« C’est juste la bande-annonce ! » Lorsqu’elle doit défendre son choix stylistique devant ses amies avant son premier date fatidique, Carrie Bradshaw (aka Sarah Jessica Parker dans Sex and The City de HBO) réfute toute velléité d’ostentation. Ultra-courte, ultra-moulante et d’une teinte qui se mêle à celle de sa peau, la robe donne pourtant la sensation que la chroniqueuse new-yorkaise s’apprête à sortir complètement nue.
« C’est des nichons sur un plateau mais tu le portes bien ! » lance Miranda Hobbes. « Disons-le franchement : c’est une naked dress ! » rétorque Charlotte York. Et en une simple réplique, le concept était lancé.
Oxymore stylistique réservée à la fiction et au tapis rouge, la naked dress n’a cessé de voir ses vocations évoluées au fil du temps et de l’usage qu’en font les célébrités. Décryptage.
Naked dress et corps féminin
Le monde n’a pas attendu Sex & The City pour faire de la naked dress un pièce à part entière du dressing féminin, dont l’imaginaire reste d’ailleurs moins concret que fantasmé.
Démocratisée par les stars du grand comme du petit écran, cette robe qui dévoile plus qu’elle n’occulte relève en effet du vêtement trophée que seule une minorité de femmes s’approprient au quotidien tant elle reste intimement associée – dans nos sociétés patriarcales – au sulfureux péché d’une sexualité débridée.
C’est d’ailleurs ce qui choque la conservatrice Charlotte lorsqu’elle voit Carrie sortir de son dressing : son amie veut offrir son corps à Mr.Big le premier soir et sa robe le crie haut et fort. « Je croyais que tu voulais une relation sérieuse avec ce mec : tu ne peux pas coucher avec lui le premier soir ! »
Outre le fait qu’il révèle – voire libère – un corps féminin habituellement sous contrôle, c’est surtout ce que la naked dress dit de l’utilisation supposée de ce corps qui semble autant déranger ses pourfendeurs. Autrement dit, la naked dress choque car elle implique que celle qui la porte fait ce qu’elle veut de sa petite personne, stylistiquement…et sexuellement.
Et c’est bien ce haut potentiel de scandale qui façonnera l’essence de la robe mais aussi son principal attrait auprès de celles qui la porteront, que ce soit par provocation, nonchalance ou un irrépressible sentiment de fierté.
Costume de scène(s)
Sans surprise, c’est Hollywood, ses paillettes, son glamour, et sa virtuose capacité à sexualiser les femmes qui a lancé les hostilités, avec des actrices qui ont fait de la naked dress une façon de se démarquer et de s’extirper des conventions, comme le note très justement le Marie Claire Uk dans un article dédié.
Et pour cause le caractère fictionnel des premiers long-métrages offre le cadre idéal aux expérimentations stylistiques en tout genre, le costume de scène pouvant alors se permettre de jouer avec l’ostentation. Timide dans les années 20 façon Clara Bow, la naked dress suggère alors avec subtilité, le voile de la robe se couvrant comme par pudeur de paillettes et de motifs en tout genre.
La décennie suivante, elle laisse place à une certaine flamboyance avec des tenues façon Beyoncé qui commencent à s’inviter dans le dressing d’actrices comme l’icône des années 30 Mae West.
Sequins, dentelles, perles et autres détails viennent alors superposés stratégiquement tulle et mesh transparent sur les zones sexualisées du corps, repoussant peu à peu les limites d’une semi-nudité qui reste de l’ordre, une fois de plus, du show et du costume.
Sexe et politique
C’est finalement lorsqu’elle s’extirpe de ce caractère fictionnel que la naked dress devient objet de scandale. En 1962, Marilyn Monroe casse les pré-Internets en souhaitant d’une voix langoureuse un joyeux anniversaire au Président Kennedy, vêtue d’une robe transparente si moulante qu’elle aurait été finalisée sur l’actrice.
Recouverte de 2500 strass sublimant chaque courbe de son corps, la tenue finira de propulser la star hollywoodienne au rang de sex symbol et de faire la naked dress l’ultime arme de provocation (et de communication) des célébrités en tout genre.
Dans les années 70, à la faveur d’une certaine vibe contestataire, la naked dress s’affiche sur les idoles des jeunes qui en font leur tenue de scène (et de tapis rouge) de prédilections.
Transparence, matières couleur chair mais aussi plumes, franges et paillettes : les modèles rivalisent alors de flamboyance et de sophistication sur fond de night life débridée et d’ode au disco.
Difficile de ne pas se souvenir de Cher et ses tenues hautes en couleur, qui n’hésitaient pas à dévoiler sa poitrine et ses hanches au MET Gala comme aux Oscars, au point de faire la couverture du Time Magazine alors habituellement réservée aux puissants de ce monde.
De quoi amorcer les débuts de la naked dress comme tenue politique à part entière, au-delà de ses simples artifices.
Liberté, égalité, sexualité
Résolument moins bling-bling, la naked dress du Vieux-Continent embrasse le même chemin sociologique. Portée par une génération yé-yé empreinte de liberté, elle témoigne de velléités féministes à peine voilées sur fond de revendications sociétales alors démocratisées.
Habituée de la petite robe transparente, Jane Birkin fait ainsi de la nudité au féminin un acte qui se veut aussi rebelle qu’anodin, déclinant la naked dress sur des notes créatives qui conjuguent style et désir.
Une normalisation auréolée de coolitude en somme, qui posera les bases de la naked dress moderne comme le démontrera deux décennies plus tard Kate Moss et sa robe métallique doublé d’un sting noir, d’une bière et d’une cigarette, du moins sur la photo consacrée.
Affiché dans les pages de magazines ou les spots de publicité, la nudité au féminin se veut alors banalisée, le BA-ba d’une sexyness effortless, intériorisé mais aussi complètement assumé. C’est dans ce contexte que la chaîne américaine HBO lancera alors sa série mythique, mettant en scène une chroniqueuse sexe qui part (notamment) en premier rendez-vous en naked-dress.
Une nudité à géométrie variable
Outil d’empowerment sur fond de célébration de soi, la naked dress inonde ainsi les tapis rouges et autres événements mondains, avec une finalité sur-mesure, variant d’une célébrité à l’autre.
Pour Rose McGowan, déambuler presque nue sur le tapis rouge des VMA en 1998 relevait d’une « réappropriation de son corps après son attaque ». « J’ai fait ça pour une raison. C’était ma première apparition publique après avoir été violée » racontait l’actrice au fil d’une interview accordée à l’activiste Jameela Jamil en 2019.
En 2000, J Lo entérine la force de pouvoir de la naked dress avec sa mythique robe Versace en voile transparent et décolleté (ultra) plongeant, le nombre de recherches Google ayant été si nombreuses qu’elles pousseront (entre autres) les fondateurs du moteur de recherche à créer leur fonctionnalité dédiée aux images. Ou quand la naked dress change même le cours de la technologie !
Elle devient alors dès les années 2000 un statement style à part entière sur les red carpet, un exercice mode un brin périlleux à laquelle chaque VIP se doit (au moins une fois) s’essayer au cours de sa carrière, de Cameron Diaz à Beyoncé en passant plus récemment par Rihanna, Zoë Kravitz ou Ashley Graham.
La naked dress, une fabrique à likes ?
Véritable projecteur vestimentaire, elle permet en effet plus que jamais à celles qui la portent de se faire une visibilité dans un agenda médiatique devenu un brin surchargé, a fortiori avec la montée en force des réseaux sociaux à la fin des années 2010.
À l’heure où chacun peut devenir une célébrité du bout de son smartphone et que les it-girls se suivent à la vitesse de la 5G, la naked dress reste plus que jamais un moyen simple et efficace de rester (ou monter) dans le game de la notoriété a fortiori quand celle qui la porte puise sa notoriété dans son patronyme ou un compte Instagram à forte popularité.
Kendall Jenner, Bella Hadid, Emily Ratajkowski ou encore (et surtout) Kim Kardashian : les idoles 3.0 du moment en font presque la condition sine qua none de leurs tenues de gala, normalisant un culte de l’attention érigé en carrière à part entière.
De quoi ironiquement faire de notre plus simple appareil le comble de luxe et du désir stylistique.
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