- La diamant, un mystérieux talisman
- Le bijou de la royauté, la pierre des amants
- Colonialisme, esclavage et diamants de sang
- Des diamants tournés vers le futur
Débris d’étoiles échoués sur la planète pour les Grecs, larmes des Dieux pour les philosophes romains, talisman protégeant du feu, du poison et des mauvais esprits dans la mythologie hindoue : depuis la nuit des temps (ou presque), le diamant ne cesse de nourrir un imaginaire mythifié dans lequel la convoité pierre précieuse est érigée en Graal aux pouvoirs surnaturelles.
D’ailleurs, le terme même de diamant hérité du grec « adamas » – soit l’incassable, l’invincible – donne d’emblée le ton.
Symbole d’immortalité et d’amour éternel, celui qui fut uni-lateralement proclamé « meilleur ami de la femme » par Marilyn Monroe reste un attribut statutaire aux relents élitiste, synonyme de richesse et de réussite, dont l’exploitation et la démocratisation puisent toutefois leurs origines dans une histoire peu reluisante.
Explications.
La diamant, un mystérieux talisman
Bien qu’il n’y est pas d’histoire officiel du diamant, les experts s’accordent communément à dater son origine entre 2500 et 1700 avant J.C., date à laquelle il aurait été découvert pour la première fois en Inde, dans la région de Golconde, entre les fleuves Godavari et Krishna.
Considéré alors comme un talisman d’ascendance divine, il est alors porté à l’état brut par les hommes dans leur état le plus naturel, sans coupe, ni polissage.
Dans certains textes sanskrit datant de 400-300 avant JC, il est décrit comme une monnaie d’échange, mais aussi une source de revenus et un objet de marchandise dont la valeur est établie à travers des méthodes d’évaluation précises.
Et quand Alexandre le Grand, alors Roi de Macédoine envahit l’Inde, il ne manquera pas de ramener en Europe avec la précieuse pierre déjà muée en objet de désir ultra-convoité.
Un navigateur grec notera dès 120 avant JC l’existence de sites d’extractions aux abords de rivières, mentionnant certainement sans le savoir les premières mines de diamants.
Mais il faudra attendre le début du millénaire suivant pour que le diamant se mue en somptueux ornement, les têtes couronnés européennes s’emparant dès 1074 du précieux minéral pour agrémenter leurs bijoux et autres signes ostentatoires de richesse, lançant indirectement une course à celui ou celle qui pourra se targuer de détenir le plus beau joyau.
Le bijou de la royauté, la pierre des amants
De la reine d’Hongrie qui en agrémente sa couronne en 1074 à la « première » bague de fiançailles en diamant commandée par l’archiduc Maximilien d’Autriche en 1477, le diamant est de toutes les convoitises, y compris les plus romantiques.
Le roi Charles V en fera cadeau à sa (future) épouse en faveur de leur union, l’aristocrate Constanzo Sforza remettra à Camilla d’Aragon une bague en diamant le jour de leur mariage et, en 1515, Marie d’Angleterre retourna dans son royaume avec le diamant Miroir de Naples, un cadeau de son défunt mari Louis XII de France.
Gage d’élégance, la pierre précieuse devient alors l’objet de considérations esthétiques dont les artisans s’emparent pour le façonner à leur guise.
En Italie, une coupe de diamants avant-gardiste est ainsi mise au point au XIVe siècle pour lui conférer de nouvelles tailles, de nouvelles facettes et de nouvelles fantaisies.
En 1476, c’est le tailleur de diamants belge Lodewyk Berkin qui met au point le « scaif », une meule de polissage qui permet de les tailleurs avec précision et rapidité, tout en introduisant le concept de symétrie absolue dans l’art de travailler le diamant.
Une façon singulière de refléter la lumière par delà l’ensemble des facettes du diamants qui s’accompagnera d’autres innovations comme la coupe « rose » en 1520 ou celle en forme de coeur en 1562, expérimenté pour un cadeau de la Reine d’Ecosse à la Reine Elizabeth en symbole de leur amitié.
Les siècles suivant seront marqués par la découverte de diamants aussi spectaculaires qu’ahurissants, du diamants de l’espoir (Hope Diamond) de 116 carats découvert 1638 par l’explorateur Jean Baptiste Tavernier qui ornera, entre autres, la couronne de Louis XIV, à celui du sceptre de l’impératrice Catherine qui règnera sur toute la Russie à la fin des années 1700.
Colonialisme, esclavage et diamants de sang
Face à cette popularisation croissante du diamant à travers les cours royales de l’Ancien Monde, c’est toute une industrie qui se met en place, les mines se multipliant non seulement en Inde, berceau historique du diamant, mais aussi à travers le monde entier, sur fond de colonialisme et d’oppression esclavagiste.
Outre une route du diamant ouverte dès les années 1500 par l’explorateur Vasco de Gama qui permettra de doper le commerce des pierres précieuses entre les mines indiennes et l’Europe, d’autres aventuriers se pressent pour trouver d’autres gisements au Brésil (1725), en Russie (1829) ou encore en Australie (1851) exacerbant la concurrence entre les marchands de diamants désormais soumis à l’un des premiers marchés mondialisés.
Mais c’est avec la découverte de mines en Afrique du Sud en 1870 que l’exploitation et le polissage de diamants prend un tournant résolument industriel, avec toutes les implications socio-économiques qu’une telle mutation tend à engranger.
Et pour cause, outre l’abondance de ressources contrôlées d’une main de fer par une minorité de compagnies spécialisées, l’existence d’une main d’œuvre et de savoir-faire bon marché vont contribuer à la démocratisation du diamant.
Comme le rappelle de façon détaillé Karin Hofmeester dans Les diamants, de la mine à la bague, dans la majorité des sites d’extraction, les mineurs étaient généralement soumis à l’esclavage ou à des conditions de travail difficiles, telles que des bas salaires, un endettement élevé ou le travail forcé, sans oublier les migrations massives forcées impulsés par les différents empires coloniaux européens avec la complicité d’entreprises monopolistiques.
Démocratisé dès la première moitié du XXe siècle sous l’influence d’Hollywood et de publicitaires avisés, le diamant n’en reste pas moins un bien de luxe ultra-convoité dont le business lucratif fait l’objet de nombreux trafics, a fortiori au sein de régions aux nations nouvelles instables, en proie à une classe politique corrompus et des pratiques néo-colonialistes.
Rendu artificiellement rare par le conglomérat De Beers qui monopolisera la fourniture de diamants africains, le diamant fait l’objet d’une course acharnée à la veille des indépendances, comme le décrit très justement la socio-anthropologue Sylvie Bredeloup.
C’est ainsi que naîtront de nombreux scandales à la fin des années 80-90, dont celui des Blood Diamonds, ces diamants extraits et vendus illégalement dans des zones de conflits permettant à des groupes rebelles d’acheter des armes et de contribuer au financement à de guerres civiles sur fond d’exactions humaines.
Selon Amnesty International, ce business juteux – notamment dépeint par le long métrage de Edward Zwick avec Léonardo Dicaprio (Warner Bros), aurait causé la mort de 3,7 millions de personnes en Angola, en République démocratique du Congo (RDC), au Libéria et en Sierra Leone.
Des diamants tournés vers le futur
Face aux ravages humains causés par des diamants aux prix toujours plus démocratisés, les Nations Unies entament dès l’an 2000 le processus de Kimberley, du nom de la ville sud-africaine éponyme.
Sa vocation ? Mettre fin aux « diamants de la violence » par le biais d’une législation internationale encadrant de façon éthique les règles d’extraction, de commerce et de certification des diamants bruts.
En parallèle, l’industrie joaillière a vu se développer la création de diamants de synthèse, qui, outre une production respectueuse des droits humains, assurent une fabrication plus soucieuse de l’environnement et des ressources naturelles.
C’est ainsi que des designers nouvelle génération, mais aussi des joailliers renommés, comme Pandora, n’hésite plus à imaginer des lignes de bijoux réalisés exclusivement à partir de diamants produits en laboratoires, face à une clientèle qui, à l’aune de l’urgence climatique, contribuent à redéfinir les codes du chic.
Ou quand le diamant se dote d’une nouvelle promesse d’éternité.
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