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Les études montrent que, pour la plupart, nous mentons peu. D’où notre tendance à penser que, comme nous, les autres disent la vérité. Ce qui est un problème à l’heure des fake news. Explications.
Le psy : Xavier Seron est docteur en neuropsychologie. Il travaille aujourd’hui comme expert médico-légal à Bruxelles.
Le livre : En s’appuyant sur les dernières avancées de la recherche, l’auteur analyse les soubassements du mensonge sous toutes ses formes, selon les contextes et les intentions, et fait le point sur les techniques qui visent à le détecter.
Nous mentons tous… Avec des intentions différentes ?
Xavier Seron : Oui. Selon la personne à qui ils profitent, on distingue deux catégories de mensonges : les mensonges orientés vers autrui (other-oriented), qui visent à aider ou à protéger l’autre et les mensonges égoïstes (self-oriented), motivés par la recherche d’un profit personnel. Si hommes et femmes mentent dans les mêmes proportions, les études ont montré, jusqu’à nouvel ordre, que les hommes énoncent plus de mensonges égoïstes, les femmes plus de mensonges protecteurs.
Les mensonges orientés vers autrui nous engagent-ils ?
X. S. : Les mensonges prosociaux, que nous émettons tous de façon quasi inconsciente, sont destinés à ménager l’autre. Ils font partie des règles du savoir-vivre (privilégiées, avec plus ou moins de scrupules, sur les règles morales qui incitent à ne pas mentir). Ils sont avantageux pour celui qui les reçoit et sans effet particulier sur le menteur (mais ils peuvent également être utilisés de façon égoïste quand, par stratégie, on flatte quelqu’un dont on espère obtenir un avantage !). Les mensonges altruistes, eux, sont destinés à protéger autrui, mais au désavantage du menteur. Par exemple, céder votre place assise à quelqu’un en lui disant que vous n’êtes pas fatiguée, alors que vous êtes épuisée.
Qui sont les menteurs « professionnels » ?
X. S. : Ils sont en fait peu nombreux : 10%, selon une étude britannique. Donc, 90% des gens tiennent le plus souvent des propos vrais. C’est d’ailleurs un biais qui profite aux menteurs : puisque la plupart du temps nous disons la vérité, nous supposons que c’est le cas de tout le monde. D’où notre tendance à croire ce qu’on nous raconte (qui explique en partie notre crédulité face aux fake news). Parmi les menteurs prolifiques, les mythomanes sont dans une conduite d’addiction et ne peuvent s’empêcher de mentir puisqu’ils n’existent que de cette façon. Les menteurs habiles, au contraire, mentent en vue d’intérêts précis, et ne recourent au mensonge que lorsqu’ils ont intérêt à le faire.
A partir de quel âge mentons-nous ?
X. S. : Les expériences montrent que le mensonge apparaît chez l’enfant vers 3 ans environ, le plus souvent pour éviter une punition. Mais ce n’est que plus âgé qu’il sera capable de tirer toutes les conséquences d’un mensonge et de ne pas se trahir par la suite. L’apparition du mensonge chez l’enfant indique qu’il a compris qu’en émettant des propos mensongers il a le pouvoir de modifier les croyances de la personne à qui il s’adresse. En ce sens, le mensonge est un indicateur du développement chez l’enfant de la théorie de l’esprit c’est-à-dire de la capacité de se représenter ce que l’autre a dans la tête, ce qu’il attend et ce qu’il est prêt à croire. Dans les cas de mensonges de politesse, les études montrent que, face à un cadeau décevant, les garçons ont du mal à faire semblant, tandis que les filles parviennent à manifester des émotions positives (mensonge prosocial). .
Que dire du mensonge à l’heure d’internet ?
X. S. : Les recherches sérieuses sur cette question indiquent une disparition sur le Net du contrôle inhibiteur, à l’œuvre dans une relation de face à face : il ne joue plus par écran interposé. L’anonymat sur internet ouvre un espace phénoménal au mensonge, profitable aux extrémistes, à la criminalité organisée, à la propagande populiste. Les fake news sèment la confusion et le doute. La question de la vérité n’est plus prioritaire, la résonance émotionnelle prime, ainsi que la tendance à croire ce qui renforce nos opinions. Dans le contexte du mensonge sur Internet, les expériences de détection du mensonge émis lors de relations face à face ne sont guère utiles. Il paraît urgent de développer ici des programmes d’éducation à l’analyse critique de la cohérence des informations, à leurs recoupements et à la recherche de leurs origines.
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