sorte ?

Oui. Dans un océan d’incertitudes et de difficultés, je veux rester positive. Cette crise va peut-être nous donner l’occasion – personnellement, collectivement et politiquement – d’opérer des grands changements qu’on ne pensait pas possible il y a à peine un an. Depuis que vous êtes mannequin, vous avez toujours utilisé votre voix pour dénoncer les injustices…

Avez-vous parfois eu peur que cela nuise à votre carrière ?

Aujourd’hui, c’est « à la mode » d’être une activiste, mais quand j’ai commencé, je me souviens que mon agent me disait : « Tu n’as pas peur de mordre la main qui te nourrit en critiquant l’industrie de la mode ? » Mais je m’en fichais.

Ce que j’avais à dire était trop important, alors ça valait le coup. Il est très positif de voir que cette discussion sur la mode durable n’est plus marginale ou jugée anti-mode. Elle est devenue incontournable.

La parole s’est aussi libérée sur les abus de pouvoir, notamment dans la mode…

Je n’ai jamais été confrontée à ça personnellement mais je pense que les mannequins ne sont pas assez protégées. D’ailleurs, il n’y a pas de syndicats assez forts pour les défendre vraiment. Il y a encore beaucoup de travail. De multiples injustices traversent nos sociétés.

Vous n’avez jamais d’état d’âme à porter une cause plutôt qu’une autre ?

Plus maintenant. Lorsque j’étais plus jeune, on me sollicitait sans cesse pour soutenir différentes organisations. Mais j’avais besoin de me concentrer sur la cause environnementale.

Ceci dit, je pense que tous les problèmes sont liés. Cette culture, ce système de hiérarchisation des individus, a engendré toutes sortes d’oppressions – oppression envers les handicapés, les minorités ethniques, les femmes, l’environnement… Dans mon livre, je me penche sur cette « intersectionnalité », cette convergence entre ces différentes injustices.

Parce que je ne pense pas qu’on puisse résoudre un problème sans résoudre tous les autres.

Je rêverais qu’on puisse résoudre les problèmes nous-mêmes, afin qu’on ne lègue pas à nos enfants cet environnement dystopique !

Des questions sur lesquelles vous êtes engagée depuis dix ans sont maintenant à la une…

Cela me laisse un goût amer car si l’on en parle plus, c’est aussi parce que la situation a empiré. La menace grandit, la science avance et cela galvanise les gens, les aide à passer à l’action.

Mais en réalité… ça craint ! Car cela fait des décennies qu’on a les chiffres, les datas qui auraient dû nous inciter à agir. Mais il est inspirant de voir prendre forme ce mouvement citoyen massif autour des questions environnementales et du réchauffement climatique. J’ai le même sentiment doux-amer quant à la résurrection du mouvement #BlackLivesMatter.

Bien sûr, il est désolant de voir qu’il y a encore tant à faire pour combattre le racisme systémique. Mais #BlackLivesMatter, c’est aussi un élan positif.

Que vous inspire le fait d’élever votre fille dans un monde confronté au changement climatique ?

Là encore, j’éprouve des sentiments mélangés. Je rêverais qu’on puisse résoudre les problèmes nous-mêmes, afin qu’on ne lègue pas à nos enfants cet environnement dystopique !

Mais ceci dit, je vois émerger une jeune génération qui arrive avec ses propres idées, une manière neuve d’envisager le monde, un système de valeurs repensé.

Nous avons à apprendre d’eux. Mais nous devons aussi écouter les plus âgés, qui sont riches des expériences traversées.

Vous-même, quelle enfance avez-vous eue ?

J’ai grandi à Londres. Ma mère est quelqu’un de très créatif, nous étions tout le temps en train de danser, de fabriquer des cartes, de faire des gâteaux… J’ai été à l’école publique.

À Londres, cela signifie que j’ai baigné dans un univers culturellement très divers, ce qui a eu une influence très positive sur moi.

Ma mère était célibataire et handicapée, et elle a fait un boulot incroyable en élevant deux enfants dans ces circonstances difficiles.

Comment envisagez-vous les prochains mois ?

Se projeter, ce n’est pas ce que je fais de mieux. Mais j’aimerais faire plus de films. J’apprécie la vie à la campagne et je sais qu’à un moment, j’aurais envie de me poser quelque part et d’investir dans la terre, avoir des animaux, faire pousser des légumes.

Je voudrais acquérir un piano, aussi, et jouer plus. Ça me rend très heureuse, mais jusque-là je ne trouvais pas le temps…

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