- La résille, une matière fétichisée
- La résille, accessoire d’une mode contestataire
- Les collants résille, entre scandale et banalisation
C’est peut-être l’un des apparats féminins qui a fait couler le plus d’encre.
Dans son essai Strip-Tease publié en 1957, Roland Barthes ne mâche pas ses mots pour désigner ce que l’on appelle alors des « bas filets ».
« L’un des plus grands accessoires du music-hall ! » s’exclame-t-il. Et il n’a pas tout à fait tort. Et pour cause, c’est avec le début du XXe siècle et l’essor de la vie nocturne autour des grands cabarets comme le Moulin Rouge que la résille fait irruption dans l’histoire vestimentaire moderne, après quelques timides apparitions durant l’ère victorienne.
La résille, une matière fétichisée
Au début des années 1900, la matière se décline alors en bas mais aussi parfois en gants, en robes ou en combinaisons, faisant office principalement de costumes de scènes pour les tenantes du burlesque ou du strip-tease de l’époque comme l’iconique Gypsy Rose Lee.
Et pour cause, s’ils donnaient l’impression de loin d’être de simples bas noirs, ils permettaient en réalité de dévoiler subtilement ce qu’il faut de peau un fois éclairée par les spots de lumière de la scène.
Par ailleurs, les collants nylon n’ayant pas encore été inventés, les bas en résille se révélaient plus aptes à la danse et aux mouvements corporels que les traditionnels bas de soie noirs.
Seul bémol : popularisés par celles que l’on considère comme des « femmes de petites conditions », les résilles se voient frappés du sceau de l’érotisme, y compris lorsqu’ils sont adoptés par les flappers, ces jeunes garçonnes des années folles qui, durant l’entre deux guerres, arboraient carrés courts et robes longilignes au dessus du genou, sortant danser toute la nuit sans chaperon ni crainte du qu’en-dira-t-on.
Il faudra attendre l’âge d’or d’Hollywood et la capacité du cinéma américain a transformé tout ce qu’il touche en or pour voir les résilles se muer en objet de désir plus respectable… et plus respecté.
C’est l’ère des divas du grand écran comme Marlène Dietrich et Gloria Swanson, qui n’hésitent pas à intégrer les collants émaillés à leur garde robe avant-gardiste, puis celle de la pin-up, incarnée par Marilyn Monroe, Betty Page ou encore Brigitte Bardot.
Plus qu’un accessoire, les résilles se font alors le symbole d’une féminité à la marge des conventions, aussi émancipée qu’objétisée, qui se joue de sa sexualisation tout comme elle en pâtit.
Une connotation qui suivra finalement les résilles tout au long de son histoire, moins en raison de son effet ni vêtue, ni-nue, que de ses origines fétichisées.
La résille, accessoire d’une mode contestataire
C’est d’ailleurs cette même ascendance avec les travailleuses du sexe qui fera des résilles des accessoires de prédilections du mouvement punk et autres contre-cultures anti-système des années 70-80, leurs adeptes se réapropriant à outrance les pièces de mode mis au banc de la société.
Exit le glamour premier degré, les collants résille se font symbole d’outrage et de rébellion, portés sous des jeans déchirés, des jupes en cuir ou détournés de façon transgressive en mitaines ou en cropped-top par des filles…. comme par des garçons.
“Jean Paul Gaultier et Vivienne Westwood ont construit leur style à partir de ces touches de punk, ces éléments comme les collants résille qui faisaient allusion au sexe – brouillant les frontières de genre », explique l’historienne Karen Ben-Horin dans un article de The Observer.
« Je pense qu’une grande partie de la signification que nous attribuons aux résilles aujourd’hui vient de ces designers et des sous-cultures qui ont influencé leur travail. » souligne-t-elle.
Puis ce sera au tour de la communauté queer de se réapproprier cette matière, en collants comme en top, s’appliquant ainsi à redéfinir les codes d’une sexualité comtemporaine jusqu’ici hétéronormée.
Les collants résille, entre scandale et banalisation
Avec les années 2000-2010, à la faveur de créateurs audacieux et de pop-stars au vestiaire émancipée, les collants résilles se voient peu à peu normalisés, se déclinant dans toutes les teintes, y compris les plus flashys, et se portant aussi bien version chaussettes avec de sages mocassins que façon rave party avec un short en jean et d’imposantes sneakers.
Chaque tribu stylistique l’interprète finalement à son goût et les résilles investissent les rayons des grandes enseignes de fast-fashion comme les marques spécialistes de collants.
C’est finalement lorsqu’il apparaît sur les jambes de personnalités publiques qu’ils continuent de faire débat, que ce soit Serena Williams qui, en 2019, foulait le court de tennis de l’Open d’Australie dans une tenue Nike personnalisé accessoirisé de collants résille transparents ou Jill Biden arborant en avril 2021 une version fantaisie des fameux fishnets qui lui a attiré le courroux des commentateurs conservateurs.
Vous avez dit patriarcal ?
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